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© Source : Le Jour
- 17 Oct 2019 01:11:00
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Cameroun :: Maurice Kamto : “Est-Ce Que Notre Pays Se Porte Bien ?” :: Cameroon
Interview exclusive avec le président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc).
Comment va Maurice Kamto en ce moment ?
Je vais bien, merci. Je n'ai pas encore eu l'occasion de faire le point, médicalement parlant, mais si je m'en tiens à ma force habituelle, je peux dire que je me porte bien.
Je vais comme ça, à brûle-pourpoint. Il y a un hebdomadaire panafricain qui a écrit que cette libération surprise a été le fait d'une négociation ou alors d'un ensemble d'accords. Qu'en est-il ?
D'abord, je voudrais dire que j'ai été surpris. Sans doute comme mes codétenus à Kondengui de lire dans cet hebdomadaire que nous tenons pour sérieux une information de cette nature. Surpris parce qu'il n'y a jamais eu de négociation. Je peux le dire de façon formelle et catégorique. Il n’y a jamais eu de négociation entre moi-même et le pouvoir en place à Yaoundé. J'ai, il vous souviendra, tendu la main pour que nous soldions le passif de l'élection présidentielle de 2018. Cette main tendue n'a rencontré que quolibets, mépris, voire insultes. Mais je garde la main tendue.
Il se trouve que cette libération s'est faite à la veille d'un voyage. Est-ce que vous pensez que la perspective de ce voyage ou la perspective de serrer la main à M. Macron a pu influencer M. Biya dans sa décision ?
Vous me connaissez assez pour savoir que je n'aime pas me livrer à des conjectures. Faire de la spéculation en politique ne sert à rien. Ce qui compte ce sont les faits et je n'ai aucun moyen de savoir ce qui a pu déterminer la décision de notre libération. Ceci dit, ce n'est que justice, parce qu'on ne sait pas pourquoi on était détenus. On a passé neuf mois de notre vie pour rien derrière les barreaux et je pense simplement qu'il était temps qu'on y mette un terme.
Racontez-moi une journée de Maurice Kamto en prison.
En prison les journées se suivent et, contrairement à ce qu'on peut penser, ne se ressemblent pas. Ce n'est pas une monotonie parfaite. Certains jours peuvent être plus paisibles que d'autres. Les jours de visite des familles ne sont pas de même nature que les jours de non visite. Donc, en gros, je ne peux parler que de notre expérience, je ne sais pas comment les autres détenus vivaient. On se lève comme tout citoyen camerounais en fonction de l'heure à laquelle on s'est couché, bien entendu, et puis généralement pour ceux qui aiment la lecture, c'est mon cas, après avoir écouté la radio on va se plonger dans les livres. Pour ceux qui peuvent gratter quelques notes, parce que ça peut toujours être utile dans la réflexion on le faut, et généralement on discute. On échangeait beaucoup avec les amis, les codétenus. Et je crois que de ce point de vue ça a été une période qui nous a permis d'aller en profondeur dans certaines choses. Je ne peux pas donner plus de détails que ça.
Dès votre sortie de prison, vous avez tenu un discours à la foule immense qui est venue vous accueillir, je vous repose la question, Maurice Kamto et le directoire qui était embastillé, what next ?
La petite adresse que j'ai faite au public nombreux, je ne remercierais jamais assez les Camerounais pour leur résistance parce que si nous sommes là, libres, c'est grâce à la résistance des Camerounais. Vous avez parlé tout à l 'heure de la perspective de déplacement, de serrer la main, mais dans mon esprit, ce qui a été déterminant, ce qui sera déterminant aujourd'hui et demain c'est la resistance des Camerounais, c'est la mobilisation des Camerounais, la compréhension dont ils ont fait preuve et je les remercie. A cette foule nombreuse qui est venue me témoigner, nous témoigner son soutien, j'ai fait une brève adresse improvisée. C'est par affection pour ces compatriotes que je l'ai fait parce que j'ai décidé de me poser un certain temps avant de recommencer à communiquer. J'ai dit au fond ce qui me paraissait juste et judicieux de dire en pareille circonstance. C'est de les remercier, leur dire que comme promis, je ne les ai pas trahis et je ne les trahirais jamais. Et leur réitérer que nous mènerons notre combat dans la paix et nous obtiendrons le changement par les urnes ensuite je leur ai demandé de rentrer chez eux dans la paix. Alors qu'est ce qui vient ensuite ? Je l'ai dit dans la déclaration que nous avons faite sur la situation globale que ce soit à propos du Grand dialogue national ou le règlement ou non règlement de la crise anglophone et les autres aspects des crises multiformes qui affectent notre pays. Je réitère simplement ce que j'ai dit. J'avais tendu la main qui reste tendue pour que nous soldions la crise post électorale, le passif de l'election présidentielle. Vous constaterez comme moi que cela n'a pas été fait. Si je dois revenir au Grand dialogue, je dirai qu'on peut dire d'une formule ramassée qu'il n'y a pas eu de dialogue. En tout cas, le dialogue attendu n'a pas eu lieu. C'était le dialogue inclusif qui demandait d'amener autour de la table les acteurs directs de la crise anglophone mais surtout qui devait rechercher des solutions sérieuses pour un règlement en profondeur de la crise. Je crois que je ne révèle rien en disant que la solution qui est sortie du dialogue ne donne pas aux acteurs de la crise anglophone, ceux qui combattent sur le terrain, la solution qu'ils espéraient. Depuis lors, la violence s'est accrue, les combats se sont accentués, c'est bien ce que je craignais. Tant que vous n'avez pas convié autour de la table de dialogue et je dirai même négociations, parce que par certains côtés c'est de la négociation, les acteurs directs de la crise ou ceux qui les représente comme ceux qu'on a condamné à perpétuité je crains qu'on ne puisse pas trouver une solution durable.
Crise anglophone non résolue, crise post-electorale non abordée, la question de la révision du code électoral qui est cruciale, pour éviter que de nouvelles crises post-électorales se produisent, tout cela n'a pas été abordé. C'est la raison pour laquelle on peut conclure qu'il n'y a pas eu dialogue national. Face à tout cela, la conséquence logique tombe sous le sens. C'est que la résistance nationale va se poursuivre et même s'accentuer dans les formes et les modalités que nous indiquerons le moment venu. A la limite, on ne sait pas pourquoi on nous a enfermés pendant neuf mois ! Si c'était pour régler la crise anglophone, on dirait tant mieux c'est ça d'acquis. Vous avez suivi comme moi, qu'il y a une personnalité de ce pays qui n'est pas négligeable, le sultan Mbombo Njoya qui a fait une intervention remarquée, qui a tenu des propos de sagesse et de bon sens et qui a été recadré en public.
Nous apprécions d'autant plus ces propos en cette circonstance qu’il s'agit d'une parfaite synthèse de ce que nous même nous proposons depuis 2013. C'est la voie, c'est la direction à suivre et je ne crois pas que quelqu'un de son âge, de son expérience qui a été plusieurs fois ministre dans notre pays, qui a été ambassadeur et qui assume les fonctions traditionnelles qui sont les siennes depuis de nombreuses années peut parler à la légère. A défaut de partager ce qu'il dit, nous devons au moins être attentif. Je ne trahis aucun secret en disant qu'il n'est pas du MRC. Au moins ses amis politiques devraient tendre une oreille attentive à ce qu'il dit.
Vous êtes d'accord sur quoi exactement avec le Sultan Mbombo Njoya ?
Je peux dire de mémoire ce qu'il a dit. Il a dit qu'il faut une révision de la constitution, une limitation du mandat présidentiel à un mandat renouvelable une fois, il faut revoir la forme de l'État, a-t-il dit, décentralisation qui peut prendre la forme de celle qu'on connaît aux États-Unis, en Allemagne et au Nigeria. Il ne parle pas comme un novice, il sait de quoi il parle et il l'indique très clairement ce qui peut demain être la forme appropriée de l'État au Cameroun. Il a dit qu'il était impérieux de réviser le système électoral camerounais. Il a parlé du code électoral en l'occurrence. Moi je parle du système électoral parce que c'est le code plus toutes les institutions qui accompagnent les élections. Et je crois qu'on ne peut qu'être d'accord avec ce qu'il dit. Il n'y a pas une seule chose dans ses propositions qui n'aille dans le bon sens. Et par conséquent nous partageons cela.
Que reprochez-vous à ce système électoral exactement ?
Je voudrais rappeler que nous avons pointé les insuffisances du code électoral depuis 2013 après les élections couplées municipales et législatives. Nous avons attiré l'attention d'Elecam et des autorités puisque nous avons fait des propositions que nous avons envoyées à la présidence de la République à cette époque. Nous avons envoyé ces propositions aux structures de l'exécutif impliquées dans l'organisation des élections notamment le ministère de l'Administration territoriale, le ministère de la Justice et les administrations en charge de la sécurité. Nous les avons envoyées à Elecam bien entendu mais également au Premier ministre par courtoisie. Premièrement, nous n'avons pas un système biométrique comme nous le constatons dans tous les autres pays.
Dès lors que vous êtes sortis de la phase de la collecte de la base des données, la biométrie disparaît au Cameroun. Mais nous sommes pragmatiques et avons dit que même si vous ne pouvez pas faire la biométrie intégrale pour diverses raisons, vous pouvez dire que ça va entraîner des dépenses supplémentaires, nous ne voulions pas qu'on rejette notre proposition de loi déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale, depuis 2014 on la rejette au motif que nous avons créé des dépenses sans créer des recettes, vous savez que c'est un motif de rejet d'une proposition de loi ou d'un projet de loi. Nous avons dit, faites ce qui est simple et qui peut même amener l'État à faire des économies, le bulletin unique. Nous avons dit qu'il faut que les procès-verbaux délivrés aux représentants des candidats ou des partis politiques dans les bureaux de vote aient la même valeur authentique que l'exemplaire remis à Elecam. Il est anormal que le code électoral dise que seul l'exemplaire remis à Elecam fait foi. A partir de ce moment-là on peut se demander à quoi sert-il d'envoyer des représentants dans les bureaux de vote s'ils ont des procès-verbaux dont on ne peut se faire prévaloir en cas de contentieux. Troisièmement nous avons dit qu'il est injustifiable, pour ne pas dire que c'est encourager la fraude, que de dire que les procès-verbaux vont d'abord à Elecam et pendant 48h séjournent à Elecam avant d'aller à la commission qui dépouille et proclame les résultats. Si chacun a un exemplaire de procès-verbal, pourquoi a-t-on besoin encore d'aller à Elecam pendant 48h ? Nous préconisons et demandons qu'à la sortie des bureaux de vote, les procès-verbaux soient acheminés directement à la commission compétente pour proclamer les résultats. Voilà quelques exemples, mais nous avons fait de manière plus ample un travail très précis, très concret sur l'ensemble des dispositions du code électoral qui posent problème. Je peux attirer votre attention et tous les Camerounais en sont témoins, sur le fait que Elecam ne s'est jamais comporté comme un organe impartial dans l'organisation des élections. La preuve, chaque fois que nous sommes allés au contentieux, Elecam s'est mis du côté du Rdpc, pour défendre les positions du Rdpc contre l'opposition. C'est quand-même étrange alors que Elecam devrait être l'arbitre qui devrait fournir à l'organe du contentieux les éléments pour départager. Deuxièmement, pour ce qui concerne l'élection présidentielle, le Conseil constitutionnel, regardez la composition. Nous avons effectivement demandé la récusation des membres qui non seulement ne satisfaisaient pas à l'interdiction par la loi de faire partie d'un parti politique, et pour d'autres menaient des activités incompatibles avec leur statut de membre du Conseil constitutionnel. En réalité, si ça avait été des gens raisonnables, ils n'auraient pas attendu que nous engagions contre eux une procédure en récusation. Ils se seraient déportés comme on dit en droit, c'est-il dire ils n'auraient pas siégé. Parce qu'ils auraient estimé qu'ils ne réunissent pas les conditions d'impartialité qui garantissent leur indépendance. Il y avait donc une suspicion légitime sur cet organe. Et cette suspicion demeure. Nous avons montré devant le Conseil constitutionnel que non seulement certains membres etaient militants du Rdpc, membres du comité central du Rdpc, membres du bureau politique du Rdpc.
Nous avons montré en terme d'incompatibilité que certains membres continuaient à être président de conseil d'administration par exemple de l'Université de Yaoundé 1, et il y en avait qui continuait à être membre de juridictions, il y en avait un, pour ne pas le citer, Foumane Akame, paix à son âme, qui continuait d'être président du tribunal de première instance de la francophonie. Il y a un qui est président de la chambre arbitrale du comité national olympique. Le président du Conseil constitutionnel, son cabinet d'avocat portant son nom continue d'officier jusqu'à ce jour avec des dossiers qui passent devant le Tribunal criminel spécial. Il n'est pas omis du tableau de l'ordre. C'est autant d'éléments d'incompatibilités que nous avons mis sur la table. Les gens du Rdpc ont beau jeu de balayer cela d'un revers de la main parce qu'ils ne veulent pas que les Camerounais comprennent. Mais les Camerounais ont bien compris ils ne sont pas dupes. Voilà quelques révisions que nous voulons. Nous voulons demain Elecam au sein duquel les partis d'opposition sont représentés au même titre que la société civile. Ce n'est pas la peine d'espérer une neutralité. Autant donner la possibilité aux partis politiques de siéger et que chacun puisse voir ce qui s'y passe.
Dans ces conditions êtes-vous prêts à aller aux élections si rien n'est modifié ?
En tant que parti politique, nous continuons de travailler à la préparation des élections à venir. Mais cela ne veut pas dire que nous allons abandonner notre combat pour la réforme consensuelle du code électoral. Ce n'est même pas possible. Si on abandonnait le combat, cela voudrait dire qu'on accréditerait le statut quo. Or nous n'avons cessé de dire que si on ne révise pas le code électoral avant les prochaines élections, les mêmes causent produisent les mêmes effets, c'est-à-dire qu'on risque à nouveau de déboucher sur une crise post-électorale. Vous voyez bien que la question majeure n'est pas de savoir si nous participerons mais ce qui risque de se reproduire si le code électoral n'est pas révisé. Imaginez que nous ne participions pas et qu'il y a les fraudes, il y aura toujours une crise post-électorale. Si nous participons et qu'il y a des fraudes, il y aura toujours une crise post-électorale. Ce que nous voulons éviter à notre pays c'est qu'on aille de crises en crises. Je résume en disant, nous préparons les prochaines élections, mais nous nous battons et nous nous battrons jusqu'au bout pour qu'il y ait une révision du système électoral camerounais.
Le parti Mrc, pendant neuf mois n’a pas fonctionné comme il se devait parce que ses leaders étaient en prison. Comment il se réorganise après cette période ?
Vous me donnez l’occasion de féliciter mes camarades du directoire qui n’étaient pas interpellés et qui avaient la charge d’assurer le fonctionnement du parti. Ils l’ont fait, pour ceux qui étaient aux avant-postes, de façon remarquable, avec un engagement et des conditions qui méritent d’être saluées. Le parti a fonctionné pendant les neuf mois. Les difficultés du parti ne provenaient pas du parti. Elles sont venues d’un harcèlement incessant, systématique et absolument hallucinant de l’administration, en particulier des administrations en charge des questions de sécurité et de la préfectorale. C’est la première fois que je vois dans un pays qu’on interdise aux gens de s’inscrire dans un parti politique. Que des Camerounais aillent massivement pour s’inscrire, s’enrôler comme membres d’un parti politique et qu’on l’interdise au parti légalisé officiellement, représenté dans les institutions du pays. C’est la première fois, alors que tout le monde sait que le siège du parti politique est inviolable, que l’on empêche au parti politique de tenir des réunions à son siège, de rassembler ses militants à son siège. On traque nos militants à travers le pays. Bien sûr, beaucoup avaient déjà tourné notre page en disant que de toutes les façons on allait pourrir en prison et que comme certaines autorités avaient brandi la menace de l’interdiction ou de la dissolution du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, d’autres le demandaient à cors et à cris et attendaient de se frotter les mains. Mais cela n’est pas arrivé. Je pense que, malheur à celui par qui des décisions aussi iniques arriveront. Le parti a continué à fonctionner. Certains militants de l’arrière-pays pouvaient être découragés avec la publication des intimidations. Nous avons des militants qui au retour de notre convention ont été jeté en prison où ils ont passé un an. Simplement parce qu’ils étaient militants du Mrc, notamment dans la partie septentrionale du pays. Il y a un de nos militants dont les parents ont dû vendre leurs biens pour aller les sortir de prison. C’est à ce genre de situation que nous sommes confrontés. C’est pour cela que je ne célèbrerai jamais assez les militants du Mrc. Ils sont simplement héroïques parce que ce que nous subissons au Cameroun est absolument indescriptible. Le monde n’a pas connaissance de ce qui se passe. Même nos propres compatriotes ne savent pas ce qui se passe. Franchement, c’est la chasse aux sorcières, c’est la traque. Mais ils sont debout. Nous sommes debout. Le Mrc est debout et je crois que les Camerounais doivent compter avec nous. J’ai dit, je ne les trahirai jamais et je ne les trahirai jamais. Qu’est-ce qu’on va faire ensuite ? On se déploie. Nos camarades sont ragaillardis. Ils ne pouvaient pas être heureux de savoir que le président de leur parti politique et d’éminents membres des organisations politiques alliées étaient emprisonnés. Mais quand on est dehors ils savent que nous allons mettre comme par le passé toute notre énergie au service des activités du parti.
Vous avez fait une sortie notable au sujet des tristes événements de Sangmélima. Où des camerounais ont pillé des biens et blessé d'autres, sur le motif de l'appartenance tribale. On n'arrête pas de vous coller l'étiquette du repli tribal...
Je voudrais d'ailleurs remarquer que je suis le seul leader politique à qui on pose inlassablement cette question, comme si j'étais le seul concerné par ce problème. Il s'agit d'une affaire nationale, qu'il faut prendre très au sérieux. J'ai dit et ne le répète, j'aime les camerounais. Ce n'est pas une déclaration de circonstance. Toute ma vie, tous mes actes plaident en faveur de cela. J'aime les camerounais, et peu importe ce que les camerounais ou des camerounais peuvent penser de cette déclaration. Vous savez, un acte d'amour n'est pas conditionné par la réciprocité que l'on en attend. Il est en soi un acte suffisant. Donc, j'aime les camerounais, même s'il y a des camerounais qui ne m'aiment pas. Peu m'importe. je n’ai pas besoin qu'ils m'aiment pour les aimer. C'est pour cela que c'est pour cela que le tribalisme est une chose qui m'est ontologiquement étrangère. Même en faisant des efforts, je n'y arrive pas, car il m'est impossible d'apprécier quelqu'un par ses origines. C'est totalement absurde ! J'ai en face de moi un être humain, et je vais déterminer son comportement à partir de là où il est né ? J'ai posé la question à quelqu'un, si vous avez un accident, dans la rue savez-vous la tribu ce celui qui vient vous porter secours? Lorsque vous allez à l'hôpital, demandez-vous en premier la tribu du médecin qui vous prend en charge ? Il ne faut pas que l'on nous vende du vent. Il existe une élite politique camerounaise qui brille par une médiocrité lamentable, qui n'a plus rien à offrir, et qui se réfugie dans ce qu'il y a de plus facile à faire, vibrer la corde ethnique. Moi je ne me sens pas concerné par cela. J'ai répondu par pure politesse à cette question. Ce qui m'importe, c'est le destin de mon pays. Il y a une chose sur laquelle je suis intransigeant, c'est l'intérêt de mon pays. Et quelle que soit la personne qui se mettra en travers de l'intérêt du Cameroun, que ce soit mon frère, au sens biologique du terme, ou au sens où l'entendent les camerounais, il n'aura aucune excuse. Cette question du tribalisme n'intéresse que ses marionnettistes. C’est eux que l'on doit exposer. Ce qui s'est passé à Sangmélima n'est pas imputable à toutes les merveilleuses populations du Sud, qui m'ont réservé un magnifique accueil pendant la campagne électorale. Si cette affaire a pris la tournure que l'on déplore, c'est parce qu'il y a des gens qui ont intérêt à dresser les camerounais les uns contre les autres. C’est parce que au Cameroun règne un tribalisme d'État. Nous commençons à en voir les conséquences. On ne peut pas, après le Grand débat National, voir des gens qui pillent et attaquent à l'arme blanche leurs compatriotes devant une police et des autorités administratives qui laissent faire, impuissantes et incompétentes. Nous on nous a jeté en prison pour neuf mois, parce que nous avons marché, sans bousculer qui que ce soit sur un trottoir, sans casser la moindre brindille. Pendant ces marches, on a tiré sur certains de nos camarades. Et il y a des pillards impénitents...Je crois qu'il est temps que les camerounais doivent trouver les modalités pour s'asseoir et parler de cette question du tribalisme.
Parlant de la partie septentrionale, votre vice-président M. Mamadou Mota est en ce moment en détention. Parlez-nous de ce cas et ce que le parti compte faire pour qu´il soit tiré d´affaire ainsi que la soixantaine d´autres qui sont en prison?
Il reste en effet une soixantaine de nos camarades et sympathisants et même des Camerounais qui sont des non-militants des partis politique, qui ont eu le malheur d´être au mauvais endroit au moment, où on ramassait nos militants et les entassaient dans les pick-up comme des objets ou des sacs de macabo. Je saisis cette occasion pour dire que j´ai une pensée toute particulière pour Mamadou Yacouba Mota, ce monsieur est héroïque, il a forcé mon respect, je n´irais pas dans les détails, mais très peu de Camerounais peuvent endurer ce qu´il a enduré, avec autant de dignité et de courage, et nous savons pourquoi on le cible particulièrement, nous savons pourquoi on broie Mota, pourquoi on veut le maintenir en prison, pourquoi on veut détruire sa famille. Mais qu´il sache que là où il est, nous nous battrons, et moi personnellement je me battrais jusqu´au bout pour sa liberté. Mota je crois, a le malheur d´être de la partie septentrionale du pays, je crois ceux qui dirige notre pays, auraient bien voulu que l´on montre que rien ne se passe de ce côté du pays, que les camerounais du septentrion ne se sentent pas concernés, qu´ils sont très contents de ce qui se passe dans le pays, et on aurait dit très rapidement, c´est une affaire des personnes agitées du Sud, pour ne pas dire d´une certaine région. Mota a montré la force de ses convictions et je lui rendrais des témoignages aujourd´hui et demain, et encore tous les temps, peut-être sans exagération, je dirais jusqu´à la fin de mes jours, parce qu´il m´a montré que je pouvais avoir une vraie fraternité avec un compatriote, qui justement géographiquement, est situé à 1500 km du lieu où je suis né, il a montré qu´il pouvait payer un prix aussi fort à cause de sa proximité et de son engagement auprès d´un compatriote qui, à 1500 km de là où il est né. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais croyez-moi, je suis plus qu´en apathie, je suis en fraternité solide avec ce monsieur, et à travers lui avec toutes les populations du septentrion de façon générale et de l´extrême-nord en particulier. Vous savez, et je saisis cette occasion, il s´est dit des choses terribles durant la campagne électorale, donc l´une m´a complètement sidéré, on a répandu que, comment pouvais-je aller chercher les voix de mes compatriotes du nord, alors que je les ai traités de moutons, et refuser d´aller enseigner à l´Université de N’Gaoundéré. Je rappelle ici, que c´est moi qui ait ouvert la faculté de droit de l´Université de N’Gaoundéré, alors que, on m´y avait affecté, et que j´ai dû laissé toute ma famille, et mon premier enfant qui était malade, je suis obligé de parler des choses personnelles pour qu´on comprenne, malade et qui devait avoir un suivi médical particulier, je l´ai abandonné à mon épouse pour aller ouvrir et enseigner a la faculté de droit de N’Gaoundéré. Nombreux sont mes étudiants de l´époque, qui sont des hauts fonctionnaires, ils sont passés ensuite par l´Enam, et qui sont fiers, c´est eux qui m´interpellent dans la rue, ils me rappellent qu´ils ont été mes étudiants à N’Gaoundéré.
Vous voyez qu´il y a eu des esprits maléfiques, ce n´est pas ça la politique, je comprends que c´est un monde qui n´est pas toujours facile, peut-être on peut dire des choses pour nuire à l´adversaire, mais pas à ce point-là. Je crois de temps en temps, il faut savoir raison gardée, je n´ai jamais tenu ce genre de propos sur aucun de mes adversaires, je ne manque pas des informations sur les personnels politique au Cameroun, mais je ne les ai jamais sorti, il faut qu´on arrête, parce qu´en plus, ce n´est pas des informations, mais des mensonges, donc je suis resté jusqu´à ce que je sois rappelé au sud du pays, à la fois à la suite d´un sursis à exécution de la Cour Suprême sur l´acte qui m´avais affecté a l´Université, mais surtout que je sois rappelé pour prendre en charge le dossier Bakassi. Voilà pourquoi je suis parti de l´Université de N’Gaoundéré sans problème, j´ai toujours assumé mes enseignements, corrigé et donné les résultats. Donc Mota pour moi, est justement l´occasion de dire à cette partie de mes compatriotes, que quand je dis que j´aime les camerounais, je n´aime pas seulement les Camerounais d´une partie du Cameroun, j´aime tous les camerounais, croyez-moi, j´ai une affection particulière pour eux. Si je voulais aller davantage dans les détails et parler de moi, je dirais que parmi mes quelques amitiés constantes que j´ai eu sur les bancs de l´école en particulier à l´université qui sont restés jusqu´aujourd’hui, les gens du septentrion dont je me garderais de citer les noms, certains pourraient souffrir, a la tabaski, j´ai toujours mon gigot de mouton qui vient de cette partie du pays. Mota de là où il est, et derrière lui les quelques 58, 59 autres camarades qui sont en détention, doivent savoir que nous n´aurons de cesse, nous n´aurons de repos, tant qu´on aura pas obtenu leur libération parce que bien que dehors, nous ne sommes pas en liberté parce que ils sont eux en détention.
Vous avez toujours promis que vous feriez un voyage dans les régions du NW et SW. Êtes-vous prêt à le faire actuellement ?
Si nous sommes inscrits dans un processus de règlement de cette crise, je dis oui. Je le répète, en cours de campagne, j'avais promis de faire ma toute première sortie dans ces régions, si j'étais élu. Nos compatriotes anglophones qui connaissent mon message, savent que j'ai des solutions qui ne seront pas seulement des solutions cosmétiques. Ce n'est pas seulement aller jouer les héros qui compte. Ces populations savent que je suis l'une des personnes les plus dévouées au règlement sincère de cette crise.
Quel est votre plan pour la résolution de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ?
Il n'y a pas de processus unilatéral de solution à cette crise qui soit efficace. Nous avons fait un mémorandum, dans lequel nous avons proposé une démarche pour la résolution de cette crise. La première des choses, c'est la libération de toutes les personnes qui ont été arrêtées et qui sont détenues dans le cadre de cette crise, y compris ceux que l'on a condamnés à perpétuité. Nous disions dans ce document qu'on devait les libérer et leur donner la possibilité de se concerter pour désigner leurs représentants à une éventuelle négociation, leur laisser même le temps d'aller voir leurs familles, ensuite parler des conditions du cessez-le-feu. Lorsque je parle de cessez-le-feu, on ne demande pas aux forces de défense de déposer les armes. On leur demande de cesser de tirer, créant ainsi pour les autres, les conditions pour déposer les armes. Si on demande par exemple aux forces de troisième catégorie de se retirer, laissant sur place les forces de deuxième catégorie, c'est à dire la police et la gendarmerie pour assurer juste le maintien de l'ordre, c'est déjà un signal. Si ensuite, derrière cela, vous prenez ce que j'appelle des mesures de "désescalade" et de construction de la confiance, car il y a une rupture de confiance, reconnaissons-le, entre l'Etat central et les populations de ces régions...
Construire la confiance pour moi, c'est aller vers ceux qui se sont retranchés dans la brousse, c'est aller chercher ceux qui se sont réfugiés au Nigeria, c'est reconstruire, ramener chez eux ceux qui sont réfugiés partout ailleurs. Là, vous créez un climat propice à la paix, aux rentrées scolaires et même à l'organisation des élections. Vous donnez les moyens de la reconstruction, vous permettez aux gens qui ont tout perdu, de se reconstruire une vie...C'est la démarche que je n'ai cessé de préconiser. Malheureusement, avec le détournement des résultats des élections, je n'ai pas été en capacité de mettre cela en œuvre, car c'est cela que j'avais promis aux Camerounais. Le portail des camerounais de Belgique. Je pensais qu'en une période de six mois, on pouvait mener à bien ce programme de désescalade. Les discussions sur la forme de l'Etat elles, devraient prendre plus de temps... Une fois ce travail sur le terrain fait, on ouvrirait le dialogue avec les leaders, les véritables, ceux dont les mots d'ordre peuvent être respectés par les populations et les combattants. Je ne comprends pas pourquoi certains camerounais se croient le droit de s'asseoir à Yaoundé et de décider tous seuls de ce que les autres camerounais doivent penser et croire. Pourquoi des gens peuvent penser qu’ils sont plus attachés au Cameroun que d'autres? Que des gens disent que le Cameroun est un et indivisible, cela est incontestable. Mais qui a dit qu'une fédération d'États ne l'était pas? J'ai cité en 2017, la constitution de l'Espagne, qui dit clairement que l'Espagne est une et indivisible, mais où lorsqu'on parle de Catalogne, il y a un gouvernement et un parlement catalan... Nous ne pouvons pas continuer à ruser avec l'histoire. Nous sommes arrivés à un carrefour de notre histoire qui nécessite que nous nous posions et que nous résolvions nos problèmes. Nous devrions faire u sursaut national, au-delà des chapelles politiques, car nous sommes rendus à un niveau où nous devrions poser à tous, y compris ceux du Rdpc, cette question, EST CE QUE NOTRE PAYS SE PORTE BIEN? Si la réponse est non, alors, il faut avoir le courage de dire que l'on doit aller ensemble à la recherche de solutions idoines aux problèmes auquel notre pays est confronté.
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