Lutte contre Boko-Haram : Les abus des forces de sécurité se multiplient
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Au nom de la traque des membres de la secte, les exactions se multiplient. Bastonnades, humiliations et sévices corporels…

Vendredi 24 juillet 2015. Il est 17h20 mn à Maroua, au lieu-dit carrefour Para. Des policiers et gendarmes s’en prennent à la mère d’un nourrisson. Elle est presque dénudée. Il lui est reproché de ne pas s’exprimer en français et de détenir une carte nationale d’identité qui expire le 26 juillet 2015. La dame se rendant à Figuil est priée de descendre du bus et sommée de s’assoir à même le sol. Elle est palpée par les membres de cette équipe. Alors que la jeune dame est en train de s’assoir, elle est poussée par l’un des policiers. Un gardien de la paix. Il est aidé par un inspecteur de police. « Tu ne vas pas nous apprendre notre travail. Ta Cni est périmée et tu es en infraction », lance-t-il. Humiliée et brimée, elle sera libérée après  avoir payé la somme de 6500FCFA. Des cas similaires se multiplient dans la région de l’Extrême-Nord. Le mardi 05 août dernier, un conducteur de moto interpellé par des militaires du Bir et de la gendarmerie est roué de coup, trainé au sol sur plusieurs mètres et ligoté.

Alhadji Issa Balarabé, transporteur et président du Syndicat des conducteurs de moto taxi dans la ville de Maroua va sortir de sa réserve demandant au gouverneur de l’’Extrême- Nord et aux responsables des forces de défense et de sécurité de cesser ces abus. « La lutte contre Boko Haram se fait avec tout le monde. Je crois que les abus contre les conducteurs de moto taxi et les populations civiles doivent cesser. Cela risque de créer un fossé entre la population et nos forces de défense et de sécurité », prévient-il. Le délégué régional de la Sureté nationale pour l’Extrême-Nord quant à lui dit attendre les plaintes des cas d’abus et de racket des policiers. « Nous entendons qu’il y a des abus des policiers mais personne ne vient se plaindre. Qu’allons-nous faire ?», s’interroge Eric As’a Ché.

Le commandant du 1er Bir de l’Extrême-Nord à Maroua assure que les abus portés à sa connaissance sont sanctionnés, selon le code de conduite militaire. Il ajoute que parfois ses hommes sont provoqués par la population et ceux-ci réagissent en légitime défense. « Il y a un Tribunal militaire et un règlement au sein de notre corps. Nous appliquons le règlement contre les militaires accusés d’abus si les faits sont portés à notre attention », jure-t-il.

25 plaintes

Pourtant, près de 25 plaintes ont été déposées contre ses éléments à la compagnie de gendarmerie de Maroua et auprès du gouverneur de la région de l’Extrême-Nord. Le dernier cas en date est celui d’un groupe de soldats du Bir accusés d’avoir poignardé mortellement un étudiant de l’Ens de Maroua dans un snack de la ville. Il était reproché à Dieudonné Dinamou, étudiant en 3ème année géographie, d’avoir réprimandé l’une des serveuses du snack. Après leur crime, les quatre militaires ont purgé une peine de privation de liberté de 20 jours et sont depuis quelques jours affectés dans une autre unité légère d’intervention (Uli) du Bir hors de la région. Le gouverneur de l’Extrême-Nord, Midjiyawa Bakari parle de brebis galeuses et promet que « les cas d’abus sont minimes et sont sanctionnés selon la règlementation en vigueur », explique-t-il.

Il réitère avoir toujours condamné les cas d’abus. A Garoua, c’est à l’esplanade des services du gouverneur que des policiers des Esir ont passé à tabac un jeune homme venu faire légaliser ses diplômes. Celui-ci était accusé d’avoir réclamé sa pièce d’identité aux policiers qui l’ont confisquée. Un autre a failli passer de vie à trépas n’eut été l’intervention d’un sous-préfet de la ville de Garoua qui passait par là. Des gendarmes du Groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie nationale (Gpign) de Garoua l’accusaient d’accointance avec Boko-Haram et de détenir une fausse carte d’identité. Dans la ville de Ngaoundéré, les communautés nigériane et tchadienne sont victimes des exactions de la police et de la gendarmerie. Par ailleurs, les attouchements de militaires et policiers sur des femmes lors des contrôles provoquent indignation et colère. Certains ont dénoncé ces actes auprès du gouverneur de l’Adamaoua.

Au mois de juillet dernier, des policiers et gendarmes ont déshabillé une dame au marché central de Kousseri. D’après eux, elle portait un voile intégral. Ils vont entrer dans les boutiques de vente de voiles et saisir près de 500 pièces. Le commissaire central de la ville de Kousseri déclinera sa responsabilité auprès du préfet du Logone et Chari. Les auteurs de cette bavure sont toujours en poste et n’ont jamais été sanctionnés. Au lendemain des attentats du marché central de Maroua, des militaires du Bir et des gendarmes ont tabassé des commerçants et populations de la ville de Mora. Ils recherchaient les membres de l’ethnie Haoussa, Kanuri, Bornoua et Arabe-Choua accusés d’être les auteurs des attentats de Maroua et Fokotol. Le correspondant local en la langue Haoussa de Rfi croupit depuis 10 jours dans les cellules du Groupement mobil d’intervention de Maroua. Ahmet Baba est accusé d’immigration clandestine, a-t-on appris auprès du responsable de la surveillance du territoire, une unité de la police Camerounaise. Le président régional de la Ligue Camerounaise des droits de l’homme a été tabassé le lendemain de l’attentat du Pont vert par des militaires.

© Le Jour : Adolarc Lamissia

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