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© Correspondance : Adrien Macaire Lemdja
- 27 Aug 2018 15:33:00
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Cameroun: QUEL PROFIL PRESIDENTIEL 2018? :: CAMEROON
A une question que lui posait un journaliste français lors de la conférence de presse post visite du Président François Hollande au Cameroun, le 03 Juillet 2015, le Président Paul Biya indiqua « Qu’il était arrivé au pouvoir par la voie des urnes, qu’il avait battu ses adversaires….. Ne durait au pouvoir qui voulait mais qui pouvait ….. Que les élections étaient lointaines mais certaines, qu’il ne savait pas s’il se représenterait »
Aujourd’hui nous y sommes. Les élections présidentielles sont programmées pour le 7 Octobre en dépit de la volonté de certains de la voir ne pas se tenir ou de les reporter.
Idem pour la candidature du locataire actuel du Palais d’Etoudi.
Depuis la convocation du corps électoral, les états-majors des formations politiques sont en branle. Sur les 23 dossiers de candidature déposés à Elecam, 9 ont été retenus puis validés par le Conseil constitutionnel nouvellement mis en place et pourtant prévu par la constitution de 1996.
8 challengers contre le titulaire de la fonction. 8 challengers qui doivent mobiliser les électeurs (environ 6 millions sur un potentiel de 13 millions) pour voter en faveur de l’un d’eux, à la majorité simple, dans un scrutin à un tour contre un Président-candidat, au pouvoir depuis 36 ans avec un bilan à défendre et certainement des perspectives à proposer
Descendra-t-il dans l’arène pour défendre ce bilan que ses adversaires qualifient de médiocre ou laissera-t-il cette tâche à ses camarades et collaborateurs, évitant ainsi d’accorder un poids politique à ses opposants ?
Il est fort à parier, que la polémique sur sa présence sur les plateaux TV face à ses adversaires risque de faire long feu, au regard de sa légendaire posture, du caractère à un tour du scrutin et enfin de l’absence, pour l’heure, d’une personnalité de l’opposition soutenue par une large coalition.
Pour autant, l’heure du bilan, des perspectives d’un côté et des projets de société, programmes alternatifs de l’autre, est arrivé.
Les choix cruciaux pour l’avenir de notre pays sont inévitables au regard de nombreux défis que doit relever notre pays. La sécurité, l’unité, la stabilité, la paix, la prospérité pour ne citer que ceux-là.
Dans moins de 6 semaines, sauf imprévu, nos compatriotes seront appelés à choisir leur futur président de la République pour un nouveau septennat. En dépit de la proximité de l’échéance, aucun parti (majorité et opposition comprises) ne se donne de réels moyens de présenter en détail, point par point, son projet, son programme et de l’expliquer encore moins aux Camerounais, les partis d’opposition, faute sans doute de ressources matérielles et humaines et le Rdpc, comptant sur le travail et les actions en cours du gouvernement jusqu’à la fin de la mandature.
Tout se passe comme si l’actualité, à travers les nombreux sujets brûlants, ne leur permet pas de décliner, par petites touches, leur programme.
Encore faut-il s’entendre sur le contenu d’un programme. Il ne s’agit pas d’un catalogue de projets sans architecture, ni articulation encore moins de moyens de financement chiffrés et de durée.
Fort de ce constat, les partis d’opposition pourront-ils, en 15 jours de campagne, surmonter leurs handicaps face à la machine politico-administrative du parti au pouvoir d’une part et briser le scepticisme de nos compatriotes quant à la liberté et la transparence du processus électoral d’autre part? Si oui, comment et avec quels moyens?
Comment ne pas douter lorsque les challengers, en lieu et place d’une coalition la plus large possible qui serait la surprise du chef, se tirent déjà les balles dans les pieds ou les tirent sur leurs compagnons supposés de route ?
Si ce n’est pas le cas, n’assisterons-nous pas aux candidatures dites de témoignage, de positionnement pour prendre date avec l’avenir, ou d’accompagnement à la crédibilité de cette élection? Mais au-delà du bilan et des programmes politiques (1) des uns et des autres, une élection présidentielle est, avant tout, l’occasion d’une rencontre entre un candidat et le peuple avec lequel il scelle un contrat ou un pacte. Les débats sans enjeux et impacts politiques auxquels les Camerounais sont conviés actuellement, les détournent d’une des questions essentielles, celle de savoir quel doit être le portrait de leur Président pour les sept prochaines années. Y répondre permettra certainement l’écrémage nécessaire et indispensable de la liste des prétendants. Liste dans laquelle des candidatures folkloriques concourent non seulement à banaliser l’enjeu, mais à décrédibiliser aussi la fonction présidentielle.
1°) Un président capable d’engager les mutations et transitions qui s’imposent à notre société.
Cela suppose une stature de visionnaire, de général qui conduise ses troupes mais non ne les suit pas obligatoirement. Capable d’aller à l’encontre des pulsions émotionnelles d’une partie de son peuple, quitte à perdre à court terme des voix mais dans l’intérêt général du pays.
Si le général de Gaulle avait dit OUI à l’Algérie française, que serait devenue la France aujourd’hui? En somme un homme doté d’une vision et d’un cap en lieu et place d’un consensus mou aux allures de compromissions populistes.
Le printemps arabe qui a bouleversé la donne en Afrique du Nord et emporté, comme un tsunami, les régimes des présidents Ben Ali, Hosni Moubarak à l’époque d’une part et les crises ivoirienne et libyenne d’antan d’autre part ont déjà démontré la vacuité des fondements qui sous-tendent et accompagnent les analyses d’observateurs, mais pire la démarche de certains représentants de la communauté dite internationale, sur les objectifs à atteindre. Les options choisies pour la résolution des crises en Côte d’Ivoire tout comme celle en lévitation en Libye, laissent croire, à tort, qu’une simple opération de chaises musicales, au sommet de nos États, suffiraient à garantir la démocratie, la liberté d’une presse responsable, le respect des droits de l’homme, la liberté et la transparence des processus électoraux.
Les sorties hasardeuses et irresponsables de plénipotentiaires étrangers ne risquent pas de provoquer un effet d’entrainement tant le monde a désormais le recul sur les effets néfastes de ces actions exogènes.
Imaginer le contraire est en soi un rêve, pire le souhaiter est une faute politique grave aux conséquences incalculables. La Syrie affronte, depuis plusieurs années, son printemps meurtrier, animé au départ entre autres par une bloggeuse lesbienne que l’on croyait syrienne de nationalité, mais qui révéla sa véritable identité d’étudiante américaine. Pendant que les mêmes s’enlisent en Libye, le pauvre peuple syrien, appelé à se rebeller, subit à huit clos une guerre terrible.
Et si un mouvement de révoltes populaires s’emparait simultanément de plusieurs pays subsahariens, comme le souhaitent avec irresponsabilité et désinvolture, nos fameux « amis » de la communauté internationale, pourront-ils intervenir sur les théâtres? Nous en doutons.
Les Américains n’interviendront surement pas, forts instruits de leur débâcle, après l’opération Restore hope en Somalie, encore moins les britanniques malgré leurs dernières interventions en Sierra Leone et celle ayant eu cours, en Libye, dans le cadre de l’Otan et difficilement la France qui est au bord de la rupture tant les moyens qu’elle déploie à l’étranger saturent déjà.
À qui profiterait un tel scénario cauchemardesque en Afrique subsaharienne?
Imaginer qu’une telle mutation, reposerait sur les épaules d’un seul homme, même avec l’appui d’une certaine communauté internationale, dont les membres n’ont jamais brillé, par leur cohérence, reviendrait à croire au père Noel sans retenue.
Le problème auquel l’Afrique est confrontée ne se résume pas aux femmes et aux hommes qui dirigent nos États, mais plus à l’absence d’institutions fortes.
Le mirage de l’homme providentiel, de l’homme messianique, encouragé par le culte de la personnalité, construisent, entretiennent et renforcent l’idée que l’on ne pourrait vivre individuellement et collectivement sans la présence de celui-ci. Or, tout doit être le contraire, dans la construction d’une œuvre, qu’elle soit patrimoniale ou politique, à l’échelle de sa cellule familiale ou d’une nation.
Peut-on, un seul instant imaginer un homme préparant le chaos, le déluge pour sa famille, après sa disparition ? Ne doit-il pas laisser sa progéniture, à l’abri du besoin, dans un havre de paix, dans la stabilité?
Y a-t-il une différence, quant aux objectifs sus-évoqués, entre un père de famille et un homme d’État, visionnaire, qui souhaite laisser son empreinte à la postérité? Qui mieux qu’un père dont la vie est bien remplie, dont la sagesse est acquise, dont l’autorité est incontestable et incontestée dans la famille, dont l’avenir se trouve derrière lui, peut relever autant de défis, pour mettre sa progéniture sur les bons rails?
Le futur Président devra donc conduire la mise en place de nouvelles institutions qui garantissent davantage l’expression du suffrage universel, à travers des élections libres et transparentes dans un processus électoral amélioré de façon consensuelle.
Il s’agit de la cour des comptes; des assemblées régionales permettant de rapprocher les citoyens de leur exécutif local d’une part et de conférer plus de légitimité à ce dernier; de trancher le débat sur la forme de l’Etat de préférence (au regard des velléités sécessionnistes et de l’environnement régional instable) par une régionalisation dans un état unitaire fortement décentralisé avec des moyens qui l’accompagnent, un scrutin présidentiel à deux tours; de la possibilité, pour les Camerounais vivant à l’étranger, de participer à la vie politique de leur pays, à travers l’éligibilité à des fonctions électives telles que les sénatoriales; l’application de l’article 66 de la constitution instituant la déclaration, par les gestionnaires de la fortune publique, de leur patrimoine; de l’indépendance réelle du pouvoir judiciaire, de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire; de la césure entre l’État et le parti au pouvoir; d’une expression pluraliste dans les médias d’État.
Un tel chantier qui entrainera la fin des passe-droits, des protections et des prébendes, inquiète assurément une kyrielle de personnes dont l’ouverture, la transition ou les mutations, pourraient conduire dans les vestiaires de la République, reléguer au rang de supplétifs, de réservistes de notre nouvelle République et même pour certains, peupler les nouvelles « poubelles » de notre histoire collective qui seront créées à coup sûr.
Cette crainte compréhensible, ne pourrait se diluer rapidement que si le futur Président, par sa connaissance des institutions, des rapports de forces en présence, son autorité, sa maîtrise des hommes, sa capacité à manager les différentes compétences, son habilité à déminer le terrain sans vagues, à gérer les conflits de toute nature (générationnelle, ethnique, linguistique, etc…) réussit à opérer la transition et les mutations de notre société dans la paix, la stabilité, l’intégration harmonieuse de toutes les composantes de la nation.
2°) Un président garant de la paix, la stabilité, la cohésion sociale puis de la continuité de l’Etat pour une prospérité palpable par tous.
Quel que soit le prochain locataire du palais d’Etoudi, il devra relever ces défis. Le Cameroun n’est pas un pays en guerre au sens stricto-sensu, mais sa paix et sa stabilité semblent fragiles. Tout laisse croire, à tort ou à raison, et ce, en dépit de la méthode Coué employée par les uns, qu’il suffise d’une étincelle pour que notre paix notamment sociale se mue en guerre larvée ou paix armée.
Les attentes sont grandes, les frustrations sont nombreuses, les craintes exponentielles, les appétits multiformes, les rancœurs et rancunes tenaces. Rien ne nous garantit que tous les acteurs de la scène politique actuelle (majorité et opposition) soient animés d’idéaux de paix, de cohésion sociale, de stabilité, dans leur combat de préservation ou de conquête du pouvoir.
Sauront-ils transcender leurs clivages, mettre l’intérêt de la nation au-dessus de leurs intérêts égoïstes, partisans? En tout cas, le peuple devra être vigilant pour rappeler à l’ordre ceux qui pourraient jouer les apprentis pyromanes en espérant l’intervention de pompiers internationaux non bénévoles.
Qui mieux encore qu’un candidat, maîtrisant les arcanes de celui-ci, ayant non seulement la
stature d’homme d’État, mais aussi l’aura, l’expérience diplomatique et/ou une connaissance des réseaux qui influencent la marche du monde, nécessaires pour maîtriser et contenir les pressions internationales, peut mettre tout le monde d’accord, grâce tantôt au bâton tantôt à la carotte?
Qui mieux que lui, peut garantir la continuité de l’État, sans une chasse aux sorcières (un spoil system brutal) qui pourrait compromettre la cure que doit subir impérativement notre pays? Un Président de rupture, mais qui préserve néanmoins les acquis fondamentaux de notre société.
Bien qu’un gouvernement d’union nationale soit évoqué ça et là, après cette élection, quel que soit le vainqueur, il ne me semble pas idoine. En revanche un gouvernement de large OUVERTURE, serait meilleur.
Pourquoi ? La mise en place impérieuse, pour une période de 2 ans assortie d’une feuille de route claire et précise, d’un gouvernement consensuel de transition, dirigé par une personnalité choisie par les trois parties que sont le parti au pouvoir, l’opposition politique et les acteurs de la société civile, est-elle une solution qui permettrait d’assurer une transition calme? Nous ne le croyons pas, car un tel gouvernement serait le fruit de tractations politiciennes qui nous renverrait aux « combinaziones » italiennes. Nul n’a oublié la tripartite. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Rien n’a changé dans les mentalités encore moins dans l’appétit vorace de certaines personnalités dont la seule ambition est d’avoir un maroquin ministériel. Une telle troïka nous servirait à nouveau un plat indigeste auquel les Camerounais ont goûté pendant les années de « braise » et dont ils paient encore aujourd’hui les conséquences.
L’expérience de la présence des partis dit d’opposition au sein du gouvernement au Cameroun, même avec à la clef un contrat de gouvernement, ne plaide, non plus, en faveur d’une telle expérience parce que nos hommes politiques n’ont jusqu’ici pas acquis une culture de gouvernement unioniste ou consensuel qui préserve également leurs sensibilités d’une part et en raison de la tendance naturelle du parti majoritaire à phagocyter ces partis d’opposition d’autre part.
S’il est vrai que la mise en place d’institutions solides, fortes, impartiales nécessitera un consensus de toutes les forces vives de notre pays, il n’en demeure pas moins que l’on ne saurait tuer notre démocratie naissante en instillant la confusion dans l’esprit de nos concitoyens, à travers un gouvernement consensuel de transition « canada dry » c’est-à-dire ayant l’odeur d’un consensus sans en avoir le goût ni la saveur. Le risque étant de finir au mieux dans une « sauce gombotique » et au pire dans un « panier à crabes ».
Une majorité doit exercer le pouvoir et l’opposition doit critiquer, proposer. Les conditions doivent être réunies afin que les élections libres et transparentes puissent se dérouler et permettre l’alternance lorsque le peuple souverain le désire.
Notre avenir et notre destin nous appartiennent. Ils ne sauraient être confiés, par procuration, à d’autres. Cessons d’être spectateurs, mais acteurs de l’évolution de notre pays. Nos amis, partenaires et tutti quanti, quelle que soit leur empathie, ne pourront mieux défendre nos intérêts que nous-mêmes.
Il est donc temps d’agir c’est-à-dire de retirer sa carte d’électeur pour voter massivement le jour dit pour le candidat capable de préserver la paix, la stabilité, la cohésion sociale et la sécurité indispensables à tout projet sérieux de prospérité sous peine de se réveiller prochainement avec la gueule de bois. Si tel n’est pas le cas, ne soyez point étonnés, à votre prochain réveil, que les jeux soient malheureusement faits avec une incidence non négligeable sur le cours de votre vie et celui de votre progéniture.
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