Qu’a fait le Cameroun de ses héros ?
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Qu’a Fait Le Cameroun De Ses Héros ? :: Cameroon

Le Cameroun a perdu le 31 juillet 2020 à Yaoundé, l’un des anciens joueurs de l’équipe nationale senior de football, les Lions indomptables, Stephen Tataw. Presque dans l’anonymat, le joueur est décédé à 57 ans. Il y a 30 ans, il avait 27 ans à l’époque, Stephen Tataw conduisait l’équipe nationale, en tant que capitaine à la deuxième coupe du monde de l’histoire du football camerounais. A cette époque le nom de tous les joueurs de l’équipe nationale étaient sur toutes les lèvres, et le sien davantage. La participation des Lions Indomptables fut plus qu’honorable, pour une équipe dont on ne vendait pas chère la peau, en commençant par les officiels gouvernementaux qui accompagnaient l’équipe.

Stephen Tataw, comme tous ses coéquipiers, était le héros camerounais, c’est-à-dire celui qui se distinguait par ses exploits ou un courage extraordinaire, et surtout pour défendre une cause noble, une cause nationale. Sa mort anonyme, qui vient s’ajouter à beaucoup d’autres, amène à reposer l’une des sempiternelles questions au Cameroun, qu’est-ce que le pays fait de ses héros ?

Les Camerounais nés dans les années 90, pendant que ces valeureux Lions faisaient briller l’étoile de la nation, ne les connaissent que vaguement. La mémoire de ces héros ayant été très tôt effacée, même et surtout de leur vivant. En restant dans le domaine sportif, on ne peut les citer, ces Camerounais qui ont mouillé le maillot pour défendre les couleurs de la nation, mais vite rentrés dans les oubliettes, parce que l’Etat a manqué de perpétuer leurs œuvres et leurs mémoires. Parmi les footballeurs il y a les gloires comme Moukoko de Confiance, Eleme Ricardo, Epete Maurice, François Bekombo Ndoumbe Lea François, Charles Kalaty, Njeya Rene, Edmond Enoka, Ndip Akem Victor, Mbom Ephraim, Bep Solo, Jean Paul Akono, Djeya René, Mbida Arantes, Charles Lea Eyoum, Adalbert Mangamba, Amassamba, Koum Dipita, Eugene Ekoule, Nicolas Tchomban, Joseph Kamga, Isac Sinkot, Makon Nicolas pour ne citer que ceux-là.

Dans d’autres disciplines, Qu’est ce qui est fait au Cameroun pour la mémoire de Joseph Bessala, boxeur camerounais médaillé d’argent aux jeux de Mexico en 1968 en poids welter, depuis sa mort en avril 2010 ? Avant sa mort, il disait qu’il ne survivait que grâce aux efforts de son épouse couturière. Une maison que le gouvernement Ahidjo lui avait donné de retour de Mexico en 1968 ayant été récupérée en douce lorsqu’il était en France, il suppliait dans ses derniers jours le président Paul Biya de voler à son secours, ne serait-ce que pour ce qu’il a fait pour le pays. Plus proche, il y a Françoise Mbango Etone, plusieurs fois championne de l’ascension du Mont Cameroun baptisée course de l’Espoir, championne olympique en 2004 et 2008, a été obligée de se naturaliser française en 2010. La liste peut s’allonger à volonté.

Regrets

Voici un témoignage d’un proche de Stephen Tataw sur sa page facebook, Jean Baptiste Biaye, à l’annonce de la mort du footballeur « Il m’appelait “Tara” lorsque nous nous rencontrions. Mais jamais je n’ai compris ni expliqué pourquoi il aimait se confier à moi pour se plaindre d’être négligé, d’être méprisé, de n’avoir jamais eu un poste juteux après de bons et loyaux services rendus à la nation et surtout après avoir défendu de manière héroïque avec ses coéquipiers les couleurs nationales, notamment lors de la coupe du Monde 1990 en Italie. C”est que le “capitaine courage”, celui dont le “fithing spirit ” au sein des Lions Indomptables ne laissait personne indifférent, n’a pas beaucoup bénéficié de certains avantages dans le milieu du football après sa retraite sportive. Pourquoi s’est-il révolté dans ses derniers jours sur terre à ne voir presque personne à son chevet ? Pourquoi est-il devenu réfractaire à aller à l’hôpital ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? …Pour nous, tu n’es pas mort ce 31 juillet 2020 à Yaoundé. Tu t’es endormi. Car, un Lion ne meurt jamais. Il dort. »

Ce témoignage est juste un autre cri de douleur, pour dénoncer cette indifférence dont font l’objet les héros nationaux, chacun dans son domaine de compétence. Cela est vrai pour les sportifs, les artistes musiciens, les plasticiens, les écrivains, les universitaires chercheurs. Et pourtant ! Pourtant les moyens ne manquent pas toujours pour redonner de la valeur à ces derniers qui ont tout donné de leur jeunesse pour le pays, il ne s’agit pas de ces bureaucrates autoproclamés haut commis de l’Etat alors qui se sont toute leur vie engraissés sur son dos, il s’agit de ces patriotes désintéressés qui se sont sacrifiés sans regarder l’argent, qui ont parfois traversé le désert et la mer méditerranée au péril de leurs vies pour se donner les moyens de défendre les couleurs de la nation. Les fédérations sportives brassent des milliards de francs chaque année, la fédération camerounaise de football en particulier. Au lieu de passer du temps à se chamailler sur le partage, pourquoi n’organiserait-elle pas par exemple les « Fecafoot Awards » qui entre autres, recenseraient les anciennes gloires et les primeraient, ou du moins trouveraient des voies et moyens pour que ces enfants du pays qui ont fait vibrer le cœur de la nation ne finissent pas dans le dénuement total ?

Retraite possible

Même les députés, dont l’apport sur le rayonnement de la nation est discutable, se sont déjà aménagé un couloir pour une retraite tranquille, ce qu’ils appellent la retraite parlementaire. La loi n° 2014/016 du 09 septembre 2014 portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale dit à l’article 118 que « (1) les députés bénéficient de la pension proportionnelle ou d’ancienneté à la suite de deux ou trois mandats consécutifs sans condition d’âge. (2) Toutefois, un député peut prétendre à la pension de retraite parlementaire, à condition de cumuler dix (10) annuités de cotisation pour une pension proportionnelle ou quinze (15) annuités pour la pension d’ancienneté au cours d’un ou de deux mandats. »

Pareilles disposition pourraient exister pour les membres de la Fecafoot et de toute autre fédération, et il serait juste que ces enfants qui courent sur les stades pour faire rentrer de l’argent soient pris en compte, et une fois qu’ils ont fini d’épuiser leurs énergies, qu’ils aient au moins de quoi tenir quand les forces les ont quitté, en attendant que l’Etat leur trouve une place…au panthéon.

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