Le discours tribaliste nous perd le temps
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Dans mon dernier article scientifique, je déclare que "l’identité ethnique est omniprésente dans le raisonnement politique et se retrouve dans tout procédé argumentatif", mais ce n'est pas une bonne nouvelle pour la démocratie camerounaise. En effet, le ressentiment n'est pas un projet politique.

Au contraire, il est un frein à tout projet politique constructif. Nous devons nous débarrasser du ressentiment ethnique si nous voulons nous donner les chances de bâtir notre pays.

Or, au fil des jours, l'actualité politique nous montre que notre problème n'est pas identitaire mais, certains prédateurs veulent nous y contraindre absolument.

Voici quelques exemples.

1. Boko Haram: les prédateurs nous ont dit que c'était un problème musulman. Paradoxalement, les plus grosses victimes sont les Musulmans. Venez m'expliquer!

2. Crise dans le NoSo. Les prédateurs nous ont dit que c'était un problème anglophone contre francophone. Paradoxalement, les plus grosses victimes sont les Anglophones. Venez m'expliquer!

3. Suprématisme Bamiléké ou Béti. Les prédateurs nous disent que le problème du bamiléké, c'est le bulu ou que le problème du béti, c'est le bamipower (et donc, qu'il faut développer le betipower correspondant). Paradoxalement dans le système clientéliste de Biya, c'est le frère du village qui tue le frère du village. Venez m'expliquer l'affaire Amougou Bélinga par exemple!

4. Accaparement des terres/Foncier rural. Les prédateurs nous expliquent que c'est une affaire des Bamilékés qui veulent arracher toutes les terres des Bétis au Cameroun. Dans l'actualité, ils exhibent le cas de la Vallée du Ntem ou le cas de Yaoundé. Or au Cameroun, c'est l'élite locale qui brade les terres de la localité. Venez m'expliquer!

Non, mes amis. Vous comprenez que les prédateurs et autres suprématistes se trompent énormément. Ce n'est pas avec leur mentalité que nous développerons le Cameroun. Le débat identitaire nous tire vers le bas et nous éloigne des sujets de développement.

A chaque fois qu'un problème de démocratie se pose, nous sommes aveuglés par le regard identitaire. La démocratie suppose entre autres la "participation". La participation à son tour suppose entre autres la consultation et la concertation. Mes chers amis, l'un des problèmes majeurs de la qualité de notre démocratie est que beaucoup de décisions publiques se prennent sans consultation et sans concertation. Parlant de ce problème foncier dans la Vallée du Ntem, ce n'est que ce 8 août 2020 que le préfet voudrait faire la "concertation". C'est bien, mais il aurait dû le faire avant. Cet opérateur économique n'est pas le premier (investisseur Camerounais ou étranger) à acquérir de vastes espaces au Cameroun, sauf que les autres sont passés par un long et fastidieux processus de consultation et de concertation avec les riverains. C'est long, fastidieux et même coûteux, mais c'est nécessaire en démocratie pour la paix. Depuis 2017, l'Etat a cru pouvoir "épargner" les "investisseurs" de ces tracasseries en engageant le transfert des terres du domaine national vers le domaine privé de l'Etat afin que ce soit facile de céder, mais c'est une erreur et une menace pour la paix. A Banka chez moi, les riverains ont chassé violemment leur chef supérieur qui voulait exproprier unilatéralement en vue d'implanter une brigade de gendarmerie. Finalement, seule une concertation a permis de trouver un site à la brigade dans la paix. En démocratie, le droit de propriété est sacré. Au Cameroun, le droit de propriété des riverains n'est pas librement reconnu et "considéré" dans la prise des décisions foncières. Il faut corriger cette faute pour la paix.

Le tribalisme tombera un jour comme un château de carte si nous prenons l'habitude de "consulter" avant toute décision. Beaucoup d'entre nous réagissent "instinctivement", non pas parce qu'ils/elles sont contre le progrès ou l'innovation, mais parce qu'ils/ elles découvrent des décisions prises sans leur participation. Mettre les gens devant le fait accompli est un mode de gouvernance qui a montré ses limites. Je suis très sûr qu'une solution pacifique au problème foncier dans la Vallée du Ntem sera trouvée à l'issue de la "concertation". Vous verrez que ce n'était qu'une affaire de "considération" des riverains que l'on ignore actuellement dans les prises de décision.

Alors, travaillons à renforcer notre démocratie en renforçant la participation et la représentation. Cela fait partie de ce que nous reprochons sur le plan structurel au système Biya et qu'il faut travailler à corriger dans le prochain système.

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