Ecole des mines : Fame Ndongo et les sénateurs
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Le 17 juin 2020, lors des questions orales face aux sénateurs, le ministre de l’enseignement supérieur Jacques Fame Ndongo a été interpellé sur le fonctionnement de l’Ecole de Mine et de Géologie (EGEM) de l’université de Ngaoundéré délocalisée à Meïganga. En retour, le patron des universités a eu cette réponse : « l’Ecole de géologie et d’exploitation minière, parce qu’elle a été délocalisée à Meïganga, serait l’ombre d’elle-même de par ses infrastructures. Nous sommes dans le Mbéré, et pourtant, elle fonctionne bel et bien avec des amphis, avec des ateliers, avec des labos, comme toute école qui se respecte. »

La question adressée au ministre rentrait dans le cadre des missions des sénateurs, celle de contrôler l’action gouvernementale. Et si un sénateur a pris la peine d’introduire le sujet au cours de la session, c’est qu’il avait bien constaté que quelque chose n’allait pas dans cette école, mais la chambre haute a été surprise de la réponse selon laquelle « elle fonctionne bel et bien avec des amphis, avec des ateliers, avec des labos, comme toute école qui se respecte. »

Faits contraires

La presse n’est d’ailleurs pas restée indifférente après cette réponse. Le tri hebdomadaire l’œil du Sahel, dans un dossier publié dans son édition du 19 juin 2020 avec à la Une « Egem de Meïganga, les contre-vérités de Fame Ndongo », a plutôt montré une école abandonnée dans la broussaille. Dans les réseaux sociaux, les internautes y sont allés à cœur joie, vidéos et images à l’appui, pour démontrer à quel point les déclarations du ministre de l’Enseignement supérieur étaient loin de la vérité. Sur la page Facebook du Tgv de l’info, on lit « Voici l’Ecole de Mine et de Géologie( EGEM) dont les travaux ont été abandonnés depuis des années comme vous voyez sur les images.

Et pourtant le Minesup Jacques Fame Ndongo affirme en mondovision devant les Sénateurs que l’école est opérationnelle, avec des amphithéâtres et des laboratoires alors qu’il n’en est rien. Sur une des images ci-dessous on voit des étudiants de cette école devant la boulangerie d’un homme d’affaire natif de la ville entrain de charger et de travailler sur leurs ordinateurs faute de courant et de locaux appropriés… A chacun d’en juger! »

Il faut dire que dans la réalité, l’Ecole de mine et de géologie offre l’un des visages les plus odieux de l’enseignement supérieur au Cameroun, et quoique son importance ne soit plus à démontrer dans un contexte de développement adossé sur les ressources naturelles, elle semble trainer une malédiction depuis la naissance.

Difficultés au démarrage

Elle a été créée il y a 27 ans par décret du N°93/028/ du 19 janvier 1993 portant organisation administrative et académique de l’Université de Ngaoundéré. Il faudra attendre 18 ans pour qu’elle prenne corps, d’abord par arrêté n°ll 00074/MINSUP du 27 avril 2011 portant ouverture et délocalisation de cette institution à Meïganga, et ensuite par lettre N°11 00105/MINSUP/CAB/USV du 18 mai 2011, qui consacrait son fonctionnement. Mais une fois les portes ouvertes, elle n’a pas attendu trois ans pour faire parler d’elle négativement, par un mouvement de grève entamé par les élèves le 26 novembre 2015. Regroupés au sein du « Collectif sauvons l’Egem », ils revendiquaient entre autres la dénomination de leur diplôme et leurs attestations de fin d’étude, les problèmes de leurs relevés de notes, la qualité des enseignements, l’absence des infrastructures et matériels de laboratoire, les difficultés liées aux stages, leurs primes d’excellence et l’intégration à la fonction publique. Comme pour toutes les revendications estudiantines, ils n’ont finalement obtenu que des promesses des dirigeants et des autorités administratives pour baisser la garde. Des solutions cosmétiques ont été apportées sur le champ, mais dans le fond, la situation a continué à pourrir, pour que l’institution se trouve aujourd’hui dans un état de décrépitude avancée.

L’omniscience du décret

Au sujet des préoccupations concernant cette école, la réponse donnée par le Minesup aux sénateurs, ressemble bien à une autre avancée en 2017, lorsque les inquiétudes étaient soulevées sur la qualité des ordinateurs offerts aux étudiants par le chef de l’Etat par l’entremise du ministère de l’Enseignement supérieur. Sur la capacité des disques dur de ces ordinateurs fixés à 32 giga et jugée insignifiante pour les étudiants, le Pr Roger Atsa Etoundi, Directeur des Systèmes d’information au Minesup avait eu cette réponse « les étudiants qui auront ces ordinateurs peuvent avoir Internet via Bluetooth, via le wifi ou encore par connexion filaire. Ces ordinateurs sont dotés de disques SSD qui sont ultra rapides. Ce sont les disques SSD de 32 gigas. Initialement, quand on va voir ça, on va dire que 32 gigas c’est petit. Mais, avec cette technologie, 32 gigas, ça fait 500 gigas dans l’ancienne technologie… »

Il n’ a pas fallu une semaine pour que les étudiants, au-delà de cette capacité, détectent tous les défauts de fabrication et confirment les inquiétudes quant à la qualité de l’offre présidentielle. Mais pour le ministère, tout était parfait, comme tout l’est encore aujourd’hui pour une école qui pourtant tire le diable par la queue.

La dernière réponse du ministre de l’Enseignement supérieur aux sénateurs est une fois de plus la preuve que le Cameroun souffre de ce qu’on peut appeler l’arrogance gouvernementale. Les membres n’acceptent jamais qu’ils sont faillibles, pour eux tout va bien, et surtout, ce qui est vrai n’est pas ce qui est conforme à la réalité, c’est vrai parce qu’ils l’ont dit. Ainsi, quand ils disent qu’une école fonctionne bien, cela ne veut pas dire que tout le monde peut vérifier cela sur le terrain et le constater, cela veut dire qu’il faut s’en tenir à ce qu’ils ont dit et savoir que c’est la vérité. Dans le gouvernement camerounais et ses extensions, l’on a tendance à croire qu’un décret de nomination est synonyme d’omniscience et d’infaillibilité.

L’ennui c’est qu’au fil des années cette attitude n’aide les situations qu’à s’empirer. Les théories du développement soutiennent que le premier pas vers le développement, c’est la prise de conscience que l’on est sous développé, ou pour dire simplement, le premier pas vers la guérison est la prise de conscience que l’on est malade. Il n’est bénéfique pour personne, surtout pas pour la bonne marche de la nation, que les gouvernants persistent dans le déni permanent de la réalité. Admettre qu’on a failli n’est-il pas signe de grandeur ?

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