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© Mutations : Boris Bertolt
- 11 Mar 2015 12:13:45
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CAMEROUN :: Affaire IRIC : Comment Paul Biya a rectifié les listes :: CAMEROON
Le chef de l’Etat, tenant à préserver la stabilité sociale, a choisi une proposition formulée par son ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fam Ndongo.
Depuis son séjour privé en Suisse, Paul Biya, à travers le ministre directeur du cabinet civil, Martin Belinga Eboutou a instruit le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, d’autoriser le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, de procéder à une augmentation du quota des admis à l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) pour le compte de l’année académique 2014-2015. Un ordre qui lui a été intimé aux alentours de 23h et confirmé directement, d’après nos sources, par Martin Belinga Eboutou. Une décision qui a pour conséquence directe de faire passer le nombre des prochains étudiants en cycle de master professionnel de la filière diplomatie, de 15 à 21.
Sur cette base, les six candidats régulièrement admis dont l’exclusion après la publication d’une deuxième liste seront réintégrés, ainsi que les six autres candidats dont les noms ont été ajoutés. Plus un candidat, dont le nom figurait sur la liste d’attente de la première liste. Au micro d’Alain Belibi sur les ondes de la Crtv au journal de 13 heures hier, Fame Ndongo n’a pas caché son soulagement : « Je suis un ministre, heureux, comblé ». Un cri qui cache une semaine difficile où non seulement sa démission a été réclamée par la société civile et l’opposition, mais également au cours de laquelle Paul Biya a dû intervenir pour désamorcer une bombe contre son régime.
Le lundi 2 février, lorsque le scandale éclate suite aux révélations de votre journal, une certaine sérénité règne au ministère de l’Enseignement supérieur (Minesup). Certains responsables nient complètement l’existence d’une seconde liste. Tout comme le directeur de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric), Pierre-Emmanuel Tabi qui ne reconnait que l’existence d’une seule liste, celle signée samedi. Des échanges et concertations téléphoniques ont régulièrement lieu entre Jacques Fame Ndongo, Pierre-Emmanuel Tabi et Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence de la République.
Pour eux, la situation est « sous contrôle ». Cependant, mardi matin, lorsque les preuves du tripatouillage sont publiées dans Mutations, c’est le début de la panique. Le sérail est en ébullition. Des rédactions sont contactées pour « contenir le feu ». Curieusement, le directeur de l’Iric, faisant semblant de n’avoir rien à se reprocher, autorise la publication, sur le site internet de l’école, de la deuxième liste contestée. Il donne d’ailleurs deux semaines aux nouveaux étudiants pour prendre leurs inscriptions.
RFI
Entre-temps, la polémique enfle sur les réseaux sociaux. Fame Ndongo refuse de s’expliquer. Son chef de la cellule communication, Jean Paul Mbia, affirme, au nom du Minesup, dans un média : « J’ai signé, j’assume ». Une déclaration qui a le don d’envenimer la situation et de susciter une levée de boucliers planétaire. Mais, le ministre Fame Ndongo fait le dos rond. Car, disent ses proches, il n’a jamais autorisé un tripatouillage des listes, mais a été contraint de le faire. Il se sait couvert par la présidence de la République.
Car dans cette affaire, c’est de là-bas que la décision de changer la liste est partie, et c’est également de là que certains noms qui ont été ajoutés sur la deuxième liste sont arrivés. Donc le ministre de l’Enseignement supérieur se sait couvert. Dès mercredi, Pierre-Emmanuel Tabi, commence à montrer des signes d’inquiétudes. Réputé proche de Ngoh Ngoh, il doit se douter que le président de la République est informé de la situation. Par ailleurs, plusieurs officiels camerounais font le point, y compris par téléphone sur l’évolution de la situation.
C’est dès jeudi que les choses semblent s’être accélérées avec la publication dans Mutations d’une liste de fils de ponte du système qui ont intégré l’Iric. A ce moment, plusieurs ministres, qui s’étaient déjà entretenus avec Fame Ndongo au courant de la semaine, voient un danger pour la stabilité sociale. En effet, le débat se déplace rapidement sur le terrain « des riches qui veulent imposer les leurs partout ». En kiosque, l’édition de Mutations s’arrache.
Dès lors une réflexion commence à mûrir dans le sérail afin de trouver une solution palliative. Une proposition est envisagée. Celle d’intégrer tout le monde afin d’atténuer le mécontentement de la population. Vendredi lorsque l’affaire de l’Iric est diffusée sur les ondes de Radio France international (Rfi) dans la soirée, la situation se complexifie. L’image du Cameroun sur la scène internationale prend une nouvelle tâche. C’est dans ces circonstances que Jacques Fame Ndongo est envoyé aux charbons.
Sit-in
Cette fois-ci, il doit s’expliquer. Pas par personne interposée. C’est ainsi que les journalistes sont informés que le ministre va parler. D’abord sur la Crtv radio, ensuite sur Radio Tiemeni Siantou, enfin en conférence de presse. Sa grandiloquence si caractéristique cache mal son embarras. Le même jour, il parle de « méritocratie régionale » et affirme avoir modifié les listes afin d’intégrer les régions du Nord, Nord-Ouest, Adamaoua et Est, qui ne figuraient pas sur la première liste. C’est le même argument qu’il a présenté au chef de l’Etat 48 h plus tôt pour justifier la cacophonie autour de cette affaire. Mais, samedi, en fin de communiqué, il précise subtilement attendre les instructions de Paul Biya. Ce dernier n’a pas encore pris de décision. Mais a été parfaitement tenu au courant de l’évolution de la situation.
Samedi soir, deux évènements se produisent. Un premier avec le lancement du collectif « Sauvons l’Iric » qui annonce une campagne de mobilisation pour réintégrer les candidats admis et les appels à un sit-in pour le 11 mars 2015 devant l’Iric se multiplient. Ces appels seront fortement relayés dimanche dès la matinée. A ce moment, les services de sécurité et les autorités politiques flairent les risques pour la stabilité et la paix que peuvent représenter ce type de mobilisation. L’information est répercutée à qui de droit. Dans la journée de dimanche, Paul Biya est informé des derniers développements. La magie oratoire de son ministre n’a pas opéré. Il doit envisager une solution pragmatique. Après concertation avec Belinga Eboutou, Paul Biya opte pour la proposition du Minesup, à savoir : intégrer tout le monde. Les fils des « riches » et des « pauvres ».
Quand il apprend cette décision de Paul Biya, Fame Ndongo pousse un grand ouf. A l’Iric, ce n’est pas la sérénité. Des sources rapportent que le directeur, Pierre-Emmanuel Tabi aurait perdu toute sa superbe. Il a presque été invisible sur le campus en fin de semaine. Hier, il a multiplié des réunions. Dans le sérail, tout le monde se pose invariablement cette question: Qui va payer la note ?
Réactions
Benjamin Nyoum, enseignant : “Un pays de contradictions”
Ça ce sont des réalités camerounaises. Je me souviens qu’il y a de cela un peu plus de dix ans, il y a eu, lors du concours de l’Ecole militaire interarmées (Emia), la liste du ministre de la Défense et celle d’un général de l’époque aujourd’hui à la retraite. A la fin, le
général a eu gain de cause avec sa liste. Une situation similaire s’est produite à la Police. Sur les quatre mille policiers recommandés au recrutement par la Banque mondiale, on s’est retrouvé avec sept mille admis à un seul concours. Nous sommes dans un pays de
contradictions profondes. Un pays où les personnalités se battent entre elles et les tripatouillages dans les grands concours ont toujours existés. Un ministre de la Fonction publique en a d’ailleurs fait les frais, il y a quelques années de cela, pour avoir voulu s’opposer à ces pratiques.
Benoît Bindzi Zang, étudiant: “Une République de mécréants”
Cette situation est franchement regrettable pour un pays comme le nôtre, où on parle d’émergence d’ici 2035. On veut être émergent avec des médiocres aux affaires. Cette situation nous conduit inexorablement vers une République de mécréants. Pas étonnant que certaines administrations ne soient pas au fait de leurs missions. Une formation au rabais n’honore personne. Le saupoudrage du ministre trahit la légèreté et le manque de sérieux avec lequel les choses sensibles de ce pays sont gérées. On va où avec ce genre de comportements. Maintenant on essaye de contenter les gens parce que la chose a été mise à nue sur la place publique. Vous voyez donc ce qui s’est souvent fait dans le dos de la République.
Ngantchia Augustin, agent des transports: “Comme des locataires dans notre propre pays”
Les gens ont été habitués à l’achat des places dans les concours.
C’est un phénomène qui est devenu pratiquement officiel. Or, il faut encourager les enfants à travailler et à fournir des efforts. Une situation comme celle de l’Iric est déplorable et honteuse. Les enfants vont croire que compétir par concours est juste une formalité.
Et ce sont des situations qui poussent au découragement. La troisième liste, telle que j’ai suivi au journal, vient rétablir la logique, mais c’est une honte pour notre pays. Et cela tend à décourager les étudiants qui fournissent des efforts pour réussir. Des résultats connus en avance n’arrangent personne. Ou on avance ou on recule dans notre pays. Nous vivons comme si nous sommes locataires dans notre pays et cette situation pousse tous les jeunes à vouloir partir, or ils peuvent avoir ce qu’ils vont chercher ailleurs, sur place ici.
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