L’improbable changement par la rue
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Certains disent que le Cameroun est maudit ; qu’il y a le syndrome de stockholm. En fait, ils expriment leur impatience de voir les choses changer. Voici mes 4 hypothèses d’analyse :

1. L’extrême sentiment de mépris de l’adversaire politique

Le mépris politique est ce sentiment par lequel on considère son adversaire comme étant indigne d'estime ou comme étant moralement condamnable. Le problème est que le mépris n’est pas un sentiment de winners. C’est un sentiment négatif, un mélange de dégoût et de colère qui nous pousse à considérer nos adversaires comme étant inférieur ou sans intérêt. Il y a deux pièges dans le mépris. D’abord, les winners sont animés par un sentiment positif. Le mépris est un sentiment éprouvé par des personnes qui souffrent et qui subissent. Or, pour réussir, vous ne devez pas souffrir ; vous devez être un vainqueur. Si vous ne reconnaissez pas les forces de votre adversaire, vous ne vous améliorerez pas. Vous demeurerez dans la médiocrité ; dans l’illusion que vous êtes fort. Votre force n’est alors que virtuelle.

C’est une erreur pour ceux qui sont dans la conquête du pouvoir que de méconnaître la force du régime Biya à conserver son pouvoir. Mon hypothèse est que tant que l’on ne traitera pas Biya avec considération, on ne le renversera pas. Il faut respecter son adversaire pour être capable de relever ses vraies faiblesses. Le respect n'est pas un signe de soumission. En 2020, l’opposition camerounaise est aveuglée par le sentiment de croire qu’il n’y a rien en face. Tellement l’on pense que le régime Biya est truffé des personnes incompétentes que l’on leur annonce même le jour où l’on a l’intention de se mobiliser pour les faire tomber. On communique sur les stratégies de mobilisation et on s’étonne que cela ne marche pas. On s’étonne que la sécurité soit renforcée. Bref, l’on fonctionne dans une bulle qui nous empêche de voir que l’on se trompe. On ne songe jamais à s’améliorer tant on vit dans l’illusion que l’on est dans le bon et que l’autre est dans le mauvais.

2. L’inadéquation de l’offre politique

Du point de vue commercial, le client n’est jamais mauvais ; c’est le produit ou le marketing qui peut être mauvais. Dans le marketing politique, l’on ne peut pas considérer le peuple comme étant de mauvaise qualité. J’entends de plus en plus qu’il faut changer le mindset (état d’esprit) des Camerounais pour réussir la révolution. C’est ce même confort dans lequel les gens sont installés et estiment que tout ce qu’ils font ou offrent est bon et que c’est le peuple camerounais qui est mauvais. Or, c’est exactement l’inverse qu’il faut voir : le peuple est bon ; il est comme il est et c’est à nous d’adapter notre offre. Aucun entrepreneur ne demande de changer le mindset (disposition mentale) des clients avant de vendre son produit. Ce serait l’orientation produit qui a déjà montré ses limites. De nos jours, nous sommes dans le market oriented, ce qui suppose que c’est le marché qui dicte l’offre qu’il faut apporter.

L’offre politique au Cameroun en 2020 est identitaire. L’on nous fait croire que les Camerounais sont tribalistes et que si l’on n’arrive pas à faire une offre qui déborde les barrières communautaires, ce serait parce que les membres de certaines communautés sont fermées. Or, l’on ne voit pas que le repli identitaire est la conséquence d’une offre politique en vigueur et qui ne cadre pas avec les attentes du citoyen ordinaire. L’on nous dit aussi que c’est le régime en place qui a tribalisé le débat politique et que le développement du communautarisme est entièrement la faute de Biya. D’accord ! Mais, le gibier doit être assez intelligent pour éviter les pièges du chasseur ! Une fois que vous vous êtes laissé prendre au piège, vous ne pouvez pas passer votre temps à dire que c’est la faute de votre adversaire qui était normalement dans son rôle (de vous piéger).

Mon hypothèse est que la réussite d’une révolution au Cameroun dépendra de la capacité de renouvellement de la classe politique. Rares sont les personnalités politiques de l’opposition qui ne se sont pas faits identifiés comme étant des leaders communautaires. Ce profil est inadéquat pour mobiliser au niveau national. Il faudrait des gens qui travaillent à réconcilier les Camerounais et à éviter le piège du tribalisme.

3. La personnalisation du débat politique

Le débat politique au Cameroun est ad hominem c’est-à-dire que l’on passe le temps à discuter des individus et à les confondre avec leurs actes ou leurs paroles. L’on n’a presqu’essentiellement des attaques ad hominem avec des propos qui traitent nos adversaires selon leur titre, statut, rang social, actions, engagements ou déclarations. Pire, ces attaques deviennent ad personam c’est-à-dire que l’on traite nos adversaires de tous les noms. Toute personne qui ne pense pas comme nous est un traître, ce qui est insupportable.
Mon hypothèse est qu’il y a un manque de vision politique sur la scène politique camerounaise susceptible de permettre d’avoir une vraie visibilité. L’on veut faire des coalitions oui, mais avec des gens que l’on a traité ou fait traiter de traîtres ou d’infiltrés. Comment pouvez-vous demander à un infiltré d’entrer dans votre coalition ? L’intolérance politique ne peut que conduire difficilement au succès.

4. La course au buzz et au sensationnel

Il est difficile de mobiliser autour des sujets clivant et des sujets politiques. Par exemple, les élections régionales ne peuvent pas permettre de mobiliser. En quoi cela concerne le Camerounais ordinaire ? L’on doit choisir un sujet qui impacte directement la vie quotidienne des gens. Seuls les sujets sociaux (qui touchent tout le monde indifféremment des clivages) peuvent permettre d’ébranler un régime comme celui de Biya. Mais, pour y arriver, il faut être capable de dépasser le niveau du buzz pour traiter ces questions dans le fonds ; il faut être capable de produire des rapports accablants. Cela nécessite d’être sérieux et concentrés pour collecter et analyser les données.

Mon hypothèse est que pour ébranler le régime Biya, il faut produire des rapports pertinents sur des sujets sociaux et présentant des faits et données irréfutables. Le populisme se base sur des faits irréfutables. L'on ne peut rien changer tout en étant superficiel. L’on a parlé par exemple du riz d’Orca sans creuser et cela n’a rien donné. Il existe tellement de faits accablants au Cameroun qu’il suffit d’être concentré quelques minutes pour collecter des données sérieuses. Mais, tout le monde est à la course du sensationnel. Et le sensationnel est un feu de paille. Et Biya est toujours là.
Je pense qu’il faut être sérieux pour une fois !

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