L’économie camerounaise va droit dans le mur… L’immodéré déficit budgétaire!
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La notion de déficit budgétaire s'utilise lorsque le budget de l'État est en déficit. C'est la situation dans laquelle les recettes de l’État (hors emprunt) sont inférieures à ses dépenses (hors remboursement d’emprunt) au cours d’une année. C’est donc un solde négatif.
L’Etat du Cameroun prévoit un déficit budgétaire lors de l’élaboration de son budget. Et au terme de chaque exercice, ce déficit est toujours au moins 2 fois plus important que ce qui était prévu. Ce qui veut dire que l’Etat prévoit des dépenses qu’il sait pertinemment ne pas être en mesure de financer par ses ressources propres.
Tenez, au début de l’exercice 2019, L’Etat du Cameroun avait déjà prévu un déficit budgétaire de 482,6 milliards FCFA (sur un budget de 4 850,5 milliards de FCFA) au terme dudit exercice (soit presque 10 %, alors que le FMI recommande qu’il soit en deçà de 2 %).
Dans le détail, les recettes nettes prévues dans le budget initial 2019 étaient de 3 508,5 milliards FCFA (total des recettes moins remboursement des crédits de TVA à hauteur de 582,4 milliards). Alors que les dépenses, excluant le remboursement du capital de la dette (100 milliards), s’élevaient à 3 991,1 milliards FCFA. Donc, les dépenses prévues dans le budget 2019 étaient plus importantes que les recettes prévues. Le solde budgétaire était donc négatif ou déficitaire à hauteur de 482,6 milliards.
Le 29 mai dernier, le président de la République a signé une ordonnance modifiant et complétant certaines dispositions de la loi de finances 2019. À la lecture du texte, on a tous observé une hausse du budget de 361,5 milliards de FCFA, passant ainsi de 4850,5 milliards à 5212 milliards de FCFA.
Le gouvernement a alors justifié cet accroissement significatif (près de 7,5 %) par les nouvelles poches de recettes identifiées et reparties ainsi qu’il suit : 121,5 milliards de FCFA de recettes propres (dont 56 milliards de recettes pétrolières et 24,5 milliards de recettes fiscales) et 240 milliards de FCFA d’emprunts (dont 188 milliards d’emprunts extérieurs). Sur la base de quels indicateurs objectifs, le gouvernement s’est-il fondé pour prévoir cette hausse des recettes ? Quid du déficit annoncé de 482,6 milliards annoncé dans la loi de finances 2019 en tout début d’année.
La pression fiscale (pour ne pas dire braquage fiscal) que va devoir exercer l’Etat pour accroitre ses recettes fiscales de 24,5 milliards de FCFA (afin de faire plaisir au FMI) risque bien de produire l’effet inverse de celui recherché. Les importateurs protestent contre des droits de douane qui ont été revus à la hausse, les entreprises membres du GICAM sont unanimes pour dire que le niveau de la pression fiscale est insupportable et va conduire plusieurs d’entre elles au dépôt du bilan à court terme.
Ceux qui observent l’évolution des prix des produits importés (matériels de construction tels le fer, les carreaux, marbres) ont dû constater une hausse généralisée des prix sur le marché depuis le mois de mai 2019. C’est bien la conséquence de la hausse vertigineuse des droits de douane. Au final, ce sont les camerounais qui vont subir les conséquences de la hausse des droits de douane sur les produits importés et la pression fiscale exercée sur les entreprises.
Les prévisions de recettes issues des activités pétrolières (suite à la destruction des installations de la SONARA lors de l’incendie du 31 mai 2019 et qui ne pourra reprendre sa production avant plusieurs années) sont à revoir à la baisse.
Dans tous les cas, les ingrédients sont réunis pour que le déficit réel du budget de l’année en cours atteigne des niveaux historiques.
L’acuité de la crise des devises et la gravité de ses conséquences
La crise des devises qui sévit en Afrique centrale a entrainé une dévaluation informelle du FCFA d’Afrique Centrale et va conduire à la faillite tous les importateurs, des milliers d’entreprises achetant des matières premières à l’étranger et placer l’économie des pays de l’Afrique centrale dans sa plus grave crise depuis la dévaluation du 11 janvier 1994 et dans une direction résolument déflationniste qui peut s’inscrire dans la durée si des solutions rapides ne sont pas trouvées.
Commençons par les faits marquants de ces derniers mois :
- Ceux qui voyagent régulièrement hors d’Afrique Centrale ont constaté que depuis le mois de mars 2019, les devises ne sont plus servies par les banques et les chèques de voyage ne sont pris vendus.
- Les importateurs et les entreprises achetant les matières premières à l’étranger ont constaté que depuis le mois de janvier 2019, les banques ne sont plus en mesure d’exécuter tous les ordres de virement au profit de leurs fournisseurs extérieurs.
- Tous les opérateurs effectuant des envois d’argent (Western Union, Moneygram) ont suspendu ce service depuis mai 2019 et n’assurent que les réceptions d’argent.
- La parité du franc FCA Afrique centrale avec le franc CFA Afrique de l’Ouest a volé en éclat depuis belle lurette (pour obtenir 100 FCFA Afrique de l’Ouest, il faut débourser entre 110 et 120 FCFA Afrique centrale chez les opérateurs de changes opérant légalement (ou non).
- Le compte des opérations ouvert par la BCEAO et la BEAC auprès du Trésor français pour y déposer une partie de leurs réserves de change en contrepartie de la convertibilité de la monnaie serait vide à ce jour puisque lesdites réserves de change détenues par la BCEAO et la BEAC ont en réalité déjà été injectées dans les économies de la zone en équivalent franc CFA (les réserves de changes, évaluées à 18 milliards de dollars fin 2013, ont chuté à 5 milliards de dollars en 2016 pour s’épuiser complètement en 2019).
- La BEAC ayant déclaré par la voix de son direction national du Congo la rupture des devises en zone CEMAC et les n’ayant plus de stocks d’Euros, tous les ingrédients sont réunis pour entretenir un flou pouvant être considéré comme un signe avant-coureur d’un changement formel de la parité du franc FCFA et l’Euro (si ce n’est de la mort du franc CFA).
- Le trésor français n’est apparemment plus en mesure de garantir la parité actuelle entre le franc CFA et l’Euro.
Les conséquences ci-dessous (liste non exhaustive) sont inévitables :
- Ralentissement considérable de l’importation des intrants, produits et équipements de production, ainsi que la maintenance de l’outil de production (Situation confirmée par le GICAM dans son communiqué du 1er juillet 2019) ;
- Perte de crédibilité des entreprises camerounaises vis-à-vis de leurs fournisseurs étrangers avec pour effets déjà perceptibles la suspension de toutes livraisons programmées ;
- A très court terme, on devrait s’attendre à une cascade de faillite des entreprises importatrices avec tous les effets imaginables (montée du chômage, baisse des recettes fiscales et douanières de l’Etat, énurie sur le marché de plusieurs produits essentiels importés, précarité sociale généralisée…) ;
- Impossibilité pour les camerounais (n’ayant pas de cartes bancaires internationales) d’obtenir des euros ou des dollars leur permettant d’aller passer les vacances en Europe ou aux USA ;
- Impossibilité pour les parents de payer les frais de scolarité des enfants scolarisés en dehors des pays de l’Afrique centrale.

De la dévaluation informelle du franc CFA à la fin du franc CFA
Tous ces faits décrits ci-dessus et leur cause, qui sont d’une gravité extrême pour les économies d’Afrique Centrale, ont conduit à une dévaluation informelle du franc CFA Afrique Centrale.
Dans ce contexte, le secteur informel dicte sa loi du marché depuis bientôt 3 mois. Pour obtenir 1 EUR au Cameroun, au Congo et au Gabon aujourd’hui, il faut débourser en moyenne 785 FCFA au lieu de 675 FCFA (commissions de change incluses).
En Afrique de l’Ouest, les 15 chefs d’Etat ont déjà pris des dispositions en projetant la création d’une monnaie unique qui s’appelle «Eco » pour dès l’année 2020.
Pour adopter l’Eco, huit des membres de la CEDEAO devraient renoncer à utiliser l’actuelle monnaie commune qu’est le franc CFA, arrimé à l’euro par une parité fixe, et garanti par le Trésor français (voir encadré).
Pendant que les pays de la CEDEAO prennent des dispositions pour éviter d’avoir à gérer une nouvelle dévaluation imposée par le France, les pays de la CEMAC eux, se terrent dans un attentisme stupéfiant. Ils ont attendu que la France leur tire les verres du nez. La France ne s’est donc pas privée pour prendre la mesure coercitive consistant à suspendre à la fourniture des euros aux pays de l’Afrique Centrale. Les Etats de la CEMAC sont ainsi mis dos au mur : renégocier les accords avec la France (négociation devant conduire à la dévaluation du franc FCFA par rapport à l’Euro) ou signer la fin de vie du franc CFA en créant une monnaie commune à l’image des pays de la CEDEAO.
En somme, nos Etats de l’Afrique centrale n’ont jamais été aussi proches de la dévaluation formelle du FCFA par rapport à l’Euro. Mais aucun des gouvernements des pays de l’Afrique centrale ne veut sérieusement aborder ce sujet, ni envisager cette option ou une sortie de la zone franc.
Sauf retournement favorable (et improbable) de conjoncture, l’économie camerounaise (bien plus que celle des autres pays de l’Afrique centrale) va droit dans le mur… Et le choc risque d’être bien plus violent au Cameroun que dans les autres pays de l’Afrique centrale.

Repères historiques du franc CFA
Le Franc CFA est né de deux nécessités économiques, celle de contrôler le flux de capitaux circulant dans l’empire colonial français, et celle de “rationaliser” l’émission de monnaie dans les colonies françaises, qui a été progressivement confiée à des instituts d’émission privés et locaux voire laissée en jachère pendant la première moitié du XXème siècle et que les deux guerres ont fortement opacifiée. En signant les accords de Bretton Woods le 26 décembre 1945, la France instaure le Franc des Colonies Françaises d’Afrique comme seule et unique monnaie légale des colonies en effectuant sa première déclaration de parité fixe (1 Franc CFA = 1.7 Francs Français) et restaure du même coup son autorité monétaire (via la Caisse Centrale de la France d’Outre-Mer). Contrairement à l’information qui circule dans les réseaux sociaux suivant laquelle l’accord avait une durée de 75 ans, aucune durée de vie n’a été fixée dans cet accord.
Il prendra par la suite la dénomination de "franc de la Communauté Financière Africaine" pour les Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UMOA), et "franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale" pour les pays membres de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC, aujourd’hui CEMAC).

Evolution de la parité entre franc CFA

Fait marquant Date Parité
Création du FCFA 26-déc-45 1 FCFA = 1,70 FF

Dévaluation du Franc Francais (FF)

17-oct-48 1 FCFA = 2,00 FF
Instauration du nouveau Franc Français

1er janvier 1960

1 FCFA = 0,02 FF
Dévaluation du FCFA 12-janv-94 1 FCFA = 0,01 FF
Arrimage du FCFA à l’euro 1er janvier 1999 655,957 FCFA = 1 EUR

Parité actuelle sur le marché informel

Fait marquant Date Parité moyenne

Convertibilité du FCFA Afrique de l’Ouest  sur le marché informel

Depuis mars 2019 680 FCFA  = 1 EUR
Convertibilité du FCFA Afrique Centrale sur le marché informel Depuis mars 2019 785 FCFA  = 1 EUR

Convertibilité du FCFA Afrique Centrale (AC) avec le franc CFA Afrique de l’Ouest (AO)

Depuis avril 2019 1 FCFA AO = 1,15 FCFA AC

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