LE DSCE : où en sommes-nous ? Le temps des premières évaluations
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Bien avant le DSCE, il y a eu le document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) produit en 2003. Ce dernier a fait en 2008 l’objet d’une révision qui visait la correction des distorsions et manquements constatés lors de sa mise en œuvre. C’est ce processus de révision qui a conduit à l’élaboration du DSCE, le document de stratégie pour la croissance et l’emploi.

Le DSCE est la feuille de route de l’Etat Camerounais en économie. C’est donc l’une des principales bases de discussion sur lesquelles on doit s’appuyer pour évaluer l’action économique du pouvoir en place à Yaoundé, et savoir s’il atteint les objectifs qu’il s’est fixé lui-même.

Le DSCE est un document volumineux. Il se décline en sept chapitres interdépendants portant sur : i) la revue des politiques de développement, ii) la vision de développement à long terme et les objectifs du DSCE ; iii) la stratégie de croissance ; iv) la stratégie de l'emploi ; v) la gouvernance et la gestion stratégique de l'Etat ; vi) le cadrage macroéconomique et budgétaire, et vii) le cadre institutionnel et les mécanismes de mise en œuvre et de suivi du DSCE.

Nous ne ferons pas une étude détaillée de chaque thématique. Un exercice d’une telle densité serait plus adapté à un travail destiné à une revue spécialisée. Ce qui serait plus approprié pour une communication destinée au grand public c’est de rédiger plusieurs articles différents se rapportant chacun à un compartiment particulier du DSCE. Nous nous arrêterons dans ce travail à l’évaluation de quelques indicateurs clés capables de rendre compte de la tendance globale.

Les objectifs stratégiques du DSCE sont portés par une vision long terme qui est de faire du Cameroun un pays émergent en 2035. En même temps certains objectifs de ce document sont planifiés pour 2020. On peut lire à cet effet, relativement aux objectifs de la croissance et de l’emploi : << Le DSCE qui va couvrir les dix premières années de la vision à long terme sera centré sur l'accélération de la croissance, la création d'emplois formels et la réduction de la pauvreté. Il vise en conséquence à porter la croissance à 5,5% en moyenne annuelle dans la période 2010-2020 ; ramener le sous-emploi de 75,8% à moins de 50% en 2020 avec la création de dizaines de milliers d'emplois formels par an dans les dix prochaines années ; et ramener le taux de pauvreté monétaire de 39,9% en 2007 à 28,7% en 2020.>>. On peut donc estimer que le temps des premières évaluations est arrivé.

Le premier indicateur sur lequel nous avons voulu nous attarder est le taux de croissance. Le taux de croissance en 2019 a été de 4,1%. Les orientations stratégiques et perspectives budgétaires annoncées par le minfi , Louis Paul Motaze situe la croissance économique à -1,1% en 2020. L’homme fort des finances pense que la barre pourrait monter pour nous situer en 2021 à 3,2%. Même en 2021, nous serons toujours loin de l’objectif du DSCE qui plaçait le taux de croissance à 5,5% en 2020.
Que faut-il entendre par taux de croissance ? La croissance est exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Le PIB exprime l’ensemble des richesses crées en une année dans un pays. Le taux de croissance mesure donc l’évolution de la quantité de richesses crées d’une année à une autre. Une croissance positive est synonyme d’un surcroît de revenus qui peuvent être soit investis soit distribués. S’ils sont distribués par les entreprises sous formes de salaires, ils entraînent une augmentation de la consommation qui génère une augmentation de la production.

La croissance de 2019 situé à 4,1% du PIB avait été boostée par la consommation des ménages, probablement due aux transferts d’argent de la diaspora. Elle s’expliquait aussi par les investissements liés aux projets structurants. Le piètre taux de 2020, -1,1% est dû notamment aux performances trébuchantes du pétrole du fait des fluctuations des cours mondiaux de l’or noir et de l’incendie de la Sonara. Il y a en outre l’instabilité persistante du Noso, les affres de la pandémie du coronavirus. Les opposants parleront plutôt de la mauvaise gestion de la pandémie du coronavirus.

Un taux de croissance même très appréciable n’est jamais une fin en soi. On attend de la croissance qu’elle soit capable de réduire la pauvreté. Or même en 2019 où nous avions eu une croissance qui n’était pas médiocre, les organismes internationaux n’ont pas été avares de critiques. Il a été déploré que cette croissance ne soit pas assez inclusive pour développer le capital humain. En clair la valeur ajoutée liée aux performances de 2019, ne s’est pas traduite par une embellie dans le quotidien des populations. La position du Cameroun dans le classement international des pays en matière de développement humain est décevante. Nous sommes classés au 151 rang mondial (21e rang africain).

Comment expliquer ces piètres performances sur la réduction de la pauvreté ? Il faut envisager cette problématique en prenant en compte la variété des enjeux, en fonction du fait qu’on parle de la ville ou de la campagne. Nous avons expliqué le rôle la diaspora dans la consommation des ménages, l’un des piliers de la croissance de ces dernières années. Or la diaspora vient majoritairement des familles installées en ville. C’est donc vers l’Afrique urbaine qu’elle envoie son argent. Cette diaspora étant majoritairement composée d’ouvriers, en période de pandémie, elle cesse de travailler contrairement à la très petite classe moyenne afro-occidentale qui elle continuera à faire du télétravail. Résultat : Les ouvriers ayant cessé de travailler pendant la première moitié de 2020, les transferts d’argent ont ralenti, et la consommation des ménages a chuté entrainant ainsi une érosion du taux de croissance de 2020. Il reste le Cameroun des campagnes, le parent pauvre de la croissance. C’est dans nos campagnes que se trouve le niveau de pauvreté le plus élevé. Or la nouvelle politique foncière ne facilite pas l’insertion du monde paysan dans le capitalisme en donnant aux propriétaires terriens, les moyens nécessaires pour valoriser leurs terres. On a plutôt observé une démarche consistant à les exproprier pour introduire leurs terres dans le domaine privé de l’Etat en vue de constituer une réserve agroalimentaire pour les investisseurs étrangers.
Le taux de pauvreté au Cameroun n’a que modérément réculé.il est passé de 39,9% à 37,5%. Nous sommes encore trop loin de l’objectif du DSCE qui était de le ramener à 28,7% en 2020.

Un autre indicateur tout aussi préoccupant est celui du sous-emploi. Le taux du sous-emploi en 2019 était de 70%. Or l’objectif du DSCE était de le ramener de 75,8% à 50% en 2020 avec une création de dizaines de milliers d’emplois formels.

La grande satisfaction ne vient pas du taux d’inflation. D’après la récente communication du Minfi , il est à 2,9% en 2020. L’inflation sera maintenue à 3% en 2021. Le DSCE tenait à le maintenir en dessous de 3%. Le taux maximal qui était prévu par le document de stratégie. Or le niveau actuel de l’inflation est haut. Quand l’inflation est élevée, l’accès à la consommation baisse. Ce qui va freiner la productivité du pays.

Le déficit budgétaire a connu entre 2018 et 2019 un recul de 2.5% à 2,3% grâce à la consolidation budgétaire dans le cadre du programme triennal.

La dette publique en 2019 était de 38,8% du PIB. Faut-il s’en plaindre. C’est un sujet de divergence entre les institutions financières internationales et le gouvernement Cameroun. Les bailleurs de fonds trouvent ce taux préoccupant. A l’inverse on pense du côté du Minfi qu’il n’est pas si élevé au regard de la limite qui a été fixée par la CEMAC à 70% du PIB.

Il existe beaucoup d’autres indicateurs sur lesquels on pouvait s’attarder, mais l’intention de ce texte n’est pas de trop noircir la situation.

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