LA BATAILLE AHIDJO-MOUMIÉ
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En succédant à André-Marie Mbida au poste de Premier ministre de l’Etat sous tutelle du Cameroun, Ahmadou Ahidjo hérite des deux maquis déclenchés successivement par l’UPC, en réaction à sa non-participation au scrutin législatif du 23 décembre 1956. Il s’agit de celui en Sanaga-Maritime et de l’autre dans l’Ouest du Cameroun, dans la région bamiléké comme on l’appelait à l’époque.

Moumié Félix, Président de l’UPC, de son côté, est en exil depuis sa rocambolesque exfiltration de Douala, après les émeutes du mois de mai 1955, alors qu’il était activement recherché par la police coloniale. Il se trouve précisément au Caire, en Egypte, où il bénéficie du soutien du Président Nasser. Il émigrera en Guinée Conakry, par la suite, où il bénéficiera également du soutien de Sékou Touré, Président de ce pays qui sera le tout premier des territoires coloniaux français d’Afrique noire à être parvenu à sortir du joug colonial.

Entre les deux hommes, la guerre sera impitoyable, Ahmadou Ahidjo détenant déjà le pouvoir à Yaoundé, obligé et protégé de Paris, et Moumié Félix bénéficiant d’une aide multiforme de quelques pays nouvellement indépendants.

Cette guerre s’achèvera par la disparition tragique de Moumié Félix le 3 novembre 1960 ; en clair, le triomphe d’Ahmadou Ahidjo. Mais, avant cela, elle connaîtra plusieurs péripéties.

………………………..

Chapitre IV :

Le coup de pouce de la « Mission de visite des Nations Unies » de 1958 à Ahmadou Ahidjo

Conformément aux accords de tutelle du 13 décembre 1946, les Nations Unies devaient envoyer une « mission de visite », à savoir une délégation de diplomates pour s’assurer de la bonne application des clauses de ces accords.

Il y en aura quatre au total. La première se déroulera au mois d’octobre 19-49, la seconde en 1952, la troisième en 1955, et la quatrième et dernière en 1958. Elles étaient ainsi espacées de trois ans, et produisaient un rapport une fois de retour à New-York.
La mission du mois d’octobre 1958, s’est produite alors que la violence née du scrutin du 23 décembre 1956 faisait rage. Le problème qui était ainsi posé était triple :
1/- le rétablissement de l’UPC ;
2/- l’organisation de nouvelles élections législatives car celles de 1956 ayant été conçues pour écarter l’UPC considéré comme ennemi de la France ;
3/- la levée de la tutelle des Nations-Unies, autrement dit, la proclamation de l’indépendance.

Du point de vue de Félix Moumié :

« … En 1956, conformément aux dispositions de la loi-cadre Defferre, les Français avaient décidé de l’élection d’une assemblée au Cameroun (…). Cette assemblée n’est pas véritablement représentative, il est nécessaire de procéder à de nouvelles élections avant de négocier l’indépendance. En effet, le scrutin s’était déroulé dans un climat de tensions et surtout, avait abouti à l’élection de sept Français parmi les représentants du peuple camerounais. Il n’était ni légitime, ni sage, que des Français participent à l’élaboration de la constitution d’un pays qui n’était pas le leur. Surtout, toutes les tendances politiques du Cameroun devaient s’efforcer de se réconcilier avant d’engager le pays dans un processus politique aussi délicat. Cela impliquait, entre autres, la levée de l’interdiction pesant sur l’UPC ».

Pour Ahmadou Ahidjo, naturellement, il n’était guère nécessaire d’organiser une nouvelle élection, au motif que l’UPC n’avait pas participé à la dernière. L’assemblée de 1956 ayant été élue pour un mandat de cinq ans, il fallait attendre l’année 1961 pour de nouvelles législatives.
Ce débat secouait ainsi l’opinion politique nationale. Il fallait le trancher.
La quatrième et dernière « mission » l’a fait à sa manière dans son rapport.
Extrait du rapport de la mission de visite de l’ONU au Cameroun au mois de décembre 1958 :

« ... Le 13 septembre (1958), M. Um Nyobè, secrétaire général de l’ancien UPC et qui était généralement considéré comme l’âme du mouvement de résistance, a été tué par une patrouille près de Boumnyebel. Sa mort a été regrettée par de nombreuses personnes, même en dehors du mouvement (…) M. Soppo Priso a dit dans une déclaration publique qu’il considérait la mort d’Um Nyobè comme un événement dramatique pour le Cameroun qui, avec l’avènement prochain de son indépendance, attendait plus que jamais le dénouement de sa longue crise intérieure pour une réconciliation nationale où le rôle d’Um Nyobè aurait pu être important (…)Au cours de son séjour dans le territoire, la Mission a eu l’occasion de s’entretenir avec beaucoup d’anciens membres et sympathisants de l’UPC et, des renseignements qu’elle a recueillis auprès d’eux, la Mission a tiré l’impression que ce parti ne constituait plus une force politique importante dans le territoire.

Un certain nombre de dirigeants du parti ont péri dans la lutte et beaucoup d’autres se sont ralliés. (…) Quant à la demande de certains groupes tendant à la dissolution de l’Assemblée législative actuelle et à l’organisation de nouvelles élections, soit pour une nouvelle assemblée législative, soit pour une assemblée constituante, la Mission estime que la question essentielle est de déterminer dans quelle mesure l’Assemblée actuelle est représentative. Pour déterminer cette représentativité, il y a lieu tout d’abord d’examiner les conditions dans lesquelles les élections du 23 décembre 1956 se sont déroulées et ensuite de jauger, dans la mesure du possible, la confiance et la popularité dont cette assemblée jouit actuellement. (…)

La Mission est d’avis que, dans l’ensemble, l’Assemblée actuelle a un caractère représentatif. Il n’existe certainement pas de raison suffisante, de l’avis de la Mission, pour organiser de nouvelles élections générales sous le contrôle de l’Organisation des Nations Unies avant la levée de la tutelle. De plus, la Mission ne voit pas pourquoi de nouvelles élections à l’Assemblée législative devraient constituer une condition préliminaire de l’accession à l’indépendance (…)
Pour les raisons qui viennent d’être exposées, la Mission est persuadée que l’Assemblée générale sera en mesure, en 1959, d’adopter une résolution prévoyant l’abrogation de l’Accord de Tutelle concernant le Cameroun au moment de son accession à l’indépendance le 1er janvier 1960. En conséquence, elle recommande au Conseil de Tutelle de proposer cette mesure à l’Assemblée générale… »

Membres du Conseil de Tutelle lors de l’adoption du rapport :

Australie, Belgique, France, Italie, Nouvelle-Zélande, Grande-Bretagne, Irlande du Nord, Etats-Unis d'Amérique ;

Membres désignés nommément à l'Article 23 qui n'administrent pas de Territoires sous tutelle :

Chine, Union des Républiques Socialistes Soviétiques ;

Membres élus par l'Assemblée générale :

Birmanie, Guatemala, Haïti, Inde, Paraguay, Syrie, République arabe Unie.

En fait, les diplomates onusiens avaient simplement entériné une résolution de l’Assemblée législative du Cameroun ALCAM.
Le groupe de l’Union Camerounaise associé au groupe des Paysans Indépendants, avait proposé l’ adoption d’une résolution fixant la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1960. Celle-ci sera votée par 46 voix pour et 7 voix non, avec pour nombre de votants, 53.
Avaient voté pour :

Aboubakary, Ahanda, Akassou, Amoua, Assale, Babalé, Behlé, Bétoté Akwa, Boyo’o Olinga, Boukari, Champeau, Daicréo, Dissaké Hans, Djoumessi Mathias, Djuatio, Duval, Ekwabi Ewané, Amac, Gueimé, Guyard, Yyawa, Kakiang, Kamnga, Kemajou Daniel, Mohaman Lamine, Logmo Antoine, Malam Yero, Marigoh Mboua Marcel, Marouf, Mindjos René, Mahamadou, Djafarou, Ndoudoumou, Ngaba Ndzana, Ngayewang, Ninekan Paul, Njiné Mivhel, Ntonga Aloys, Obam Ella François, Okala Guy René Charles, Seidou, Sissoko Cheikh, Paul Soppo Priso, Souaibou, Talba Malla, Yadji Abdoulaye.

Avaient voté contre :

Akono Claude, Amougou Nguélé Paul, Manga Bilé, Mballa, Medou Gaston, Tsalla Mekongo, Yakana.

La mission de visite de l’ONU, on le voit, avait clairement pris parti pour Ahmadou Ahidjo, dès lors qu’elle ne trouvait pas fondée la revendication d’un nouveau scrutin législatif au motif que celui du 23 décembre 1956 n’était pas représentatif des courants politiques du Cameroun en ces années-là. Par ailleurs, elle avait retenu la date du 1er janvier 1960 préconisée par le gouvernement Ahidjo, pour la fin de la tutelle, donc de l’indépendance. N’était-ce pas ce pourquoi se battait Félix Moumié ?

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Chapitre VI :

Sékou Touré et Kwamé Nkrumah au secours de Félix Moumié contre Ahmadou Ahidjo au mois de mai 1959

L’Assemblée générale des Nations-Unies ayant voté en faveur des thèses défendues par Ahmadou Ahidjo et la délégation française, les gouvernements guinéen et ghanéen ont décidé de voler au secours de Félix Moumié.
Le 15 mai 1959, Sékou Touré et Kwamé Nkrumah publient un communiqué commun dans lequel ils déclarent mettre tout en œuvre pour que les résolutions de la session spéciale de l’Assemblée générale sur le Cameroun du mois de mars 1959 ne soient pas appliquées, et que des élections législatives soient organisées avant la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1960.
Par ailleurs, les deux leaders décident de demander une seconde fois l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations-Unies, la question du Cameroun.
En réaction à cette décision, le Premier ministre Ahmadou Ahidjo a déclaré :

« La déclaration commune en question n’est pas faite pour étonner, puisque nous savons que la Guinée et le Ghana sont maintenant les seuls Etats africains qui acceptent d’héberger Moumié Félix, que l’Egypte même refuse à cautionner plus longtemps (…) Les intentions de M. Sékou Touré, à défaut d’être pures sont simples : provoquer au Cameroun des troubles à la faveur desquels ses amis auraient une chance de prendre le pouvoir(…) Ce qui est grave, c’est le mépris profond qu’il indique à l’égard des conséquences éventuelles d’ une guerre civile. Le sang versé a peu de prix pour ceux qui assistent au combat en spectateurs. Que M. Sékou Touré et ses amis Moumié et Mbida souhaitent une guerre civile au Cameroun, nous n’en doutons pas ».

L’inscription à nouveau de la question du Cameroun à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU n’ayant pas été possible, Sékou Touré a décidé de désigner Félix Moumié comme expert de la délégation guinéenne aux Nations-Unies pour l’Assemblée générale suivante. Cela allait permettre à Félix Moumié de reprendre les thèmes qu’il avait développés contre Ahmadou Ahidjo et son gouvernement. En clair, il offrait à Félix Moumié la possibilité de réouvrir le débat sur le Cameroun clos au mois de mars 1959.
A ce sujet, le Premier ministre Ahidjo a déclaré :

« Il est possible que M. Moumié qui était déjà habitué depuis à des séjours fastueux à New-York cherche un jour à réapparaître sur la scène internationale de l’ONU, même après la levée de la tutelle et l’accession du pays à l’indépendance.
Evidemment, il n’y aurait aucune audience, son droit de pétition étant désormais impossible ».

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Avant-propos

Chapitre I :
Félix Moumié déclenche la guerre depuis son exil à Kumba le 9 décembre 1956

Chapitre II :
La riposte de Pierre Messmer contre Félix Moumié : arrivée de 1500 militaires français

Chapitre III :
L’entrée en scène d’Ahmadou Ahidjo le 18 février 1958 : début de l’affrontement avec Félix Moumié

Chapitre IV :
Le coup de pouce de la « Mission de visite des Nations-Unies » de 1958 à Ahmadou Ahidjo

Chapitre V :
La victoire d’Ahmadou Ahidjo sur Félix Moumié à l’ONU au mois de mars 1959

Chapitre VI :
Sékou Touré et Kwamé Nkrumah au secours de Félix Moumié contre Ahmadou Ahidjo au mois de mai 1959

Chapitre VII :
La riposte de Moumié finalement à Ahidjo : relance de la guerre au mois de mai 1959

Chapitre VIII :
Une décision héroïque mais aux conséquences dramatiques

Chapitre IX :
Indépendance du 1er janvier 1960 : la seconde défaite de Félix Moumié face à Ahmadou Ahidjo

Chapitre X :
La proposition de paix de Félix Moumié à Ahmadou Ahidjo au mois de février 1960

Chapitre XI :
Le rejet de la main tendue de Félix Moumié à Ahmadou Ahidjo

Chapitre XII ;
Mort de Félix Moumié et déclaration d’Okala Charles Ministre des Affaires Etrangères d’Ahmadou Ahidjo
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