La question des terrains dans la Vallée du Ntem : le point de vue d’un autochtone …
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Les populations autochtones du département de la vallée du Ntem que constituent les Ntoumou et Mvae sont sur des charbons ardents depuis quelques temps. A l’origine de cette colère qui sort des habitudes de ces peuples réputés hospitaliers et forts accueillants, il y a un problème foncier d’une ampleur inimaginable. Il s’agit d’une querelle autour de 66.430 hectares de forêt qui oppose les populations autochtones Ntoumou/Mvae à l’Etat du Cameroun et à la société Neo Industries.

Production à Ambam : usine à Kekem

Tout serait parti d’une information selon laquelle la société Neo Industries aurait acquis auprès de l’Etat camerounais, les droits pour l’exploitation de plusieurs dizaines de milliers d’hectares afin de créer une plantation industrielle où serait cultivé du cacao destiné à approvisionner les usines de cette société installées à Kekem dans la région de l’Ouest et d’où serait originaire Emmanuel Neossi, le magnat à la tête de cette société. Cela n’aurait certainement pas suscité la même réaction si Neo Industries n’avait choisi d’installer l’usine de transformation si loin des terres qu’elle convoite pour la production de sa matière première ; ce qui laisserait croire que derrière ce projet de « plantation industrielle » se cacherait en réalité une malicieuse et vicieuse entreprise d’expansion.

Plantations ou expansion territoriale ?

Dans leurs activités quotidiennes, les populations de certains villages ont été surprises de voir surgir des géomètres appartenant aux services du cadastre, équipés de leur arsenal habituel de bornage : théodolites, bornes, machettes… Sans courtoisie et parfois même avec assurance et condescendance, ils sont entrés dans les forêts pour y implanter des bornes dont certaines l’ont été dans les plantations et même derrière certaines cuisines. Les villageois qui ont essayé de s’opposer à cette activité suspecte ont vu brandir devant eux la personnalité du Président de la République, Son Excellence Paul Biya, comme initiateur de cette démarche. Cela passera sans faille dans certaines localités mais avertira quelques esprits éveillés qui vont aussitôt entreprendre des recherches pour connaître les tenants et les aboutissants de cette incursion brutale. C’est ainsi que sera découvert le pot aux roses. Aussitôt, les autorités traditionnelles vont se constituer en collectif pour solliciter toute la lumière sur cette tentative d’expropriation illégale à leurs dépens et aux dépens de leurs populations de pas moins de soixante-six mille quatre cent trente hectares (66.430 ha).

Non à une invasion déguisée

Assistés de leurs conseils et des fils du terroir plus que jamais déterminés à barrer la route à ceux que certains qualifient déjà à travers les réseaux sociaux de tentative à peine voilée d’invasion et d’assimilation des peuples Ekang de la vallée du Ntem, les premières informations recueillies par leurs majestés auprès des autorités et les fruits de leurs investigations présentent la superficie comme acquise et constituée comme réserve foncière de l’Etat camerounais à travers 4 titres fonciers (579/VNT ; 580/VNT ; 581/VNT et 582/VNT). Cette constitution qui n’aurait pas au préalable respecté toutes les procédures usuelles sur le plan administratif dont entre autres les consultations des populations impactées, se fera sous silence. De même, la cession de ces espaces forestiers qui englobent des plantations, des rivières, des pistes, des routes, voire des villages n’aura donné droit à aucune indemnisation de ces vaillantes populations qui vivent essentiellement de l’agriculture. Selon les propos de Sa Majesté MEZUI MINKO René, chef du village ANDOM, recueillis lors du constat d’huissier, il n’y a eu aucune descente du préfet et sa commission dont lui-même aurait été membre, afin de recenser et d’évaluer les biens devant faire l’objet d’expropriation pour cause d’utilité publique dans le cadre de la création d’une industrie agro-alimentaire. Au contraire, certains chefs tels que Sa Majesté NDONG NDO Fabien de BELEOSSI aurait même reçu des menaces de la part de QUETONG Anderson KONGETT, préfet de l’époque et certains de ses collaborateurs, pour s’être opposés au bornage sur leurs terres. Pour ces populations également comme dans tous les autres villages, il n’a jamais été question de concertations ou d’indemnisations. Le même constat sera fait auprès des présidents communaux des conseils de chefs traditionnels auditionnés par l’huissier de justice.

Recours gracieux des chefs traditionnels

Dans la démarche de restauration de leurs droits bafoués, et surtout dans le souci de préserver cet héritage ancestral qu’ils espèrent laisser en héritage à leur progéniture, les chefs traditionnels ont déposé des recours gracieux auprès du Premier Ministre et du Ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières en vue de l’annulation des titres fonciers querellés. Dans l’attente de leurs réactions, le Tribunal administratif a été saisi pour interrompre les travaux de bornage en cours. Entre temps, les populations Ntoumou et Mvae restent mobilisées sur le terrain et dans la diaspora, soutenues par la quasi-totalité de la communauté Ekang. Certains verraient d’ailleurs dans le litige frontalier récent entre le Cameroun et la Guinée Equatoriale, une action anticipée des autorités équato-guinéennes contre l’installation progressive et agressive de certaines communautés de la région de l’Ouest du Cameroun dans cette zone frontalière.

Le curieux silence des « élites »

Face à la colère qui continue de monter, on est tout de même en droit de se demander ce que cache le silence de l’élite du département de la Vallée du Ntem qui dans toutes les démarches initiées jusque-là est restée toute muette. Les populations attendent inexorablement l’arbitrage du Chef de l’Etat dans ce qu’elles considèrent comme une atteinte à leur propriété et même à leur intégrité de peuples autochtones minoritaires. Il convient de noter que depuis quelques temps, de nombreuses communautés camerounaises se réveillent face à certaines acquisitions foncières qui à leurs yeux apparaissent comme le fruit de la corruption de l’administration qui visiblement ne met pas toujours en avant les intérêts des populations locales.

Les Ntoumou et Mvae de la Vallée du Ntem réussiront-ils dans ce combat de David contre Goliath au vu des moyens financiers énormes mis en jeu par Neo Industries ? Just wait and see !

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