Covid-19 : Respect pour nos morts et nécessaire prudence
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Comment permettre aux familles de faire dignement le deuil tout en préservant la santé publique ?

Le glaçant témoignage de Justin Roger Noah décrit une folle journée de samedi à travers divers hôpitaux de Yaoundé. "Dans la soirée de Samedi, le cas de mon cousin, dont s’occupaient déjà ses frères et mon cadet, s’est empiré. Il a fallu s’y mettre. Première escale à l’hôpital de district de Messassi où des examens seront faits mais tenant compte des difficultés de respiration du malade, il a été transféré à l’hôpital Jamot qui ne l’a même pas reçu;ils ont demandé d’aller à l’hôpital central où le médecin de garde explique qu’il n’y a ni lit ni oxygène et suggère d’aller voir au CHU. Là aussi aucun résultat. Nous allons à l’hôpital de la caisse puis l’hôpital général." Sans succès.

Affolés et éreintés par le vertige d'un improbable tour de ville infructueux, sans solution, l'idée d'essayer une autre piste s'impose. "Nous décidons d’essayer l’hôpital de district d’Obala. Arrivant à Obala à 4h30, près d’une heure d’attente avec Klaxons en permanence, les portes ne s’ouvrent pas. Se souvenant de l’hôpital Ad Lucem d’Efok, nous y arrivons vers 5h. Le malade y est admis et sera placé sous un dispositif qu’ils révèlent ce matin ne pas être de l’oxygene. Après avoir conclu à une suspicion de Covid-19, le médecin traitant fait un transfert à l’hôpital central mais nous ne recevrons l’information qu’à 15h30. Entretemps, ils continuent à faire acheter plusieurs médicaments. A 17h, M. S. rend l’âme." Le dénouement de cette course folle es impitoyable, désarmant, c'est la mort, malgré la mobilisation des proches du défunt.

En fait, ce n'est pas un dénouement pour la famille. Plutôt le début d'une nouvelle épreuve de nerf commune ces dernières semaines aux familles des défunts de covid-19 confirmés ou présumés. L’hôpital refuse de remettre le corps disant qu’ils vont appeler le 1510 pour prendre le relai. "Ils essaieront sans succès. Nous revenons donc le lendemain à 11h. Réunion avec le SG, le médecin traitant et le directeur de l’hôpital et il faut attendre que le chef de district arrive avec l’équipement adéquat pour prendre en charge le cas. Néanmoins j’ai appelé le 1510 à plusieurs reprises. Les dames au bout du fil répondent d’attendre car leur rôle est de transmettre les informations. Nous allons attendre jusqu’à 18h quand le chef de district et son équipe arrivent enfin. Ils nous interrogent et enregistrent nos noms et contacts téléphoniques.

L’équipe traite le corps et certains lieux de l’hôpital dont le personnel est placé en quarantaine. Ils nous disent que le corps devra être gardé dans une housse dans une morgue pour attendre les résultats du test."

200.000 Fcfa pour le cercueil

A Douala la semaine dernière, une situation similaire a plongé une famille dans le désarroi. Et pas seulement à cause de la perte d'un être cher. M.N. dit avoir perdu sa tante dans des circonstances difficiles : "C'est quand elle décède que le médecin dit soupçonner le covid-19. Ils vont garder le corps plus de 24h dans l'attente des résultats. Finalement ils nous disent que c'est le covid-19 et nous demandent plus de 200.000 Fcfa pour acheter le cercueil patati patata. Morte jeudi on l'a enterrée vendredi soir à Douala. On était dépassé mais son frère aîné a demandé qu'on laisse tomber. On a envoyé l'argent. Même pour trouver un cimetière n'était pas facile. La mairie locale ne s'est impliquée nulle part. Alors qu'on nous chante que ce sont les mairies qui enterrent les morts du covid-19", s'enerve M.N. Ici, jusqu'à 200.000 FCFA ont été exigés et obtenus de la famille pour les formalités d'inhumation.

Conformément aux mesures de sécurité prises par le gouvernement, de protections sanitaires nationales, les décès covid-19 n’appartiennent plus aux familles, mais à l’Etat qui encadre le processus. Des familles, après un premier temps de sidération, exigent desormais plus d'implication dans la gestion des corps de covid-19 confirmés ou suspectés. Des scènes de résistance farouche se multiplient pour empêcher le déroulement harmonieux du protocole de gestion des corps. On parle même de situations ubuesques et dangereuses tel que le monnayage des certificats de genre de mort pour masquer la cause du décès.

L'inquiétude monte. Des incidents graves sont de plus en plus redoutés. Tous les acteurs de la société sont interpellés. "Il serait temps de rappeler à tous les acteurs de la société que, comme pour Ebola, la gestion des corps covid-19 garde la même dangerosité et le même potentiel hautement contagieux. Sinon toute la philosophie des mesures d'hygiène et de prévention de cette pandémie tombe à l'eau! Donc, svp, que LeJour prenne son rôle républicain dans la riposte pour rappeler à la nation entière que les corps covid-19 sont aussi contaminants que les sécrétions qui imposent le port obligatoire des masques et le lavage des mains", exhorte Pr Tetanye Ekoe, doyen honoraire de la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de l'Université de Yaoundé l.

Enterrement

Des orientations de l'Organisation mondiale de la santé existent et sont destinées à toutes les personnes, notamment les directeurs des établissements de soins et des morgues, les autorités religieuses et les autorités de santé publique, et les familles, qui doivent s’occuper des corps des personnes décédées d’une infection par le virus de la COVID- 19 présumée ou confirmée. Cette précision d'emblée : "À ce jour, aucun élément de preuve n’indique que des personnes ont été infectées après avoir été exposées aux corps de personnes décédées de la COVID-19 ".

Les orientations pour les soins mortuaires sont assez précises : "Les agents de santé ou le personnel mortuaire chargés de préparer le corps (par exemple lavage du corps, coiffage des cheveux, coupe des ongles, ou rasage) doivent porter un EPI approprié conformément aux précautions standard (gants, blouse jetable imperméable [ou blouse jetable avec tablier imperméable], masque médical, protection oculaire) ; Si la famille souhaite uniquement voir le corps et ne pas le toucher, elle peut le faire, en respectant les précautions standard en permanence, notamment l’hygiène des mains.

Donner à la famille la consigne claire de ne pas toucher ou embrasser le corps ; L’embaumement n’est pas recommandé, afin d’éviter de trop manipuler le corps ; Les adultes âgés de plus de 60 ans et les personnes immunodéprimées ne devraient pas avoir d’interactions directes avec le corps." Des directives aussi en ce qui concerne l'enterrement : "La famille et les amis peuvent venir voir le corps après qu’il a été préparé pour l’enterrement, conformément aux coutumes. Ils ne doivent ni toucher ni embrasser le corps et doivent se laver soigneusement les mains avec de l’eau et du savon après s’être recueillis devant le corps ; Les personnes chargées de déposer le corps dans la tombe, sur le bûcher funéraire, etc. doivent porter des gants et se laver les mains avec de l’eau et du savon après avoir retiré leurs gants quand les obsèques sont terminées."

Soins funéraires, toilette mortuaire, présentation du corps avant la mise en bière... Les règles ailleurs ont évolué depuis le début de l'épidémie. La tendance est à l'assouplissement. "Pour le moment les pouvoirs publics sont en train de réfléchir sur comment mettre en place quelque chose de clair et précis pour tous ces corps pour éviter les tiraillements entre les familles et les formations hospitalières", annonce au Jour Pr Emile Mboudou, le Directeur de l’hôpital Gyneco-obstétrique et pédiatrique de Douala.

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