Ama Tutu Muna : La dame de faire
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Entre insubordination ostentatoire et chausse-trappes, la patronne des Arts et de la Culture et son Premier ministre se la jouent crade. Show devant !

Un de ces deux-là devrait morfler, et plus vite qu’on ne croit si tant est qu’il reste un semblant de normalité dans ce pays. C’est l’histoire d’une insoumise qui ne s’en cache plus, face à un croque-mitaine que des subalternes s’amusent à narguer publiquement depuis peu. Dans certaines mythologies, on aime bien les affaires de vilaine(s) fille(s) tenant tête au(x) méchant(s) garçon(s). C’est dire si le public est tenu en haleine. Spectacle assuré.

En quelques jours seulement la ministre des Arts et de la Culture (Minac), Ama Tutu Muna, a quitté la posture de serviteur dévoué rongeant ses ongles, à la recherche d’«éléments d’information» pouvant permettre d’éclairer utilement le Premier ministre Philemon Yang sur la création inopinée de la Société camerounaise civile de musique (Socacim), le 28 avril dernier à Mbengwi (Nord-Ouest). C’est désormais une guerrière arc-boutée sur les dispositions légales. L’effrontée se permet de passer outre une injonction du chef du gouvernement, demandant que soit mis un bémol à l’avènement d’une société de l’art musical en attendant les conclusions d’un comité ad hoc siégeant en ses services, et octroie ostentatoirement un agrément. Même pas peur !

Oublié donc, le «rapport circonstancié (…), assorti de propositions concrètes pour [une] gestion appropriée» du dossier, qu’elle promettait à sa hiérarchie. Ignoré aussi, le fameux comité ad hoc qui pour certains ne saurait mettre entre parenthèses les prérogatives de tout un département ministériel. La Minac a fait plus que s’abstenir de passer le message premier-ministériel aux promoteurs de la Socacim : elle leur a créé un boulevard institutionnel. En poussant plus loin l’analyse, il est permis d’imaginer que son acte d’insubordination visait à couper l’herbe sous les pieds de ses détracteurs, au premier rang desquels Philemon Yang himself. C’est la bataille entre la légalité et la légitimité.

Défiance

Mais Ama Tutu Muna eût-elle pu ainsi sauter dans la fosse aux lions sans filet de sécurité, sans la garantie que le rapport de forces était en sa faveur ? On en doute, sauf à la considérer comme une suicidaire. Dans le proche entourage professionnel de la Minac, beaucoup en restent encore pantois. Elle aurait ainsi décidé d’aller toute seule à l’abordage, explique-t-on, ayant préféré que ses collaborateurs restent «en dehors de tout ça». Son coup de pendard au Pm, elle l’aurait donc préparé toute seule comme une grande. Bravoure ou bravade ?

Face à cette défiance qui pourrait faire jurisprudence, le locataire de l’Immeuble étoile a vu rouge. M. Yang a prestement invité la rebelle de la République à rapporter sa décision sous 48 heures. L’injonction n’avait pas encore connu d’effet à l’heure où étaient écrites ces lignes. La forclusion est consommée. Ama Tutu Muna est non seulement restée droite dans ses bottes ; elle s’est carrément essuyée les pieds sur le sacro-saint principe du respect de la hiérarchie. On s’étrangle d’indignation à la primature. On retient son souffre au Minac. On jubile à la Socacim. On est atterré à la Cameroon Music Corporation (Cmc) et à la Société camerounaise de l’art musical (Socam), qui ont vu leurs agréments retiré et expiré respectivement le 12 mai 2008 et le 23 juin 2013.

Mais au fond, que cache cet intérêt poussé des uns et des autres pour le contrôle – même à distance – d’une société civile de gestion des intérêts des artistes-musiciens ? Les passions sont, aujourd’hui, à ce point aiguisées que ça en devient plus que suspect. Et il devient clairement établi que la condition des principaux acteurs ne constitue que le cadet des soucis des duettistes.

Discorde

Dans la situation actuelle, il y a d’un côté une Minac dont on voit la main derrière la constitution de la Socacim dans son village natal, en marge d’une cérémonie de remise de 250 guitares à des instrumentistes. Elle a beau clamer sa méconnaissance du dossier, affirmer avoir été mise devant le fait accompli à Mbengwi, mais la coïncidence est plus que frappante. Sans compter que sa proximité avérée, avec certains activistes du domaine, n’est pas pour plaider des circonstances atténuantes. La chronologie des événements semble elle aussi trop bien réglée pour relever du hasard.

Face à elle, on se retrouve devant un environnement tout aussi sulfureux. Les services du Premier ministre, pour ne pas parler de Philemon Yang lui-même, sont accusés d’instrumentaliser un «front du refus» pour continuer d’alimenter la discorde dans les rangs des artistes-musiciens. Le comité ad hoc devient alors, soutiennent les tenants de cette thèse, un prétexte pour la mise sur pied subreptice d’une société civile aux ordres, et sur laquelle le ministère de tutelle n’aura aucun droit de regard.

La fin de la cacophonie n’est certainement pas pour demain, dans le domaine de l’art musical. Entre Philemon Yang et Ama Tutu Muna, il faudra pourtant bien que quelqu’un paye la – fausse – note. Mais dans ce type de conflit inextricable, il est de notoriété publique que l’arbitre Paul Biya adore se hâter lentement de siffler la fin de la récréation. Eh bien, dansez maintenant !

© Mutations : Félix C. Ebolé Bola

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