La diplomatie au secours du jet-setter Teodorin Obiang
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Le 10 février 2020, la justice française devrait rendre son jugement en appel sur le cas de Teodorin Obiang, fils du Président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, Vice-président de Guinée Equatoriale et successeur putatif.

Le jugement en appel des « biens mal acquis » devrait tomber le même jour que la remise du prix de l’UNESCO-Obiang. Deux facettes d’un pays bien en cour au niveau international, en dépit de cette autocratie familiale, qui dure depuis quarante ans.

Un Etat choyé pour son sous-sol

A certains égards et mutatis mutandis, la Guinée équatoriale de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a quelques ressemblances avec Haïti de François Duvalier ( Papa Doc) et de son fils Jean-Claude Duvalier (Baby Doc). Toutefois, contrairement à la dictature du pays pauvre des Duvalier, le régime du clan présidentiel équatoguinéen bénéficie de la haute considération de l’ONU, de l’Union africaine, des institutions de Bretton Woods et des membres permanents du Conseil de sécurité qui avaient même accueilli ce pays, après son élection comme membre non-permanent (2017-2019).

Business as usual ! Ce pays, légèrement moins grand que la Belgique, occupe une place stratégique dans le golfe de Guinée et possède un sous-sol maritime regorgeant de pétrole et de gaz naturel, tandis que sa partie continentale avec le Mbini (ex-Rio Muni) renferme des gisements prometteurs en cobalt et autres métaux recherchés.

Très courtisé, le patriarche Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (77 ans) délègue, de plus en plus, son pouvoir à ses deux fils. Teodorin pour la Défense et la sécurité et Gabriel, pour le pétrole et les mines. Problème en perspective, les deux fils sont nés de deux mères différentes, très ambitieuses, ce qui en font de potentiels concurrents pour la succession du père.

Dans les filets la justice française

La Cour d’appel de Paris devrait donc rendre, le 10 février 2020, son verdict dans l’affaire dite « des biens mal acquis » de Teodorin. Un jugement en première instance, du 27 octobre 2017, avait condamné le Vice-président Teodorin à trois ans de prison avec sursis, 30000 euros d’amende et la confiscation des biens. La Cour internationale de justice a toutefois jugé que l’immeuble de l’avenue Foch, estimé 150 millions d’euros, possédait l’immunité diplomatique. En appel, le procureur a requis des peines beaucoup plus sévères. Le gouvernement français ne sait que faire pour éviter une détérioration des relations avec cet Etat, membre de la zone Franc d’Afrique centrale, où la francophonie est en progression et qui fait les fins de mois de plusieurs régimes de l’ancien pré carré. Les intérêts français y sont également très présents dans les domaines pétrolier et gazier.

Les 27 et 28 juillet 2019, le Secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne avait fait le déplacement en Guinée équatoriale, plusieurs mois avant de se rendre au Gabon. Certes, l’inauguration d’une base navale était à son programme, mais ce sont probablement les entretiens politiques qui avaient motivé ce voyage ministériel.

L’ambassadeur de la Guinée Équatoriale à Paris s’est rendu récemment à l’Élysée pour évoquer » l’affaire Teodorin » et le risque de fâcheuses conséquences dans la coopération bilatérale. Quels seront les répercussions diplomatiques et économiques d’une condamnation plus sévère de Teodorin ? La diplomatie peut-elle surmonter ces difficultés qui touchent la souveraineté des deux pays ? Rien n’est moins sûr.

Le madré Obiang Nguema Mbasogo

Le très catholique doyen des chefs Etat africains, qui fit exécuter son oncle dictateur en 1979, ne recule pas devant les atteintes aux droits de l’homme. Le quart du million des Equatoguineens vivent en exil, plusieurs centaines d’opposants politiques sont des disparus, les élections ne sont que des formalités périodiques et nombre de chefs d’État africains font le pèlerinage de Malabo pour recueillir conseils et soutiens. On y a vu avant leur disgrâce Lula da Silva, Eduardo dos Santos, Mohamed ould Abdel Aziz, Boni Yayi. Le Gambien Yaya Jammeh y vit désormais en exil.

Les grandes puissances ne veulent évidemment pas s’impliquer dans ces considérations concernant des situations humanaire et démocratique. Il y a tellement d’autres pays similaires…et cet Eldorado est si pardonnable…

Le président Obiang a le soutien indéfectible de l’Espagne et le pardon du Vatican. Il peut compter sur la compréhension du président Emmanuel Macron. Le président Obiang s’était rendu au Forum de la paix de Paris, les 12 et 13 novembre 2019. Evidemment, l’affaire des « biens mal acquis » était à l’ordre du jour des entretiens présidentiels. Quelques jours plus tard, toujours à Paris au siége de l’UNESCO, Agapito Mba Mokuy, ancien ministre des Affaires étrangères du président Obiang, était élu, par acclamations, président du conseil exécutif de l’UNESCO. Ce triomphe vient après l’élection au Conseil de sécurité de l’ONU, comme membre non-permanent.

Pure coïncidence ou pas, également le 10 février 2020, le prix annuel UNESCO-Obiang pour la recherche dans les sciences de la vie, richement doté, sera remis lors du Sommet ordinaire des chefs d’État de l’Union africaine, à Addis Abeba. Le jugement de Paris y sera probablement commenté.

Teodorin ouvre le pays à Poutine

Fin janvier 2020, le Vice-président Teodorin avait entrepris une très importante visite officielle en Russie. Porteur d’un message personnel du président Obiang, le prévenu de la Cour d’appel de Paris a fait part aux autorités russes des belles perspectives de coopération bilatérale dans les domaines des hydrocarbures, des gisements gaziers et de l’exploitation des métaux rares. En sa qualité de ministre de la Défense, Teodorin serait également intéressé par des instructeurs russes et la fourniture de matériels. En leur for intérieur, le président Poutine et son ministre Lavroff doivent probablement souhaiter que la justice française soit intraitable et condamne lourdement le jet-setter Teodorin, ce qu’avaient su éviter la Suisse, les Etats Unis d’Amérique et le Brésil qui s’étaient contentés de saisir une partie des biens mal acquis.

En France, le Vice-président équatoguinéen risque, en plus, d’être condamné à une peine de prison ferme….

De quoi tomber dans les bras de Poutine qui serait comblé.

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