Cameroun, Le CL2P: Construire des ponts dans la politique du jeu à somme nulle
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Cameroun, Le Cl2P: Construire Des Ponts Dans La Politique Du Jeu À Somme Nulle :: Cameroon

Alors que la crise post-électorale s’accentue au Cameroun, il est important de réfléchir à la manière dont la sphère publique est conçue, au rôle de la culture expressive et des intermédiaires culturels, puis à la façon dont les groupes sociaux sont construits et contrôlés afin d’influer sur le pouvoir réglementaire de l’État et la rigidité des traditions.

Cela commence par la dissection du cadavre d’un régime inscrit dans les conceptions traditionnelles de gouvernance et dont le pouvoir repose sur des réseaux clientélistes et patrimoniaux où le président ne sait même pas comment se faire passer pour un personnage fédérateur, et pouvoir au moins tenir plus longtemps qu’il le faut pour lire une déclaration allant dans ce sens. Au lieu de cela, il est enchanté par les louanges et les sirènes unanimistes de ses « créatures », qu’il nourrit de viande rouge, de discours codés à coup d’aboiements de chiens et de tout ce qui pourrait retenir toute l’attention, négative ou positive, sur lui.

Cette dynamique délirante a eu un effet transformateur sur le régime et ses «créatures» – puis ses adversaires, sans jamais se soucier de ses implications sur tous les autres qui ne font pas déjà partie de son équipe. L’opposition légitime, la diaspora, et les médias sociaux sont ainsi passés du statut d’«intoxicateurs» exploités par des acteurs (étrangers) hostiles, à des «ennemis du peuple», tout cela équivalant à une cinquième colonne.

C’est une boucle de rétroaction et de régression qui est assise sur l’hyper-consommation des drogues, de l’alcool, et un pouvoir messianique qui maintient ce régime et ses «créatures» plus accro que jamais à leurs cocons et conneries. Aussi, le danger vient essentiellement des psychopathes et des sociopathes, ainsi que des « créatures » du dictateur qui ne peuvent faire entièrement confiance qu’à eux-mêmes et à leurs familles avant tout, et sont donc prêts à nuire à autrui à cette fin. Des « créatures », comme celles-ci, ne croient en réalité pas en la démocratie, ni en l’état de droit (même si elles s’en référent dans leur propagande) et ne s’entourent que de sociopathes partageant les mêmes idées morbides qu’elles.

Ainsi, chaque jour, se répand insidieusement un sentiment de chaos, un sentiment qu’aucune norme ou règle ne s’applique plus à cette société camerounaise. Et c’est déjà assez grave. Cela n’aide certainement pas. Car le président est censé au moins essayer, mais personne ne sait même plus s’il peut ou ne peut pas faire semblant avec le type de bilan catastrophique qu’il traîne de ses dernières 36 années de pouvoir.

La réalité, cependant, est que le Cameroun est un pays béni et riche, doté d’énormes ressources humaines. Les Camerounais de la diaspora comptent en effet parmi les diasporas les plus prospères au monde. Aux États-Unis, les Africains sont les groupes étrangers les plus éduqués, même devant les «minorités» modèles telles que les Asiatiques. Cela montre que le vrai problème est l’opportunité. Ainsi, les Camerounais ordinaires méritent de savoir de quelle stratégie leur gouvernement dispose pour développer ces opportunités.

Les organisations de défense des droits de l’homme, telles que la CL2P, comprennent que le régime de Biya pratique une politique du jeu à somme nulle depuis 36 ans qui ne nous mène nulle part.

Maintenant, nous avons besoin d’un véritable gouvernement représentatif et légitime étant désormais clairement établi que le Cameroun n’est pas une démocratie, et qu’il ne l’a jamais été. Ce fut une colonie multiple – allemande, française, britannique – avec des maîtres et des serviteurs, à savoir les politiciens constituant l’élite et le reste la plèbe. Nous avons donc besoin d’un gouvernement représentatif efficace, axé sur l’éducation publique et gratuite, les soins de santé de base et hospitaliers accessibles à tous; une assurance santé; un réseau de transport public; une énergie disponible (notamment dans les services publics); l‘eau potable, et la promotion des petites et moyennes entreprises. Donc, essentiellement, un gouvernement qui a pour priorité le bien-être de la population.

En effet, tout le contraire d’un programme économique néolibéral, tel qu’il est soutenu par le régime de Biya et le Consensus de Washington depuis la fin des années 80, qui n’est pas un processus progressiste d’agenda économique, mais un réengagement démocratique radical. Ainsi, la nécessité d’un réengagement démocratique contre le néolibéralisme nous a appris qu’’ «il n’y a pas d’autre solution » que de réduire les impôts, les services publics, puis de laisser les banques et les institutions monétaires institutionnelles nous traiter à leur guise. Pourtant, gouverner ne devrait pas se résumer comme sous Biya à être dirigé par un parti-État avec l’opposition de tous les autres, mais bien à travailler ensemble pour le bien de tous les citoyens et de tout le pays.

Le projet néolibéral a toujours été une couverture philosophique pour le capitalisme de copinage, de cooptation, et de clientélisme; qui a constamment consisté à trahir l’intérêt public en récompensant les intérêts individuels et privés acquis sous son patronage. La démocratie en est toujours sortie pervertie, servant uniquement de mécanisme pour détourner la fonction naturelle d’une économie – c’est-à-dire répartir équitablement les biens, les ressources et les services. Il en découle pour toute la société que l’économie devient le levier pour favoriser le bien-être de quelques-uns au détriment du grand nombre.

La culture égoïste du néolibéralisme – le culte de l’individu qui nie le bien commun – imprègne de la sorte tous les aspects de la vie du Camerounais en tant que nation – entreprises, politique, sport, éducation et santé – déniant et évinçant l’esprit public, le service désintéressé, et bien-être sociétal.

Pour qu’un changement significatif se produise, il faut une renaissance de la conception du bien public, ainsi que de la vertu, et la nécessité d’agir pour le réaliser.
Cependant, à ce stade, il n’y a pas de reconnaissance commune et consensuelle sur la nature du problème camerounais, encore moins sur la façon de le réparer. Pour que cela se produise, il doit exister un récit largement accepté et partagé qui mène naturellement à ces actions concrètes, celles qui doivent être entreprises pour réparer les dommages causés par la corruption néolibérale: réduire les inégalités économiques, restaurer la démocratie, et rétablir le sens de la cause commune.
Un changement fragmentaire ou cosmétique ne suffira certainement pas à concrétiser la transformation radicale qui doit se produire dans tous les segments de la vie en société au Cameroun. Il ne suffit pas de taxer les multinationales, de créer une commission nationale ou fédérale vérité ou de l’intégrité, de bâtir un avenir renouvelable, ou de passer à la représentation proportionnelle.

Nous ne traitons donc pas simplement ici avec un nouveau programme économique. Dès le début, il a été conçu et construit pour être bien plus que cela – c’était en fait une opération à la fois pédagogique et psychologique visant à changer les esprits d’une génération à l’autre en ce qui concerne le capitalisme de marché libre et non faussé ; puis à orienter ainsi toute pensée. Il s’agissait d’une simple politique monétaire ou commerciale. Bien sûr, cela devait être fait avec beaucoup de répression et d’oppression, d’injustices sociales, soutenu çà et là par différents types de Programmes d’ajustements structurels.
Le triomphe du néolibéralisme est ainsi un effet de cette pédagogie au fil du temps et nous avons tous été scolarisés dans sa « normalité ». Il ne reflète, ni un désir naturel pour celui-ci, ni un choix éclairé.

Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
http://www.cl2p.org 

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