Camtel, l’éternelle navigation à vue
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Malgré son énorme potentiel et les subventions de l’Etat, l’opérateur historique des télécoms peine à faire face à la concurrence. Et la nouvelle direction générale ne semble pas à la hauteur des défis.

C’est vrai qu’elle a hérité d’une entreprise mal en point. En tout cas dont les performances se situent aux antipodes de son potentiel infrastructurel et des subventions reçues de l’Etat, son unique actionnaire. Depuis près de deux décennies, la Cameroon Telecommunications (Camtel) souffre avant tout d’un déficit managérial qui se traduit notamment par des malversations d’une ampleur à donner le tournis.

En témoigne le rapport du Contrôle supérieur de l’Etat qui met en lumière le préjudice financier causé à une entreprise doté de tout pour être un mastodonte dans son secteur mais qui se révèle un tigre en papier. Si ce rapport n’a jusqu’ici pas conduit à des interpellations, à tout le moins il a permis l’ouverture d’une procédure devant le Tribunal criminel spécial (TCS) qui a vu l’ancien directeur général, David Nkoto Emane défiler pour des auditions. Cette juridiction spéciale a aussi, sans suite jusqu’ici, enregistré plusieurs dénonciations. Par exemple, Le 21 mars 2019, Godfroid Ondoua Ella, qui se présente comme ingénieur principal des travaux des télécommunications, a saisi le procureur général près le TCS. Dans un violent réquisitoire à charge sur la gestion de la Camtel, M. Ondoua indique notamment que « David Nkoto Emane, à son départ, laisse ainsi, sauf miracle, une dette astronomique qui devrait s’élever à plus de 600 milliards de FCFA sur la période 2014-2016 ». Ce qui, d’après lui, fait de Camtel la deuxième entreprise la plus endettée (juste derrière la Sonara avec 607,354 milliards) sur les 26 répertoriées au cours de la même période. Sa dette représente le quart du total des entreprises publiques.

Dette énorme

C’est dans ce contexte que la nouvelle directrice générale est nommée en décembre 2018. « Au moment où David Nkoto Emane est limogé, il avait déjà préparé une liste de personnels à licencier. Et Mme Judith Yah Sunday en faisait partie. Mais contre toute attente, c’est elle qui est portée quelques jours plus tard à la tête de l’opérateur historique de téléphonie », confie un cadre de la maison. Qui précise que le dégraissage des effectifs, pléthoriques (près de 3300 agents alors que chacun des trois concurrents que sont Orange Cameroun, MTN-Cameroon et Viettel Cameroun emploient moins de 1000 personnels avec des résultats plus probants) qu’elle opère en limogeant une cinquantaine de cadres n’est pas véritablement à mettre à son actif.

Afin de faire oublier ce passé peu glorieux, Mme Achidi tient à imprimer rapidement sa marque. Elle n’hésite pas à débaucher chez les concurrents pour une plus grande compétitivité de Camtel. Dans cette optique, elle recrute des cadres de MTN à l’instar de Christian Gilbert Ngono Onguené, ancien directeur technique qui vient officier comme directeur des infrastructures, l’ancien directeur des systèmes d’information Georges Mpoudi Ngolle rejoint l’opérateur public en qualité de directeur des réseaux IP, du multimédia et des services. Clanisme et favoritisme D’après des sources internes, ce n’est pas la volonté de sortir Camtel de ses errements managériaux qui en ont fait le symbole le plus abouti de la contreperformance des entreprises publiques qui plus est budgétivores qui manque à Judith Yah Sunday. Qui prend des initiatives dans ce sens. Et l’ancienne cadre maison a tout pour réussir. L’opérateur historique des télécoms a la gestion exclusive de la fibre optique, une infrastructure qui se pose comme le pilier du développement des télécommunications modernes au Cameroun. L’Etat s’est aussi arrangé pour lui permettre de développer des activités en tant qu’opérateur à part entière.

Ainsi, hormis la téléphonie filaire gérée en exclusivité, Camtel s’est vu attribuer une licence d’exploitation des réseaux mobiles 4G. Toutes choses lui permettant d’étouffer la concurrence. Mais d’aucuns jugent les mesures cosmétiques. La preuve : malgré son potentiel, l’entreprise peine toujours à s’imposer face à une concurrence de plus en plus rude. C’est que, croient savoir des sources internes, le nouveau management imprime des empreintes qui vont plutôt à l’encontre de l’orthodoxie en matière de gouvernance publique. « Avant, c’était le règne du copinage, des promotions-canapé, etc. Les laissés-pourcompte de l’époque Nkoto Emane s’étaient mis à rêver que l’arrivée de la nouvelle DG, qui connait la maison, annonçait une nouvelle ère. Là, on a plutôt droit au clanisme exacerbé et au favoritisme. Comme si le temps avait sonné pour ceux qui se recrutent surtout dans son aire culturelle », s’offusque un cadre ignoré par l’ancienne et l’actuelle équipes.

Ce qui a obligé la ministre des Postes et Télécommunications (Minpostel), en tant que tutelle technique, à faire cette prescription à l’équipe managériale de Camtel : « Il lui incombe en même temps de faire de la qualité des services fournis au public et aux autres opérateurs une priorité. Dans un modèle de concurrence basée sur les services, la recette du succès est entièrement ancrée dans la qualité des services et la sécurité des communications fournies aux clients. Camtel doit être au service de ses clients que sont les opérateurs, pour la transformation numérique du Cameroun ».

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