Usurpation de trône : Menaces sur la tradition bamiléké
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Malgré les protestations des populations, l’administration a pris l’habitude de créer, contre les coutumes locales, des chefferies dites « traditionnelles ».

Selon la documentation disponible, c’est avec l’aval de son patron, le Ministre de l’Administration territoriale, que le préfet de la Menoua a créé un « village » dans le groupement Bafou. Les choses sont allées très vite. « J’ai l’honneur de vous demander de vouloir bien créer une chefferie traditionnelle de 3ème degré à Ntsinbou, Arrondissement de Nkong-Ni, conformément à votre correspondance n°244/L/F.34/SAAJP du 27 mai 2019 », écrit Paul Atanga Nji au préfet, le 23 juillet 2020. Pour mesurer l’urgence de la situation, une semaine seulement après, le 30 juillet, le préfet signe son arrêté n°641/AP/F.34/SAAJP.

Lequel évoque en référence le procèsverbal de « tenue de palabre en vue de la désignation du chef de 3ème degré du village Ntsinbou, dans le groupement Bafou » du sous-préfet de Nkong-Ni en date du 29 juillet 2020, ainsi que la lettre de transmission du procès-verbal de désignation de Monsieur Wamba Henri, en qualité de chef de 3ème degré du village Ntsinbou. À en croire le chef supérieur Bafou, cette initiative serait la troisième, sur son seul territoire. Cela suscite des protestations, mais la situation n’est pas nouvelle.

Le 3 avril 2014, les élites du groupement Bafang, dans le Haut Nkam, avaient saisi le Minat d’une requête aux fins de dénoncer la transformation du quartier urbain de Mouankeu en village, dans la ville de Bafang. En effet, le 12 mars 2014, par arrêté n° 117/DP/F33/SAAJP, le préfet du Haut Nkam, Gabriel Essoa Eloi, a modifié l'arrêté n° 379/AP/DHK/BRAE portant homologation de la désignation de Monsieur Nkamga Jean Pierre, ex-chef de quartier et l’a nommé « chef du 3ème degré du village Mouankeu ».

A l’appui de leur requête en annulation de l’acte, les pétitionnaires évoquent alors « la prise en compte insuffisante et inégale des us et coutumes des populations Bafang et Bamiléké en général », et le décret n°2013/332 du 13 septembre 2013 modifiant et complétant certaines dispositions du décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des chefferies traditionnelles. Pour eux, Jean Pierre Nkamga, bien que chef du quartier Mouankeu, est un « allogène », originaire du groupement Fotouni, dans l’arrondissement de Bandja. « Son père, prétendant malheureux à la chefferie Fotouni, avait émigré (…) vers les années 1950 où il fut reçu et installé amicalement par l'ancien chef du Groupement Bafang, S.M. Ngandjui Gaston.

Plus tard, il est devenu chef du quartier de Mouankeu. À sa mort, son fils Nkamga Jean Pierre est devenu lui-même chef de 3e degré du quartier Mouankeu… en octobre 1978. Il convient de préciser que ni Nkamga Jean-Pierre, ni son père n'ont été une notabilité de la Cour royale de la Chefferie Supérieure Bafang. Ils ont été accueillis amicalement et ne sauraient être désignés ou appelés notabilités coutumières dans le groupement Bafang », accusent-ils.

Des années plus tôt, les populations de Batcheu, toujours aux encablures de Bafang, avaient marché sur la préfecture, pour protester contre la création du « village » sans épopée connue de Basseko-Ketcheugue. Une pilule amère qui a poussé à une levée de boucliers car, « A l’Ouest, la chefferie rime avec une histoire de guerre de conquête ou de piège », explique Sydonine Mafodong, sociologue. Réputée puissamment ancrée au plan traditionnel et mystique, la chefferie traditionnelle de l’Ouest est malade de ses compromissions avec l’administration.

Quand les sous-préfets n’aident pas les chefs régnants à anéantir leurs vassaux, en émiettant leurs territoires justement par le biais de la création de nouvelles chefferies, ils aident des hauts fonctionnaires à assurer leur retraite. Ces transformations et créations sont perçues comme de l’affairisme car la cohabitation entre ces derniers et leurs chefs supérieurs est généralement houleuse. Notamment par ces temps où des concertations sont amorcées pour la mise en place prochaine des conseils régionaux.

La loi prévoit que « les notabilités coutumières compétentes sont obligatoirement consultées pour la désignation d'un chef ». Ici et là, la liste des personnes ayant participé aux consultations alléguées par les autorités administratives est souvent difficile à présenter.

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