Louison Essomba : La loi portant Code général des Ctd ne nécessite pas un décret d’application
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Vu l’incident intervenu entre le Minddevel et le Minfi, l’enseignant de droit public à l’Université de Douala donne raison au dernier en matière de nomination des receveurs municipaux.

S’appuyant sur le Code général des collectivités territoriales décentralisées, le Minddevel a procédé à la nomination de receveurs municipaux dans certaines communes le 06 juillet dernier. Seulement, son collègue des Finances a annulé cet acte sur la base du décret présidentiel du 07 juillet, qui lui confère la compétence en la matière. Comment comprendre cette cacophonie ?
Vous savez au Cameroun, les textes se posent, se juxtaposent et se superposent. Ce qui fait qu’à un moment donné, lorsque survient un contentieux, il se pose le problème de savoir quel est le texte applicable. Mais dans le cas de l’espèce, ce qu’il faut savoir c’est que le ministre des Finances (Minfi) est compétent en matière financière, monétaire, budgétaire et fiscal. Par contre, le ministre de la Décentralisation et du Développement local (Minddevel), qui est d’ailleurs la tutelle des communes, n’est compétent que pour sanctionner les maires en cas d’indélicatesse. Une compétence qu’il partage avec le président de la République. Mais ce qu’il faut préciser c’est que le Minddevel n’est pas compétent pour nommer les receveurs municipaux. Cette compétent échoit au Minfi. Voilà comment il faut comprendre cette cacophonie. Le principe de la compétence sectorielle doit être respecté. Autrement dit, que chaque ministre sache où commencent ses compétences et où celles-ci s’arrêtent.

Étant donné que l’acte du Minddevel est intervenu avant le décret du chef de l’État, peut-on opposer le principe de non-rétroactivité de la loi dans le cas d’espèce ?
Un arrêté ne saurait être au-dessus d’un décret. Car, dans la hiérarchie des actes administratifs, le décret est l’acte administratif le plus élevé. Du coup, on ne peut pas ici songer à la rétroactivité. J’ajoute également que l’arrêté tire sa puissance et son autorité du décret dans cette hiérarchie.

L’image que renvoient ces altercations est que dans le processus de décentralisation, le gouvernement semble avoir cédé la chèvre tout en retenant la corde…
Effectivement ! Dans la pensée juridique, on dit que « donner et retenir ne vaut ». Lorsqu’on suit les discours du Président de la République, on est émerveillé de savoir qu’il y a une réelle volonté de décentraliser. On se souvient que lorsque la crise sécessionniste dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest battait son plein, le chef de l’État avait dit :

« Chers concitoyens, je vous ai compris. » Il y a en face, les sécessionnistes, les fédéralistes et les décentralistes. Nous étions pour la décentralisation. Et le président a promis qu’on en donnera un coup d’accélérateur. Alors d’où vient-il que, quand la loi qui est l’acte au-dessus du décret, l’acte référentiel ne l’a pas prévu, les gens convoquent des décrets d’application ? Nous voyons tous ce qu’il se passe avec l’article 66 de la Constitution. Voilà 24 ans plus tard qu’on attend toujours un décret d’application. On a vu la même chose avec la loi portant protection des personnes handicapées.

C’est sept ans après que cette loi est intervenue depuis 1983. Aujourd’hui, les avocats sur les questions liées à leurs émoluments attendent toujours un décret d’application. Mais une volonté subsidiaire du gouvernement ne peut pas bloquer une volonté du législateur. C’est celui-ci qui détient la souveraineté représentative. Je pense que l’État peut faire preuve de bonne foi. Par exemple lorsque les projets de loi sont soumis, au même moment on peut préparer un texte pour accompagner. Le fait qu’il y ait des retards par rapport à l’application des lois préjudicie gravement sur le fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées.

Un autre fait est que le Minddevel a demandé l’arrêt de l’exploitation des carrières dans les communes, au motif qu’il faut attendre un décret fixant les modalités d’exercice de ladite compétence. Cet acte ne constitue-t-il pas une entorse à la loi quand on sait que le Code sus-évoqué ne prévoit pas de textes spéciaux ?
La loi portant Code général des Ctd ne nécessite pas un décret d’application. Tout simplement parce qu’elle ne le recommande pas. Lorsqu’une loi est prise, la même loi référentielle précise que la présente loi sera complétée ou sera accompagnée d’un décret d’application qui va déterminer les conditions et les modalités d’application. Le code général sus évoqué est clair en son article 497 alinéa 5. Cette disposition précise que les services déconcentrés qui relevaient autrefois de l’autorité du gouverneur sont désormais transférés au président du conseil régional et un décret d’application viendra fixer les conditions de transfert, les conditions d’identification des services et les modalités de gestion.

Cela signifie que toutes les dispositions clairement établies n’ont pas besoin d’un décret d’application. Et la présente loi n’invite pas le gouvernement à le faire sur l’ensemble du texte. L’invitation doit être expresse pour compléter ou combler les zones d’insuffisance ou les zones creuses de la loi. Il ne faudrait pas que les gens viennent poser des obstacles au bon fonctionnement des communes. Les populations locales ont déjà besoin d’un épanouissement. Il faut qu’on arrête avec ces questions qui ne sont qu’un dilatoire préjudiciable au fonctionnement des collectivités territoriales décentralisées.

En revanche, c’est vrai que pour le cas du contentieux de la commune de Penja, il faudrait un arrêté du ministre des Mines pour préciser les cahiers de charges, de manière à indiquer quelle sera la part qui reviendra à la commune et quelle sera la part reversée dans les caisses de l’État.

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