Réforme des entités publiques : quel bilan trois ans après ?
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12 juillet 2017-12 juillet 2020, cela fait trois ans que la réforme des entités publiques a été engagée au Cameroun. C’est pour rompre avec les dysfonctionnements de ce secteur, caractérisé par des contreperformances chroniques depuis plus de 10 ans, que l’État s’est engagé à le rationnaliser. Deux lois (2017/010 et 2017/011 du 12 juillet 2017), trois décrets (2019/320, 2019/321 et 2019/322 du 19 juin 2019) et deux décisions (200/MINFI et 201/MINFI du 04 mai 2020) constituent le principal socle de cette réforme.

A ce dispositif, il faut ajouter les lois N°2018/011 portant code de transparence et de bonne gouvernance et N°2018/012 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques. Ce dispositif confirme l’orientation marchande des entités publiques dont la contribution au budget de l’État est désormais un impératif. Cette contribution s’effectue soit à travers des économies de coûts (établissements publics) soit grâce à la contribution sous forme de dividendes (pour les entreprises publiques).

Au moment où la quatrième année de la réforme est engagée, le contexte est bien plus rude que celui qui a avait présidé à sa mise en œuvre. En effet, il est projeté en 2020 une régression de 1,1%, avec une reprise lente en 2021. Cette prédiction induit une réduction des ressources financières, contraint à une plus grande discipline budgétaire et à l’efficacité de la dépense publique ; ce d’autant que le déficit budgétaire global devrait se détériorer en 2020 (-4,5 % du PIB). De même, une vigilance accrue est nécessaire pour l’internalisation des principes de la redevabilité, de lutte contre la corruption, une mise en cohérence des interventions opérationnelles de l’État assurant un alignement des activités des entités de ce secteur aux politiques publiques.

De surcroît, la réforme se poursuit dans un contexte particulier marqué par les ravages de la pandémie de la Covid-19 qui affectera négativement le tissu économique au cours des trois prochaines années. C’est dans ce contexte qu’il est attendu des entreprises publiques un relèvement de leurs contributions au budget de l’Etat dont la réalisation n’était que de 21,94% l’année dernière.

Il s’agit là d’une véritable gageure, d’un défi qui ne peut être relevé sans un bilan préalable sans complaisance. Quel bilan donc, après 3 ans de réforme des entités publiques ? Pour répondre à cette interrogation, nous nous sommes intéressée à son effectivité à travers la mise en œuvre du dispositif législatif y afférent et son efficacité en ce qui concerne le respect des dispositions réglementaires.

Cet exercice s’est effectué sur la base d’un échantillon de soixante-deux (62) entités publiques. Cet échantillon, composé des entreprises et établissements publics de toutes les catégories, a été constitué de manière aléatoire en fonction des informations accessibles par les voies officielles. Les sources documentaires ont été les sites de la Présidence de la République et des entités publiques d’une part et, d’autre part, des entretiens individuels et focus groups avec les responsables des entités publiques et des ministères de tutelle. La période retenue va du 12 juillet 2017 au 12 juillet 2020. Les développements qui suivent, articulés autour de trois points, rendent compte du bilan simplifié des trois premières années de la réforme.

I.L ‘effectivité de la réforme

La disponibilité des principaux textes de la réforme

Les lois de 2017, les décrets de 2019 et les décisions de 2020 (portant classification des entités publiques) constituent les fondements juridiques et les déclencheurs de la réforme. Il aura fallu attendre trois (03) ans pour qu’ils soient tous disponibles et opérationnels. Pour engager la réforme, l’un des préalables fut l’arrimage des textes de fonctionnement et d’organisation des entités publiques aux lois de 2017. Ces dernières prévoient un délai d’un an pour le faire, soit jusqu’au 12 juillet 2018. Mais à cette date, seules 5 entités publiques avaient assuré cet arrimage. Evidemment cette lenteur administrative est préjudiciable à la mise en œuvre de la réforme. En 2020, les textes signés par le Président de la République concernent quarante-deux (42) entités publiques.

L’activité juridique est intense en 2019 soit deux ans après les lois de 2017. Les années 2019 et 2020 concentrent environ 2/3 des textes signés. À cette date, seules trois (03) entités de l’échantillon des 42 entreprises sont à jour, soit un taux d’effectivité de 7% et en 2020, dix-neuf (19) sont disponibles, soit un taux d’effectivité de 45,23%, moins de 50%. A propos de la réforme, celle-ci est exécutée à un rythme jugé lent. En 2017 seuls 5 textes sont signés (des actes de nomination). Le pic de la signature des textes intervient en 2019.

II. L’efficacité de la réforme

 La mise en place tardive du cadre juridique de la réforme nous contraint à en analyser l’efficacité du seul point de vue du respect des dispositions des textes. Les performances ne pouvant logiquement pas être appréciées. Deux points sont ainsi abordés : le respect des mandats des DG et l’implémentation des outils de gouvernance par les entités publiques. Il apparaît que sur 62 entités de notre échantillon, 74% ont des DG dont les mandats sont conformes aux textes, 3% dont les mandats sont échus en 2020 et 23% dont les mandats ne sont pas conformes.

Les entités dont les DG ont des mandats cumulés supérieurs à neuf (9) ans sont pour la plupart basées à Yaoundé et à Douala : SNH (25 ans), ALUCAM (11 ans), SNI (17 ans), ONCC (14 ans), ADC (11 ans), ANAFOR (10 ans), ANTIC (14 ans), ANOR (10 ans), API (11 ans), ISMP (10 ans), INS (14 ans), FEICOM (15 ans), BUCREP (20 ans), CNPS (12 ans).

Les entités dont les mandats des DG ne sont pas conformes sont pour la plupart des établissements publics (64%) et les entreprises de 5ième (50%) et de 1ière (28%) catégories, selon les décisions N° 00000200/MINFI et 00000201/MINFI du 04 mai 2020 portant classification des établissements et entreprises publics. Le risque est plus important pour les entreprises au regard de leurs transactions avec les entreprises privées régulées par le marché. En effet, les actes pris par ces entités peuvent être frappés de nullité en cas de contentieux.

La disponibilité des outils de gestion prescrits par la loi Plusieurs entités publiques et notamment les établissements publics n’ont pas implémenté les outils de gestion exigés par la loi. Il s’agit du règlement intérieur du Conseil d’administration, de la charte de l’administrateur, de la grille d’évaluation du DG et du DGA, de l’élaboration de la politique financière, des outils d’évaluation des performances au regard de l’objet social de l’entité, de l’existence d’un site web fonctionnel et actif. Il apparaît globalement une insuffisance des capacités internes et un faible intérêt des dirigeants et organes sociaux à s’arrimer aux exigences des textes.

Ce d’autant qu’aucune sanction n’est prévue pour ceux qui ne le font pas dans les délais requis. Ils ignorent alors l’incidence de ce retard sur les performances attendues et les conséquences sur la classification dont la catégorie est indexée au chiffre d’affaires dans les trois prochaines années. En l’état actuel de leur fonctionnement et si rien ne change, on peut d’ores et déjà prédire une régression de catégorie de certaines entités publiques. III. Les questions en débats ü La difficile question de la qualité des ressources humaines au sein des organes sociaux en rapport avec les exigences du rôle du Conseil d’administration.

L’épineuse question des ressources humaines du MINFI en charge de l’évaluation des états financiers et de la performance globale des entités publiques. ü Les outils d’évaluation de la création des richesses par les entités publiques. ü Le cumul des fonctions de PCA et de tutelle. ü La mobilité des ministres nommés PCA des entités dont ils assurent la tutelle (cas du MINPMEESA et le poste de PCA de l’agence de promotion des PME actuellement assumé par le MINBASE.) ü Les critères de performance des entités publiques. L’assurance des PCA, au regard de la cartographie des âges. Le budget de fonctionnement des Conseils d’administration.

L’arbitrage des conflits PCA et DG ; DG et créanciers. 5 Conclusion Dans le contexte actuel, les entités publiques et l’État qui les accompagne devraient non seulement s’arrimer effectivement aux exigences de performance, mais également faire face à la récession induite par la pandémie de la Covid-19. Les principaux défis concernent la gestion du temps (accélérer la réforme), la rupture avec l’inertie due à la bureaucratie et l’agilité des dirigeants et acteurs sociaux des entités publiques. La question de l’identification et de la communication des critères d’évaluation de la création de la richesse par les entités publiques est une priorité et une urgence.

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