Je suis Camerounais, je suis un sabitou
CAMEROUN :: SOCIETE

Je suis Camerounais, je suis un sabitou :: CAMEROON

Aujourd’hui, je n'ai pas envie de rire. Une autre race d’aliens que j’observe ces derniers temps chez nous me met en colère : nos intellectuels ou prétendus tels. Autant le Cameroun regorge de savants, de vrais, autant la sphère de la pensée est prise en otage par des personnages sans épaisseur qui me font regretter des grands noms de ce pays.

GROMOLOGUES RÉCURRENTS

Ils se reconnaissent d’emblée à leur pédantisme linguistique, ce qu’on appelle chez nous la gromologie, la culture des mots savants. Ce réflexe du colonisé qui, en maniant la langue du maître avec autant sinon plus de dextérité que lui, se veut son égal. Il faut les écouter dans les médias, se fendant de longues tribunes soporifiques ou passionnées dont l’intérêt pratique est quasiment nul. Ils chutent, ils sont de disance, ils font des overdoses d’imparfait du subjonctif quand on ne leur demande que d’être précis.

MASTURBATEURS COMPULSIFS

L’intellectuel camerounais se considère comme tel, d’abord à cause de ses diplômes. Aucune phrase qu’il ne commence sans vous rappeler que la théorie qu’il va énoncer lui a été dictée sur les bancs patinés d’histoire de la Sorbonne, de Cambridge ou de je ne sais quel bled perdu dans la brume européenne. Il est expert dans des disciplines abstraites : sciences politiques, sémiologie, politologie, sémiotique… Comme dit ma mère, les sciences des gens qui n’ont plus faim. Osez mettre en doute leur savoir livresque et ils débarquent à la télévision, traînant derrière eux leurs cantines de parchemins, montrant à qui veut les voir ce qu’ils considèrent comme leur trésor : du papier, des signatures, du vide. Ils larmoient, s’extasient, jouissent en citant leurs titres académiques supposés ou réels.

AVOCATS ÉTERNELS DU ROI LION

Aussi curieux que cela paraisse, cette race d’intellectuels qui, très souvent, est engagée politiquement (ce qui ma foi est normal) ne critique jamais le Roi Lion, notre bon roi. Ils critiquent le système, accusant l’entourage de « tromper » le Roi. Je me suis toujours demandé comment un roi qu’on a trompé aussi longtemps pouvait prétendre diriger un peuple…

ENFONCEURS DE PORTES OUVERTES

Curieusement, l’intello camerounais essaiera toujours de vous faire avaler ce que vous savez déjà : la Cameroun va mal. A qui faut-il expliquer qu’il faut faire le tour de Yaoundé pour avoir du gaz domestique ? Que les robinets de mon quartier sont à sec depuis deux ans environ, qu’il n’existe aucune politique de transport public dans notre cité, que Eneo joue avec nos nerfs, qu’on va à l’hôpital seulement pour crever, que certains Camerounais ont tellement honte de leur salaire qu’ils ne l’évoquent jamais ! S’il faut limiter la pensée à la dénonciation, alors, nous sommes tous des intellectuels.

PRENEURS D’OTAGE

Que vous écoutiez la radio, regardiez la télé ou lisiez la presse, vous les retrouvez. S’épanchant dans des tranches qu’ils monopolisent, justifiant à grands coups de gueule artificiels l’illusion de la liberté d’expression et de la démocratie et se posant comme caution morale d’un pouvoir ayant échoué. Sérieusement, je me suis toujours demandé s’ils n’avaient pas un budget à ces fins. Faites le tour des chaînes de radio de Yaoundé. Vous les retrouverez intervenant le matin sur les débats de société, discourant le week-end dans les arènes politiques, aux côtés d’un peuple trop heureux de « causer avec les grands » pour se rendre compte que ceux-ci sont dans leur rôle de distraction.

SABITOU/SABIALL

Les sabitou sont les gens qui savent tout sur tout. A côté d’eux, les sophistes sont des enfants de coeur. L’intellectuel camerounais est un sabitou. A 11 h, il est au téléphone sur Magic FM et nous explique pourquoi l'Epervier va attraper x ministre. A midi, le voici intervenant sur RTS pour nous dire que si les chiens ont disparu des rues de Yaoundé, c’est parce que les Chinois les mangent. A 15 h, il déblatère sur l'homosexualité dans le milieu artistique camerounais en direct de Sky Radio. La journée terminée, on croit qu’il va se taire. Que non. Le soir, il vient squatter les talk-show télévisés pour parler… de lui. Quand on croit que tout est terminé, on le retrouve dans les journaux du lendemain, sans qu’on sache comment, il est devenu expert en "pratiques sexuelles des footballeurs professionnels, pour avoir lu le "livre" d'une vendeuse de piment repentie. Tout ça, à des années lumière de son champ de compétence. Hé! Mon frère! Tu sors la nuit camer.be?

Et puis, il y a les néo-panafricanistes, la génération Afrique médias. Je leur consacrerai une tribune spécifique. Ils le méritent. Cinquante ans après des indépendances bradées, voilà où on en est. On ne construit rien, on aboie et chacun se complait dans cet aboiement qui dessert notre patrie et arrange les vampires qui la sucent. Voilà pourquoi dans un pays où le choléra sévit encore de manière endémique, où l’urbanisation galopante se fait sans plan directeur, où l’hygiène et la salubrité sont un défi perpétuel, un pays où on meurt trop souvent en donnant la vie, où des zones entières sont privées de courant et d’eau alors qu’il suffit de se baisser pour en trouver, oui dans un pays où tant de scandales sont visibles sans besoin de creuser, les seules thématiques qui réveillent les consciences endormies n’ont aucun intérêt social, voire pratique : Nathalie a écrit Koah? Une réorientation des priorités orchestrée par un pouvoir soucieux de voir l’opinion nationale détournée des vrais enjeux de son temps. Une stratégie mise en oeuvre par nos « intellectuels », des hommes qui occupent le haut du pavé, des pions d’un système, des animateurs qui essaient de nous faire avaler une utopie : le mirage du Renouveau. Peace !

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