Je suis Camerounais, je colle la petite
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Je suis Camerounais, je colle la petite :: CAMEROON

Ces derniers temps, allez savoir pourquoi, j’attire les « neo afroféministes » ne me demandez pas ce que c’est, faites comme moi: devinez ou faites-vous votre définition, même si c’est un raccourci. Ce fut encore le cas hier soir. Je buvais tranquillement une bière en compagnie d’un ami sur une terrasse (les Parisiens appellent ça résister), donc, nous résistions, lui face à une 33 Export et moi face à ma traditionnelle Castel, lorsqu’une de ses amies nous rejoint.

Le gérant du bar qui, à l’image de tous ceux de Yaoundé, croit que le silence est une malédiction pour les clients, a eu la malheureuse idée de lancer « coller La petite », vous savez, le désormais tube de l’artiste Franko et qui a tant fait parler de lui, entre autres, suite à une censure préfectorale aujourd’hui levée.

Comme il fallait s’y attendre, déviation du sujet de la poitrine, amorti de biais, tir et au final nous voici en train de discuter de la place de la femme dans l’imaginaire des mâles camerounais. Tout y est passé. Des éternels poncifs sur le machisme atavique des Camerounais à la « culture phallocratique de l’obscénité basée sur une dégradation de l’image de la femme »… J’ai seulement regardé mon ami avec une question dans les yeux « mon ami je dis hein? Tu les trouves souvent où? ».

Je n’ai pas eu la force de discuter, certains combats sont perdus d’avance et il vaut mieux lâchement se cacher derrière un billet de blog comme moi pour les mener. De la culture de l’obscénité basée sur une dégradation de l’image de la femme De ce que j’ai compris, dans la chanson « coller la petite », au-delà du refrain plus ou moins explicite, c’est surtout un certain couplet qui a fait jaser: C’est ta soeur? C’est ta cousine? C’est ta tante? Dis-donc! Colle les bêtises…

On a tout entendu: Apologie de l’inceste, incitation au viol, blablabla, blablabla. Tandis que les vues Youtube s’envolaient et qu’une start-up lui consacrait même un jeu video, le colleur de petites rejoignait dans l’esprit de certains le panthéon des chansons «déviantes», détournant la jeunesse et avilissant le genre féminin, juste avec son texte volant au ras des sissongos. J’ai ri. Mais alors vraiment ri. Personnellement, J’ai l’impression qu’on refuse à Franko son droit à l’obscénité (yeuye! moi-même je me surprends hein?) à cause justement de sa masculinité. Oui, là encore une querelle vieille comme l’Humanité.

Petit rappel: avant que les chanteurs de musique urbaine n’envahissent le terrain de la vulgarité et de l’obscénité assumée ou pas, celui-ci n’était pas vide hein? Nos artistes de bikutsi y régnaient en maîtres. Il faut néanmoins remarquer que le bikutsi n’a jamais réclamé un quelconque côté prude ou chaste. C’est juste que l’essentiel du « bikutsi porno » d’époque ne se chantait pas en français. Le miel des langues beti assurait la digestion. Les bosses, trous, turgescences et autres, étaient quasi intraduisibles en français. En outre, le maniement de la métaphore perdait les non-initiés. Puis un soir à Mvog Atangana Mballa, K-Tino rencontra Molière et la suite tout le monde la connaît: Si tu touches à ma chatte, ne touche pas à sa queue. Chacun y a perçu sa dose de métaphore…

Eh Ah! K-Tino, autoproclamée « la femme du peuple » et adoubée comme tel – si on s’en tient au succès fulgurant de ses problèmes charnels mis en musique - par les Camerounais. En effet, les plus grands chantres de cette musique dite du bas-ventre ne sont pas forcément des hommes hein? Avec la vraie fausse conversion de KTino au pentecôtisme suite à sa rencontre avec Jésus, de jeunes louves aux reins élastiques ont pris la relève. Avec pour nouvelle chef de file la bien nommée Lady Ponce, ces jeunes dames ont assis dans l’imaginaire collectif cette caricature de la femme camerounaise, ménagère à l’entrejambe surchauffé, qui cuisine des plats épicés pour son homme en rêvant aux tortures à infliger à ses rivales, barrières dans la quête ultime de sa vie: le mariage.

Ces hymnes ont même produit des axiomes aujourd’hui célèbres dans notre société hein? L’homme c’est l’homme tant que ça se lève (on ne parle pas de drapeau) L’homme c’est le ventre et le bas ventre (nous on comprend: la femme c’est une cuisinière et un vagin). A écouter les productions de ces reines du bikutsi on croirait avoir affaire à des chevalières de la cuisse ronde dont l’unique quête est celle du St Phallus. Vision évidemment non représentative du reste de la population féminine camerounaise. Quoique… Les chevalières de la cuisse ronde sont adoubées moralement par le Peuple, mais aussi les plus hautes instances de notre Nation hein? Quand il y a fête chez le Père de la Nation ce ne sont pas des pingouins débitant des trémolos de musique classique qu’on invite hein? Mais bel et bien nos amazones du bikutsi qui ne viennent jamais sans leurs refrains épicés très appréciés en haut lieu: « s’il te plaît ô ô ô ô ô Lève toiiii!» (ça passe tant qu’on ne parle pas de se lever du trône d’Etoudi).

Comparaison n’est pas raison, mais sachons raison garder. Je ne suis pas chantre du « laissez Franko, on a entendu pire », Je constate juste: chaque société adoube ses héros, mais produit tout autant ses monstres. A défaut de leur construire des cages, elle doit supporter de les voir manger ses enfants. Oui le peuple a choisi ses héros. «Coller la petite » est chanté de Yaoundé à Pointe-à-Pitre, mais la phrase « colle les bêtises » dans la bouche d’un enfant se déhanchant sur un plateau de kermesse scolaire met toujours mal à l’aise. Les albums de Petit Pays du milieu des années 90 furent pour la plupart censurés à la télévision et à la radio, mais étaient dansés dans toutes les boites de nuit et avaient les meilleures ventes. La pudeur était sauve, le ndjoka tout autant…

Epoque révolue. Désormais, dès le berceau, les gosses assimilent cette rhétorique dégradante et abêtissante, véhiculée en chansons. Mais posons-nous les bonnes questions: Qui invite les « chanteurs pornos » dans les écoles? Les éducateurs. Qui farote les enfants qui chantent avec brio « j’ai envie de faire »? lors des kermesses? Les parents. Qui s’en fiche? Tout le monde. Oui, c’est le Choix du Peuple. Il y a quand même de bonnes nouvelles hein? Après Lady Ponce, Coco Argentée et Mani Bella, une chose est certaine: l’hymne de la journée internationale de la femme cette année sera « coller la petite » de Franko, un titre écrit et interprété par un homme; c’est pas beau la parité? D’ailleurs j’ai précisé à mon interlocutrice hier soir que je trouvais de bon ton de rebaptiser le 8 mars « journée internationale du collage de petites ». Les femmes étant en avance sur Franko sur ce point-là… J’ai failli me faire gifler.

A mon amie « afroféministe » auto déclarée, j’ai aussi donné un conseil: jeter l’anathème sur un individu ou une chanson précise n’est pas la bonne méthode. « Coller la petite » est l’arbre qui cache la forêt et si certaines revendications sont légitimes, beaucoup ont profité du buzz pour y accoler leur nom et se faire une pub gratuite. Dans presque tous les pays du monde on chante de façon plus ou moins intelligente les fesses, les chattes (animaux ou pas) avec des paroles et des images explicites ou non. Le souci est l’encadrement de la diffusion, la protection de l’enfance face à des messages souvent choquants, mais surtout l’éducation des parents à une notion trop souvent ignorée chez nous: le contrôle parental. Plus qu’une chanson, c’est effectivement un problème de société. Dans les rues de Yaoundé par exemple, vous avez sûrement déjà été témoin de ce spectacle insolite. En plein après-midi, une société de paris, le PMUC, promène sur le plateau d’un camion une jeune femme au derrière proéminent.

La vénus bantoue pointe son énorme arrière-train vers le trottoir et devant les regards concupiscents des passants mâles (la cible) le fait remuer au son d’une sono tonitruante et des hurlements d’un MC qui annonce que l’hippodrome d’Enghien accueille le grand prix de l’imbécilité et qu’il ya 10 Millions à gagner. La caravane parcourt les artères embouteillées de la ville. Ecoliers, lycéens, sauveteurs, tout le monde y a droit. Tout le monde rit en pointant les deux hémisphères monstrueux qui se livrent à une vraie tectonique des plaques fessières. Tout le monde est content. Pas de préfet pour l’interdire, il donne plutôt des autorisations, il paraît que c’est du marketing. Ngimbis, tu te plains? C’est ta cousine? C’est ta soeur? C’est ta tante? C’est son choix non? Le choix du peuple, comme pour l’Autre… Je ne sais pas comment on va y arriver mes chères lianes, mais si vous créez le mouvement « ni collée, ni petite », sachez que vous aurez tout mon appui. Bah! En attendant, souffrez que je colle, je fais partie de ce peuple qui a fait son choix non? Coller coller coller colller.. Coller la petite. On est ensemble!

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