Eneo : Le courant de griefs
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Les plaintes récurrentes des clients font état d’une qualité de service qui alterne entre surfacturation, arrivée tardive des factures et suspensions intempestives des lignes.

Plusieurs agences d’Energy of Cameroon (Eneo Cameroun) ne désemplissent plus. A Yaoundé, de nombreux usagers s’y donnent rendez-vous tous les jours ouvrables. Ils viennent pour payer leurs factures, mais surtout pour exposer une longue liste de griefs. Lesquels sont aussi multiples que divers. Entre surfacturation, arrivée tardive des factures et coupures intempestives, les abonnés d’Eneo-Cameroun se disent désemparés. C’est le cas de dame Balana, une abonnée résidant au lieu-dit «TKC ». Celle-ci est dans le noir depuis le 27 mai dernier, date à laquelle elle a reçu la visite de deux agents Eneo accompagnés d’un huissier de justice. Ces derniers ont dit « être mobilisés pour une campagne de vérification du travail des releveurs ».

Elle rapporte qu’ils ont présenté un ordre de mission. « J’ai montré les deux compteurs dont je suis propriétaire. Ils ont commencé à démonter celui qui m’alimente au motif que je l’ai truqué. Voilà le début de mes déboires », s’indigne cette mère de famille. Bien après, « Je suis allée à la délégation régionale d’Eneo à Yaoundé, [le 28 mai dernier]. L'accueil fût difficile et Jusqu’aujourd’hui, rien n'avance. Je suis toujours dans le noir », déplore-t-elle.

Mode de facturation

Ajouté à cela, dame Balana dit n’avoir reçu aucune facture physique des deux compteurs depuis plus de deux mois. «Le dernier releveur Eneo est venu relever un de mes compteurs le 22 février 2020», dit-elle. Mais pour ce qui est de l'autre compteur, elle reçoit «des messages téléphoniques (SMS) en guise de factures à plusieurs reprises en un mois», se plaint-elle. L’incompréhension de ce mode de fonctionnement l’amène à ne pas payer. Ce qui lui a valu un avis de suspension de ligne déposé à son domicile le 24 juin. Entre mécontentement et déception, Désiré, habitant au quartier Ekounou-Ayéné, toujours à Yaoundé, souffre aussi le martyre dans sa relation avec Eneo. Ce dernier reproche à ladite entreprise « des surfacturations ». Il explique que « des personnes qui occupent des chambres avec un réfrigérateur et une télévision reçoivent une facture de 15 000 Fcfa, tandis qu’en face d'eux, dans un domicile équipé d’un réfrigérateur, d’un congélateur, d’un fer à repasser, des télévisions au salon et dans les chambres, la facture ne s'élève qu'à 3 000FCfa par mois ».

De plus, « les factures que déposent les agents d’Eneo ne renseignent pas sur les indices de consommation. Les nouveaux compteurs installés par Eneo tournent excessivement vite. J’ai l’impression qu’ils sont truqués d’avance », pense-t-il. Il ajoute que : « la communication entre l’entreprise et ses usagers est presqu’inexistante. Le client a de la peine à s’expliquer. L’accueil désobligeant, les coupures intempestives, la mauvaise qualité de l’énergie électrique et les pannes sont notre quotidien ». Le 15 juin dernier, un autre usager, Thierry Ndoh, journaliste, est sorti de sa réserve via sa page Facebook. « C'est tout à l'heure à 6h30 minutes que je reçois un SMS laconique du serveur d'Eneo Cameroun via son agence de Nsam, me demandant de m'acquitter au plus tard le 24 juin du paiement de ma consommation mensuelle de l'électricité qui s’élève à 12. 443 FCfa. Un acte tout à fait banal pour tout consommateur, mais ce qui l'est moins, c'est désormais le modus opérande de nos supposés partenaires... Car depuis plusieurs mois déjà, Eneo envoie des SMS estimatifs de la consommation moyenne mensuelle de ses abonnés, du moins chez moi et chez d'autres personnes que je connais, sans toutefois envoyer ses agents relever le fameux index comme par le passé. Lorsque ces derniers passent, c'est a posteriori, pour déposer votre facture physique, parfois lorsque vous avez déjà réglé le paiement. J'ai demandé si un agent d'Eneo est passé depuis le 22 mai 2020 (date de mon dernier paiement), la réponse est formelle : non », expose-t-il.

Suspension de lignes

Mathurin (Nom d’emprunt) quant à lui s’émeut de « recevoir des factures, parfois par SMS, un jour avant la date limite ou même le jour-j. Parfois, lorsqu’on paie avec des retards, ils nous suspendent et ajoutent des amendes incompréhensibles ». Depuis quelques jours, l’entreprise de distribution d’énergie électrique a lancé une campagne de répression auprès des usagers insolvables. C’est ainsi que le 27 juin dernier, Séraphin a assisté, stupéfait et impuissant, au démontage de son compteur. Raison avancée par les agents d’Eneo : facture non réglée. Ce que rejette cet usager qui dit avoir reçu ladite facture la veille [le 26 juin, ndlr]. « Grande est ma surprise de découvrir que c’est aussi ma date limite », regrette-t-il.

Régulation

La facturation estimative a fait réagir l’Agence de régulation du secteur de l'électricité (Arsel) par le biais de son directeur général, Jean Pascal Nkou, dans une lettre adressée au directeur général d’Eneo avec pour objet : «suspension de l’opération d’estimation des index des compteurs d’énergie électrique». Dans cette lettre, le régulateur reproche à Eneo d'avoir lancé une opération sans toutefois avoir eu « l’approbation de l’Arsel avant son démarrage conformément à l’article 7 et à l’arrêté du Minee portant approbation du règlement de distribution publique d’électricité (…) qui définit les conditions de facturation et de paiement ».

Pour l’Arsel, l’estimation systématique des index est une violation des textes. L’un d’eux, dont l’article 3.1 de la décision du 28 mai 2012 fixant les tarifs des ventes hors taxe d’électricité applicable par AES-Sonel stipule qu’« afin d’éviter tout retard dans la relève des index ou risque de faire passer indûment le consommateur à une tranche de consommation au coût du Kwh plus élevée, AES-Sonel est astreint au strict respect des dispositions de l’article 7.2 du règlement du service de distribution publique d’électricité que les factures sont établies mensuellement, en principe à date fixe, et distribuées par les agents d’AES-Sonel aux points divers de consommation ».

Ce qui a poussé le régulateur à demander la suspension de cette opération et à procéder à la relève des index en vue de corriger les factures servies aux consommateurs au cours du mois de mai 2020. Mais également, procéder à la régularisation des factures conformément aux dispositions de l’article 3.2 de la décision susmentionnée qui stipule que « au cas où la relève ou la facturation interviendrait au-delà de 30 jours, AES-Sonel a l’obligation de reporter le supplément de consommation dans la facture du mois suivant ».

Réparations

Du côté d’Eneo, bien que contactée à plusieurs reprises, l’entreprise n’a pas souhaité répondre à nos questions. Néanmoins celle-ci reconnaît les limites de son opération «COVID-19 : Eneo limite les visites des releveurs chez vous», lancée au mois de mai. Laquelle visait à réduire la présence de ses agents dans les ménages. Celle-ci consiste à prélever les index sur les compteurs six fois par an. Soit une fois tous les deux mois, avec une estimation de la consommation au cours du mois intermédiaire. C’est ainsi que sur son site internet et ses plateformes sociales, Eneo dit s’engager dans la voie de la réparation. Au sujet de l’estimation des facturations mensuelles de consommations électriques, l’on apprend qu’« un ensemble de mesures seront prises à compter de cette semaine et seront mises en oeuvre progressivement pour amorcer une nouvelle relation entre Eneo et sa clientèle.

Les premières mesures concerneront dans un premier temps les agences de Douala, Yaoundé, Bafoussam, Garoua et Maroua. La direction générale suivra de très près la bonne mise en oeuvre de ces nouvelles mesures sur le terrain », peut-on lire. A cette plainte comme à plusieurs autres, les usagers ayant subi un préjudice quelconque sont invités à déposer leurs requêtes sur des plateformes numériques.

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