Livre: Un adolescent dans les années 1960-1970 au Cameroun “¦
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Livre: Un adolescent dans les années 1960-1970 au Cameroun “¦ :: CAMEROON

C’est à travers une autobiographie partant de mon enfance à 1975, que j’ai écrit un petit livre d’histoire de notre pays par de courts récits et anecdotes, à la forme d’un roman. J’y décris la vie au Cameroun dans les années 1960-1970, avec mon regard d’adolescent.

Souvenirs de gamin à Douala au temps du maquis.

Du séjour de deux ans à Douala en pleine période de revendication de l’indépendance, j’ai, tout gosse que j’étais, gardé d’impérissables souvenirs.

Il y a avait énormément de Blancs à Douala, donnant même l’impression d’être plus nombreux que les Noirs. Il y en avait partout. Ils étaient d’autant plus visibles que la ville était encore minuscule. Deido, Bepanda, etc., n’étaient encore que des villages habités par les Duala. Bonapriso était situé hors de la ville, et hébergeait l’ancien aéroport. Bonabéri était à l’autre bout du monde, d’autant qu’il fallait payer le pont du Wouri pour s’y rendre. Bonabéri n’était pas compris dans la ville de Douala.

Le couvre-feu faisait rage. Il démarrait autour de 20 heures, pour prendre fin le matin vers 6 heures. Toute la nuit, des coups de feu retentissaient. Nous habitions Bonanjo. Cette maison existe toujours de nos jours. Elle est située à l’entrée de la mini-autoroute qui conduit à l’aéroport. Derrière notre maison il y a avait la mangrove. Il s’y déroulait de terribles batailles entre l’armée française et les combattants de l’Armée de Libération Nationale Kamerunaise, ALNK, dirigée à Douala par Tankeu Noé. Parfois, en pleine nuit, lorsque les coups de feu se rapprochaient trop de notre maison, mon père regroupait toute sa petite famille dans le salon, et nous nous mettions à chanter des cantiques religieux jusqu’au matin, toute lumière éteinte.

Notre maison était divisée en deux appartements. Nous occupions l’un d’eux, et un couple de Français occupait l’autre. Celui-ci avait un gosse de mon âge. Lui et moi nous étions liés d’amitiés. Nous jouions ensemble. Nous avions même une photo de nous deux, torses-nus et pieds nus. Malheureusement, celle-ci a disparu de l’album familial. A travers notre amitié, nos parents sont également devenus amis. Le régime colonial était ainsi. Il y avait des Blancs adorables, nullement racistes, et, naturellement, des canailles anti-Nègres. Il ne faudrait pas uniquement retenir les seconds, et passer sous silence les premiers.

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Le maquis à Douala.

Mon père s’était acheté en 1957, une Mercury d’occasion, auprès d’un missionnaire américain. Il nous accompagnait, ma mère et moi à son l’école, et venait nous rechercher. Très souvent, en sortant de l’école, il nous emmenait à « Douala Bar », acheter du poisson. Nous passions alors par New-Bell, et franchissions la ligne de chemin qui conduisait à Yaoundé. Plusieurs fois à ce passage à niveau, j’ai vu des têtes de « maquisards » tranchées et exposées sur des sacs de café vides. D’autres étaient parfois accrochées à des piquets, ou alors ceux-ci étaient enfoncés dans la gorge tranchée, et présentaient ainsi une image surréaliste, car cela ressemblait à des êtres humains avec tout juste une tête et un bâton en dessous. Certaines de ces têtes fumaient. En fait, des militaires s’amusaient à allumer des cigarettes et à les planter sur les lèvres de ces têtes. C’était terrible comme visions.

Un jour, une sirène s’était mise à retentir longuement, et les gens s’étaient mis à courir dans tous les sens dans la rue. D’autres passaient à toute vitesse à vélo ou à moto. Les élèves de ma mère avaient été prises de panique. Elles s’étaient toutes blotties autour d’elle. La sirène continuait à retentir sans interruption. Finalement, la sirène s’était tue. Ma mère avait alors demandé à ses élèves de rentrer chez elles. Peu de temps après, la Mercury de mon père était apparue. Ma mère m’avait prise dans ses bras et avait couru vers l’auto. Elle y était montée avec moi, et mon père avait démarré en trombe en direction de l’avenue du Général de Gaulle où nous habitions, en passant par Bonapriso. Plusieurs années plus tard, étant devenu grand, ma mère m’avait révélé qu’il y avait eu une terrible attaque de l’ALNK, des magasins des Blancs avaient été saccagés, quelques-uns avaient été tués.

Un jour, pendant que mon père se livrait à son passe-temps favori, à savoir bricoler dans sa vieille Mercury, le boy de notre voisin français était venu lui demander s’il n’avait pas besoin d’un « chauffeur-mécanicien ». Non, lui avait répondu mon père. Puis le boy s’était mis à l’aider dans son bricolage. Le lendemain matin, son corps avait été découvert criblé de balles, quelque part en ville. Il était un combattant de l’ALNK. Il avait organisé l’attaque d’une patrouille de l’armée coloniale, et les choses avaient mal tourné pour lui. Je me souviens très bien de ce monsieur. Il se chaussait permanemment de pataugas et portait une culotte kaki. Il avait une grande raie à la Lumumba sur sa tête…

Etant donné que le maquis faisait rage à Douala, les Blancs et les fonctionnaires vivant dans une grande insécurité, l’administration coloniale leur avait délivré des autorisations de port d’armes, afin de ne pas être pris au dépourvu, si jamais ils venaient à être l’objet d’une attaque des maquisards, ceux-ci étant intraitables avec les « Français et leurs collaborateurs indigènes ».

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Je n’ai pas trace de la nuit d’indépendance dans ma tête. Toutefois, je me souviens d’une terrible nuit où les armes avaient crépité sans arrêt derrière notre maison ou commençait le « bois des singes ». Mon père avait réuni sa petite famille autour de lui au salon jusqu’au matin, en s’éclairant simplement d’une lampe tempête, pendant que ma mère, fille de pasteur, disait des prières et chantait des cantiques religieux. Lorsque le jour s’était levé, on avait dénombré derrière notre maison, plusieurs maquisards tués. Il y avait eu un affrontement entre l’ALNK et l’armée coloniale. Etait-ce la nuit de l’indépendance ? Je ne sais pas. Mais, mes parents avaient eu énormément peur cette nuit-là, tout comme notre voisin français et sa famille.

L’incendie du quartier Congo.

Un dimanche, après que nous soyons rentrés du culte à Kassalafam où trouvait l’église de l’E.P.C., je m’étais mis à jouer sur la véranda de notre maison. Je crois avoir vu un petit avion de tourisme tournoyer longuement dans le ciel, puis, une épaisse fumée s’était mise à s’élever au loin. Celle-ci avait alerté mes parents qui avaient aussitôt décidé d’aller voir de quoi il s’agissait, un cousin à mon père, chauffeur de camion étant venu passer le dimanche avec nous et habitant le quartier Congo. Ils m’ont emmené, ne pouvant rester avec personne à la maison. Lorsque nous sommes arrivés devant ce qui tient lieu actuellement de bureau de poste devant le lycée de New-Bell, nous avons trouvé un gigantesque incendie, le quartier Congo était en flammes. Fait plus grave, il était ceinturé par les militaires français et camerounais, ainsi que des « haoussa » armés de lances et de flèches. Quiconque se trouvant à l’intérieur du quartier et qui tentait de se sauver en sortant de celui-ci, était abattu, soit par un coup de feu, soit par une flèche. L’oncle Nyubata, le cousin de mon père, avait très vite compris qu’il ne fallait pas tenter de pénétrer dans le brasier pour essayer de sauver ses petits biens, cela allait se solder par la mort, par le feu, une balle de fusil, ou une flèche en pleine poitrine. Lorsque finit par s’éteindre le brasier, il n’y avait plus une seule âme en vie dans cet immense bidonville peuplé essentiellement de « maquisards » à qui Ahidjo avait demandé de déposer les armes à la suite d’une amnistie, et qui l’avaient innocemment et bien naïvement écouté.

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6

Retour à Yaoundé.

Inscrit à l’Ecole régionale de Yaoundé.

A Yaoundé, j’ai été inscrit à l’Ecole régionale, actuellement Ecole Publique de Melen. Même chose, les salles étaient crasseuses à mourir. Sa grande cour était transformée en patinoire à boue, une fois la pluie tombée, et les élèves en rentrant chez eux, ressemblaient à des personnes qui venaient d’élever des murs en poto-poto, tellement ils avaient de la boue sur tout le corps. De même, mes camarades d’école étaient extrêmement mal élevés, sales, eux aussi pétaient bruyamment en classe, pendant que les autres se bouchaient simplement le nez, dans l’indifférence totale de l’instituteur.

Parfois, on dirait même qu’ils se livraient une concurrence de pets. Ils se mettaient à péter en série et à tour de rôle. C’était incroyable. Par ailleurs, les élèves bagarraient à tout moment, en classe, à la récréation, comme à la sortie des classes. Parfois, ces affrontements s’achevaient par des nez ensanglantés. C’était terrible. Il régnait une très grande sauvagerie à l’époque au sein de la jeunesse au Cameroun. Beaucoup de gosses passaient leur temps dans les quartiers à apprendre la boxe, le karaté, l’haltérophilie et l’acrobatie, pour venir bagarrer à l’école. Dieu merci, ils n’utilisaient pas de couteaux, de lames de rasoir, en tout cas d’armes quelconques, et ne se contentaient simplement que de coups de poings, de pieds et de têtes, parfois des dents, quand la bagarre tournait mal. En tout cas, les gosses à l’époque au Cameroun, étaient, comme on disait en ce temps-là, très « bushman ».

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9

La visite d’Habib Bourguiba à Yaoundé.

L’année 1964 avait été riche en événements à Yaoundé.

Habib Bourguiba, héros de l’indépendance tunisienne, est venu à Yaoundé, en provenance de Bangui. C’était l’époque des voitures présidentielles décapotables. Le Président Ahidjo était parti l’accueillir à l’ancien aéroport. Les élèves de l’Ecole urbaine avaient été placés avant le magasin Casino, devant un bâtiment qui n’existe plus de nos jours, la route ayant été agrandie. J’en faisais partie. Les Présidents Ahidjo et Bourguiba avançaient debout dans la limousine américaine. Les gens étaient amassées le long du trajet, de l’ancien aéroport jusqu’au Mont Fébé, où devait loger Bourguiba. Fouda André, le maire de Yaoundé, avait fait nettoyer la ville, désherbé un peu à gauche à droite. La route de Tsinga avait été goudronnée toute la nuit, du carrefour Warda au Mont Fébé. Jusque-là, elle ne l’était pas. Aussi, les gravillons bruissaient encore sous les pneus et les pieds des gens.

Le cortège était passé sous les acclamations des badauds amassés sur le trottoir devant l’actuel immeuble de la mort et avait effectué le virage du rond-point pour venir passer devant Casino. Arrivé à la hauteur du petit pont déparant la SNI du bâtiment d’après, Bourguida avait tapoté l’épaule du conducteur de la limousine présidentielle, pour lui demander de stopper. Ce dernier s’était retourné vers Ahidjo pour savoir quoi faire. Ahidjo avait acquiescé de la tête. La limousine s’était arrêtée. Bourguiba avait pointé du doigt une fille d’une vingtaine d’années en « sans confiance » qui se tenait sur le trottoir, et lui avait fait signe de la main de monter dans la limousine. La fille prit peur. Elle voulut se sauver. Mais, pas moyen, tellement il y avait de gens derrière elle. Et puis, Bourguiba insistait. La foule a commencé à scander : « accepte ! accepte ! c’est ta chance ! accepte ! ». La fille s’avança, Bourguiba lui ouvrit la portière. Elle monta dans la voiture. Bourguiba la plaça entre Ahidjo et lui, puis fit signe au conducteur de repartir. Celui-ci s’exécuta. La limousine redémarra, sous les applaudissements hystériques de la foule. La limousine est passée devant moi, emportant les deux chefs d’Etat et la jeune fille au milieu.

La demoiselle avait été déposée après le Palais des Sports aujourd’hui. L’histoire ne dit pas si Bourguiba l’avait bourrée d’argent.

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10

La visite de Heinrich Lübke et la pose de la première pierre du transcamerounais.

Toujours en 1964, le président de l’Allemagne fédérale Heinrich Lübke, est venu en visite officielle au Cameroun. D’une part il devait assister aux cérémonies de pose de la première pierre du chemin de fer transcamerounais, d’autre part inaugurer la route bitumée Yaoundé-Mbalmayo, un don de l’Allemagne Fédérale. Les élèves de l’Ecole Urbaine, dont moi, avaient été placés juste à côté de la tribune d’honneur. Le hangar du stationnement de Mbalmayo à l’époque, avait été retenu pour la circonstance. Il s’agit du bâtiment qui se trouve aujourd’hui en peu en face de l’immeuble de la mort, et qui a été transformé en boutiques par la Communauté urbaine. A l’époque, elle était en hauteur, car c’est le tunnel de chemin de fer qui conduit à la gare centrale qui avait fait surélever la route devant au niveau où elle se trouve aujourd’hui. En 1964, elle était toute plate, et au même niveau que la poste centrale et la boulangerie Acropole. La visite du Président Lübke avait été un grand événement au Cameroun, qui avait réveillé la germanophilie de la population. Des milliers de personnes étaient venues spontanément à sa rencontre, et nous, les élèves de l’Ecole Urbaine, étions de véritables privilégiés de nous être retrouvés à moins de dix mètres de lui, pour l’acclamer avec nos petits drapeaux camerounais et allemands. La pose de la première pierre avait été effectuée là où se garent aujourd’hui les « opep » à destination de banlieues, un peu avant l’immeuble de la mort, lorsqu’on arrive de Mvog-Mbi. C’était au mois d’octobre 1964.

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17

Ahmadou Ahidjo contre le mouvement « hippie » et le salut des « Black Panther ».

En 1968, le mouvement de contestation né aux Etats Unis qui s’appelait «hippie », avait plus ou moins gagné le Cameroun. De quoi s’agissait-il ?

C’était un courant de contre-culture apparu au sein de la jeunesse américaine, et dont l’apogée s’est située en 1968. Il rejetait les valeurs traditionnelles, le mode de vie des parents, la société de consommation. Il prônait en revanche l’ouverture à d’autres cultures, la recherche de nouvelles perceptions sensorielles, pour aboutir à une expression artistique qui fut célèbre à l’époque, le « psychédélisme ». Les jeunes se constituaient en communautés au sein desquelles ils désiraient vivre librement à travers des rapports humains qu’ils voulaient authentiques. Ce mouvement a eu une grande influence sur le plan mondial, notamment dans le domaine musical.

Dans le même temps, il a également coïncidé avec l’explosion de mouvements de révolte d’étudiants en Allemagne, en France, en Italie, au Japon, au Mexique, au Brésil, et, bien évidemment, aux Etats Unis d’Amérique.

Nous, les jeunes au Cameroun, nous suivions tout cela, et sommes mis à reproduire localement ce qui se passait dans ces pays. Nous nous sommes mis à porter des bérets comme le leader révolutionnaire Ernesto Che Guevara, à lever le poing dans la rue comme les « Blacks Panther » aux Etats Unis lors de leurs manifestations. Et lors des Jeux Olympiques de Mexico la même année, le sprinter Tommie Smith, vainqueur du 200 mètres, et John Carlos, troisième à l’arrivée, avaient répété ce geste, pour signifier le pouvoir et la puissance noire. Naturellement, ils avaient été expulsés des jeux. Mais, quel triomphe pour la cause noire aux Etats-Unis et dans le monde, car cette image a fait le tour de la terre et a marqué à jamais le mouvement olympique. Jusqu’aujourd’hui, lorsque l’on parle des Jeux Olympiques de Mexico, c’est des deux poings gantés noirs levés au ciel que l’on se souvient.

Cette image avait profondément marqué tous les jeunes du Cameroun, dont moi. Ces deux Noirs américains, étaient nos héros, nos modèles, nos idoles. Ils avaient notre âge, 23 ans. Nous voulions également répéter leur geste à la moindre occasion. Et nous étions encouragés à cela par le célèbre morceau que venait de chanter James Brown : « Say it loud, I am Black, I am proud ». Traduction : « crie-le, je suis Noir et j’en suis fier ».

Rapidement, malheureusement, le gouvernement en a été informé. Fochivé Jean, le redouté patron de la police politique, avait fait son travail. La décision d’Ahidjo n’avait pas tardé : interdiction de porter des bérets dans la rue ; interdiction de lever le poing en l’air dans un gang noir. Il avait même rajouté une autre interdiction : celle d’arborer une chevelure « afro », à savoir une grosse touffe de cheveux. Puis il avait prononcé cette phrase mémorable à l’époque : « il n’y a pas de place pour les yéyés au Cameroun ». Des agents de police se sont mis à sillonner Yaoundé, paires de ciseaux en mains, pour nous tendre les têtes et confisquer nos bérets.

Ahidjo ne s’était pas contenté de cela. Il avait carrément fermé la branche philosophie à l’Université Fédérale du Cameroun, ancienne appellation de l’Université de Yaoundé, estimant que les idées révolutionnaires qui gagnaient la jeunesse camerounaise étaient diffusées par les philosophes. Il ne fallait plus en former au Cameroun …

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21

L’arrivée d’Ekambi Brillant sur la scène musicale, puis de Francis Bebey.

Le premier disque d’un Camerounais enregistré en France a été celui de Charles Lembé, en 1959, intitulé, « Echo du Cameroun ». Nous l’avions à la maison, mes parents l’ayant acheté lorsque nous vivions en France. Après lui, personne d’autre n’y avait pu enregistrer quoi que ce soit. Il faut dire que lui il y résidait, c’est pourquoi il y était parvenu. Puis, un beau jour, Radio-Cameroun s’était mis à diffuser de très originales et jolies mélodies inconnues jusque-là, « Besombé », « Munyenge Ma Ngando », etc. Qui était l’auteur de ces chansons si entraînantes ? Un certain Eboa Lottin, le fils du Pasteur nationaliste qui avait résisté au colonialisme, Samé Lottin. Tout le Cameroun s’était mis à danser ses chansons, tellement elles étaient bien enregistrées, rien à voir avec les enregistrements effectués dans les studios de Radio-Cameroun, à la qualité sonore approximative. Il avait été découvert je ne sais plus comment, par la firme de disque française « Philips », emmené à Paris, et y avait enregistré plusieurs de ses chansons.

Mais, Eboa Lottin, était un peu plutôt le chanteur de nos papas. C’était surtout eux qui dansaient sa musique. Voilà qu’en 1969, un chanteur nouveau fait son apparition, avec des mélodies que nous les jeunes nous avions immédiatement adoptées : Ekambi Brillant. Il est immédiatement devenu notre idole. Nous tous nous étions mis à fredonner ses chansons, laissant Eboa Lottin aux « vieux ».

Ekambi Brillant comportait un autre avantage pour nous les jeunes, il jouait dans une boîte de nuit. Si j’ai bonne mémoire, celle-ci s’appelait « Le Castel ». Elle était située en plein Akwa, et organisait des « Bals des jeunes » tous les jeudis, samedis et dimanches de 15h à 19h. Nous avions par conséquent la possibilité de le découvrir sur scène. Il était jeune comme nous, se mouvait admirablement bien sur scène. Il s’y comportait comme les chanteurs noirs américains que nous voyions à l’œuvre dans les films diffusés au Cameroun. Et, pendant au moins cinq années de suite, il s’est mis à enchaîner des succès. « Aboki », « Cameroon Airlines », « Mot’a Muenya », etc., sont des mélodies qui ont bercé mon adolescence.

Au mois de juillet 1971, alors que nous entamions les grandes vacances scolaires, et que je venais de passer mon BEPC, Radio-Cameroun s’était mis à diffuser une autre merveilleuse chanson enregistrée également en France comme celles d’Eboa Lottin et d’Ekambi Brillant : « Idiba ». Son auteur ? Francis Bebey. Succès immédiat. Tout le Cameroun, jeune et vieux s’était mis à la mimer. Il avait immédiatement enchaîné avec « Obia » et « Kinshasa ». Dans la foulée, il enregistrera également « Ouagadougou ». Lorsqu’il il disait, « Ouagadougou », tout le monde répondait en chœur, « le soleil chante dans la rue ».

Manu Dibango, Eboa Lottin, Ekambi Brillant, Francis Bebey sont venus véritablement mettre fin à la suprématie de la musique congolaise au Cameroun au courant de ces années-là.

Toutefois, il importe de relever qu’en même temps qu’eux, d’autres Camerounais composaient des chansons que diffusaient radio-Cameroun. Au nombre de ceux-ci, on peut citer pêle-mêle : Epéé Mbendé Richard, Jean Bikoko Aladin, Medjo me Nsom Jacob, Kamdem Irénée, Ndjoumbissié Gérard qui avait également effectué quelques enregistrements en France, Tchakounté Pierre Didi, Uta Bella, Ziguia Moussinga, Eitel Tobo, « Cher Ami de la capitale », Messi Martin, Elanga Maurice dit « Elamau », « Les Titans de Sangmelima », Tala André-Marie qui éclora véritablement en 1973 ou 1974, je ne m’en souviens plus très bien avec son célèbre morceau « Sikati » enregistré en France, etc.

Dans la ville de Douala, au courant des années 1970, nos lieux de distractions étaient, le « Kastel », où se produisait Ekambi Brillant, « La Marine », un night-club situé au port, la « Piscine », à la Cité SIC, etc.

Quelques noms de mes camarades du Lycée Joss. Moluh, frère cadet de Moumié Félix. Biatcha Jean-Stéphane. Messila Jean-Bart. Nfokolong James. Mony Lobé (médecin récemment décédé). Koum Emmanuel. Ngallé Miano (l’avocat). Moussala Michel (le Professeur de Médecine). Monthé Jean-Claude. Fotso André (le Président du GICAM décédé). Tchouassi Emmanuel. Boutué Mathurin. Lemouchélé. Ndiayo Augustin. Eteki Régine. Bony Anne-Marie, etc.

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28

Mes premières expériences politiques.

Au Lycée de Bertoua, j’ai découvert véritablement la politique à travers trois expériences hautement enrichissantes pour l’adolescent que j’étais.

La première : persécution suite à la publication d’un article dans le journal du lycée.

La confection du journal du lycée m’avait été confiée. Et un camarade à moi, avait écrit un article sur la crise du pétrole qui faisait rage à l’époque, et que j’ai publié. Une fois que nous nous sommes mis à distribuer le journal ronéotypé à travers la ville, deux jours plus tard, un pick-up de la gendarmerie est venu procéder à l’arrestation de ce camarade. Par bonheur, n’étant pas interne, il ne se trouvait pas encore au lycée. Il n’y était pas encore arrivé. Rapidement, nous l’avions informé de la situation. Et comme nous nous trouvions déjà à la fin du premier trimestre, il a fui de nuit Bertoua, et n’est revenu qu’en janvier, après s’être assuré qu’on ne le recherchait plus. J’avais donc découvert, par moi-même, la réalité de la dictature obscurantiste d’Ahidjo. Les Camerounais étaient interdits de parler de politique, sauf pour le glorifier. Qu’était-ce parler de la hausse du prix du pétrole que venait de décider l’OPEP ? Rien du tout. Et pourtant, cela était strictement interdit, et quiconque le faisait, encourait une lourde peine de prison de plusieurs années pour atteinte à l’ordre public.

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Table

Avant-propos

Ma naissance, mes parents et mon enfance

Souvenirs de gamin à Douala au temps du maquis

Premier séjour en France en 1961

Premier retour au Cameroun en 1964

Bref séjour à Dschang

Retour à Yaoundé

La Coupe des Tropiques

Bagarre électorale monstre à Mvog-Mbi et répression sauvage

La visite d’Habib Bourguiba à Yaoundé

La visite d’Heinrich Lübke et la pose de la 1ère pierre du Transcamerounais

Découverte du Cameroun Occidental

Le drame du stade de l’hippodrome en 1965

Les 1er jeux Africains à Brazzaville : Joseph Bessala héros national

L’élection présidentielle de 1965 : Ahidjo et Foncha candidats uniques

L’entrée au Lycée Leclerc en 1966

Maladie et dernières têtes coupées de maquisards

Ahidjo contre le mouvement « Hippie » et le salut des « Black Panther »

Transfert au Lycée Joss : élèves très politisés

Découverte de la littérature nègre

Arrestation musclée d’un voisin correspondant d’Abel Eyinga

L’arrivée d’Ekambi Brillant sur la scène musicale, puis de Francis Bebey

Les vacances au village

La vie dans les campagnes

« Cameroon Airlines »

La 8ème CAN au Cameroun

Referendum du 20 mai 1972

Elève au Lycée de Bertoua

Mes premières expériences politiques

Retour au Lycée Leclerc et Baccalauréat

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