LES DERAPAGES INADMISSIBLES DU MINISTRE DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE SUR LES ONG ET LES MEDIAS !
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CAMEROUN :: LES DERAPAGES INADMISSIBLES DU MINISTRE DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE SUR LES ONG ET LES MEDIAS ! :: CAMEROON

Mandela Center International, ONG internationale à Statut Consultatif Spécial auprès des Nations Unies, porte à l’attention de la communauté nationale et internationale :

1. Que le Ministre camerounais de l’administration camerounaise, Paul ATANGA NJI, au cours d’un point de presse à Yaoundé le 09 mars 2020, a lancé une guerre ouverte contre certaines ONG et associations des droits de l’homme installées au Cameroun et à l’étranger ainsi qu’à certains médias camerounais;
2. Que le membre du gouvernement a affirmé que « ces ONG aux ordres ont reçu plus de 05 milliards de Fcfa des réseaux occultes à l’intérieur et à l’extérieur du Cameroun pour déstabiliser les institutions de la République ; diffuser régulièrement dans certains médias à leur solde et dans les réseaux sociaux, des informations tronquées pour discréditer la gestion de la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest par le Gouvernement; démontrer que le Cameroun ne serait pas en mesure de gérer les déplacés internes ; prouver par tous les moyens que la crise dans les deux Régions s’enlise et montrer à travers de faux reportages que l’armée camerounaise poserait des actes contre les populations civiles » « Je voudrais saisir cette occasion pour inviter les médias à cesser d’être des relais des rapports erronés contre les forces de défense et de sécurité diffusés par les ONG aux ordres »;
3. Qu’il s’agit là des déclarations irresponsables, iniques, mensongères et sans fondement dans le but de jeter du discrédit aux activités des médias crédibles et des organisations œuvrant dans le champ des droits de l’homme;
4. Que le Ministre ATANGA NJI est mal placé pour donner des leçons aux professionnels rompus à la tâche dans un domaine dont il n’a qu’une maîtrise approximative;

5. Que la « charte camerounaise des libertés de 1990 » définit le cadre normatif avec la loi N°90/53 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d’association pour les Associations de la société civile et celles spécialisées dans la promotion et la protection des droits humains et la Loi N°99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales dont le ministère de l’administration en assure la tutelle ;
6. Que ces structures, en se conformant aux dispositions légales, se sont toujours acquittées de leurs taches tout en rappelant le Gouvernement camerounais de ses engagements contenus dans les instruments juridiques internationaux qu’il a librement consentis ;
7. Que depuis le déclenchement de la guerre contre Boko Haram dans la partie septentrionale du pays et contre les sécessionnistes des régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du pays en 2017, plusieurs violations graves des droits de l’homme ont été enregistrées et dénoncées par les organisations de défense des droits de l’homme, conduisant à la dégradation récurrente de la collaboration avec les autorités camerounaises;
8. Qu’il convient de rappeler, avec force, aux autorités camerounaises, qu’outre les obligations de l’Etat Camerounais découlant du Droit International des Droits de l’Homme (DIDH), les conflits qui ont lieu tant au Nord-Ouest qu’au Sud-Ouest du Cameroun sont désormais assimilés à des conflits armés non internationaux auxquels s’applique totalement le Droit International Humanitaire (DIH) dont toutes les parties (l’État et les sécessionnistes) sont liées par ce dispositif juridique commun aux quatre Conventions de Genève de 1949 et les deux Protocoles additionnels de 1977 relatifs à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole additionnel II) ;
9. Qu’il est clairement établi que les « organisations non gouvernementales » (ONG) sont aujourd’hui indéniablement devenues des acteurs incontournables dans la résolution de conflits et de situations de crises;
10. Que les ONG s’insèrent parfaitement dans la typologie d’institutions cherchant à établir un état de paix et sont en réalité la continuation des « œuvres » et « institutions de bienfaisance » que le monde civilisé a toujours entretenu;
11. Qu’elles sont actuellement assimilables à des institutions, car incontournables dans la résolution des conflits, et incitent le pouvoir étatique à l’action en faisant du lobbying et en éveillant l’opinion publique;
12. Que leur neutralité et impartialité sont affichées au cours de leurs activités et font d’elles des institutions respectées le plus souvent par l’ensemble des belligérants dans la résolution des conflits;
13. Que le secteur des ONG constitue l’outil le plus efficace en matière de transformation des conflits et de dialogue interculturel et international que ce fut le cas au Caucase, une région d'Europe de l'Est, située aux confins de l'Europe et de l'Asie ;
14. Qu’il est établi aujourd’hui que le dialogue et la communication entre les sociétés civiles et des parties en conflit sont établis essentiellement par l’intermédiaire des ONG à l’instar des cas de l’Arménie, de la Géorgie, du Nagorno-Karabakh, de la Turquie et de l’Abkhazie où elles se montrées actives dans ce domaine ;

15. Que les ONG contribuent à la résolution des conflits de façon assez efficace en raison de leur relative indépendance par rapport aux hautes sphères politiques;
16. Que les ONG sont devenues des interlocuteurs presque incontournables, aussi bien des institutions internationales que des gouvernements, des populations des territoires en guerre ou des pays les moins avancés et de l’aide au développement à l’action humanitaire, de la défense des droits de l’homme au droit d’ingérence, les ONG ont été sur tous les fronts et de toutes les batailles au cours des dernières décennies;
17. Que les ONG sont donc passées du statut de contestataires marginaux à celui d'interlocuteurs sérieux avec une réelle capacité d'influence depuis les réunions de Porto Alegre, au Brésil.
18. Que l’action de ces acteurs non-gouvernementaux doit être clairement comprise et étudiée à l’intersection des différents espaces dans lesquels ils évoluent (local, national, transnational) par les États dont l’État camerounais;
19. Que l'Accord de partenariat de Cotonou (APC) signé le 23 juin 2000 et révisé à Luxembourg le 25 juin 2005 et à Ouagadougou le 22 juin 2010 reconnaît explicitement le rôle clé joué par des acteurs tels que les organisations de la société civile (OSC) dans le processus de développement depuis 2000;
20. Que les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et l'Union européenne se sont juridiquement engagés à faire participer les OSC à toutes les phases du processus de coopération et à dégager des fonds en vue du renforcement de leurs capacités en tant que partenaires de la coopération au développement en vue de favoriser leur participation à la vie politique, économique et sociale;
21. Que les Nations Unies ont fait de la protection des défenseurs des droits de l’homme une priorité avec l’adoption le 9 décembre 1998, par sa résolution 53/144, par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus (plus connue comme la «Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme») et la désignation par Résolution 2000/61 du 26 Avril 2000 d’un Représentant Spécial concernant la situation des défenseurs des droits de l’homme pour suivre et appuyer la mise en œuvre de la Déclaration à la demande la Commission des droits de l’homme de l’ONU ;
22. Que ladite Déclaration qui n’est pas, en soi, un instrument juridiquement contraignant, énonce une série de principes et de droits fondés sur des normes relatives aux droits de l’homme consacrées dans d’autres instruments internationaux qui sont, eux, juridiquement contraignants tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
23. Que le fait que l’Assemblée générale ait adopté la Déclaration par consensus signifie que les États dont l’Etat camerounais se sont fermement engagés à l’appliquer et l’intégrer à leur législation nationale ;
24. Qu’au terme de ladite Déclaration, les défenseurs des droits de l’homme sont considérés comme des acteurs non étatique qui :
A- Défendent n’importe quel droit fondamental au nom d’une personne ou d’un groupe de personnes.
B- Actifs dans le monde entier, dans les États divisés par des conflits armés internes comme dans les États stables, dans les États non démocratiques comme dans ceux où la démocratie est solidement établie, dans les États en développement comme dans ceux qui sont classés parmi les États développés.
C-Travaillent au niveau local ou national, en vue de promouvoir le respect des droits humains dans leur propre communauté ou pays.
D- Enquêtent sur les violations, recueillent des informations et les communiquent.
E- Aident les personnes dont les droits ont été violés.
F- S’efforcent de défendre le principe de responsabilité en matière d’application des normes juridiques relatives aux droits de l’homme.
G- S’efforcent essentiellement d’encourager un gouvernement dans son ensemble à s’acquitter de ses obligations en matière de droits de l’homme, par exemple en publiant des informations sur ses antécédents en la matière et en surveillant les progrès accomplis.
H- Apportent une contribution essentielle, en particulier par l’intermédiaire de leurs organisations, à l’application concrète des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.
I- Mènent une autre action importante, à savoir l’éducation dans le domaine des droits de l’homme.
25. Que lorsque les pouvoirs publics, la législation nationale, la police, l’appareil judiciaire et l’État dans son ensemble n’offrent pas une protection suffisante contre les violations des droits de l’homme dans un pays, les défenseurs des droits de l’homme deviennent la dernière ligne de défense;
26. Que les articles 1, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 13 de la Déclaration prévoient des protections particulières pour les défenseurs des droits de l’homme, notamment, entre autres, les pleins droits : a) de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme aux niveaux national et international; b) de réaliser des activités dans le domaine des droits de l’homme, individuellement ou en association avec d’autres; c) de former des associations et des organisations non gouvernementales; c) de se réunir et de se rassembler pacifiquement; d) de rechercher, d’obtenir, de recevoir et de conserver des informations relatives aux droits de l’homme ; e) d’élaborer des nouveaux principes et idées dans le domaine des droits de l’homme, d’en discuter et d’en promouvoir la reconnaissance; d) de soumettre aux organes et institutions de l’État, ainsi qu’aux organismes s’occupant des affaires publiques, des critiques et propositions touchant l’amélioration de leur fonctionnement, et de signaler tout aspect de leur travail qui risque d’entraver ou empêcher la réalisation des droits de l’homme; e) de se plaindre des politiques et des actes officiels relatifs aux droits de l’homme, et de faire examiner leur plainte; f) d’offrir et prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée ou tout autre conseil et appui pertinents pour la défense des droits de l’homme; g) d’assister aux audiences, procédures et procès publics afin de se faire une opinion sur leur conformité avec la législation nationale et les obligations internationales relatives aux droits de l’homme; h) de s’adresser sans restriction aux organisations non gouvernementales et intergouvernementales, et de communiquer avec elles; i) de disposer d’un recours effectif; j) d’ exercer légalement l’occupation ou la profession de défenseur des droits de l’homme; k) d’être efficacement protégé par la législation nationale quand ils réagissent par des moyens pacifiques contre des actes ou des omissions imputables à l’État et ayant entraîné des violations des droits de l’homme; m) de solliciter, recevoir et utiliser des ressources dans le but exprès de protéger les droits de l’homme (y compris de recevoir des fonds provenant de l’étranger);
27. Que les États dont l’Etat Camerounais ont l’obligation d’appliquer et de respecter toutes les dispositions de la Déclaration, notamment les articles 2, 9, 12, 14 et 15 qui prévoient que chaque État a la responsabilité et l’obligation : a) de protéger, promouvoir et rendre effectifs tous les droits de l’homme; b) de veiller à ce que toutes les personnes relevant de sa juridiction soient en mesure de jouir en pratique de tous les droits sociaux, économiques, politiques et autres, et des libertés fondamentales; c) d’adopter toute mesure législative, administrative ou autre nécessaire pour assurer la mise en œuvre effective des droits et libertés; d) d’offrir des recours effectifs aux personnes qui soutiennent avoir été victimes d’une violation des droits de l’homme; e) de diligenter rapidement des enquêtes impartiales sur les violations alléguées des droits de l’homme; f) de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger toute personne de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la Déclaration; g) de mieux faire prendre conscience des droits civils, politiques, sociaux et culturels; h) d’encourager et d’appuyer la création et le développement d’institutions nationales indépendantes pour la promotion et la protection des droits de l’homme, telles qu’un médiateur ou une commission des droits de l’homme; i) de promouvoir et de faciliter l’enseignement des droits de l’homme à tous les niveaux de l’enseignement et de la formation professionnelle ;
28. Que l’État Camerounais a en outre l’obligation absolue de mener une enquête rapide et impartiale ou veiller à ce qu’une procédure d’instruction soit engagée lorsqu’il existe des raisons de croire qu’une violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales s’est produite dans un territoire relevant de sa juridiction;
29. Que l’activisme débordant et les actes irresponsables du Ministre camerounais, Paul ATANGA NJI contre les défenseurs des droits de l’homme violent à la fois le droit international et le droit interne;
30. Que l’État du Cameroun est ainsi responsable d’un FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE prévu aux articles 4 et suivants de la Résolution 56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 12 décembre 2001 et encourt pleine répression;
31. Que l'État camerounais est tenu, par tous les moyens de droit, de protéger les défenseurs des droits de l’homme dans leurs missions.

Eu égard à tout ce qui précède, Mandela Center International :

1. Condamne, avec la toute dernière énergie, ces propos irresponsables et mensongers qui jettent du discrédit aux activités de salut public des organisations de droits de l’homme et des médias libres au Cameroun ;

2. Demande avec véhémence aux médias et aux organisations œuvrant dans le domaine des droits de l’homme au Cameroun de ne pas céder pour quelque raison que ce soit à ces manœuvres d’intimidation et de continuer leurs activités de Surveillance, Documentation et Rapportage des droits humains dans le respect scrupuleux des dispositions légales nationales et des instruments juridiques internationaux des droits de l’homme;

3. Exige, avec une fermeté totale, aux autorités camerounaises de mettre immédiatement un terme à cette tentative d’intimidation des médias libres et des organisations œuvrant dans le domaine des droits de l’homme au Cameroun;

4. Rappelle clairement aux autorités camerounaises qu’elles doivent IMPERATIVEMENT prendre une loi spécifique sur la protection des défenseurs des droits de l’homme conformément à la Déclaration de 1998;

5. Recommande vivement au gouvernement camerounais de Veiller à ce que la législation nationale soit conforme à la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme; Faire de la Déclaration un instrument juridique interne; Assurer la mise en œuvre des dispositions de la Déclaration; Diffuser la Déclaration par le biais de programmes d’information et de formation à l’attention, par exemple, des défenseurs des droits de l’homme eux-mêmes, des fonctionnaires, des organisations intergouvernementales et des médias.

Pour toute information complémentaire, bien vouloir nous contacter aux adresses suivantes :
Email : mandelacenterinternational@yahoo.com  ou comptoirasssitancejudiciaire@gmail.com  ou mandelacenter2@gmail.com  
Tél. : (00237) 679 79 81 80 / 678 912 205 / 699 25 87 77

Fait à Yaoundé, le 10 mars 2020
Le Secrétaire Exécutif Permanent
Jean Claude Fogno

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