Après Biya : La succession de gré à gré est-elle possible au Cameroun ?
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Après Biya : La succession de gré à gré est-elle possible au Cameroun ? :: CAMEROON

Le pouvoir en place serait-il en train d’organiser un remplacement du chef de l’Etat par un membre de son entourage ? Maurice Kamto et d’autres opposants le pensent. Le Rdpc dément. Quels sont les scénarios probables ?

C’est un sujet qui est souvent revenu au centre des discussions au Cameroun. Et le président Paul Biya, lui-même, n’a pas échappé à la question. En octobre 2007, sur le plateau de France 24, il déclarait : «On fait tous des efforts pour bâtir une démocratie. Le moment venu, il y'aura des candidats. Je crois que l’idée de préparer quelqu’un c’est un peu des méthodes de la monarchie ou de l’oligarchie. Les Camerounais sont assez mûrs pour, le moment venu, choisir», disait Paul Biya. Relance du journaliste : «Il n’y a pas de dauphin ». Réponse de Paul Biya : «Je crois que dans une République qui fonctionne bien, le mot dauphin résonne mal».

C’était il y a 13 ans. Le contexte était différent en ce moment-là. Paul Biya entamait son dernier mandat, car la Constitution ne permettait pas qu’il soit candidat en 2011. Il était donc plus que jamais question de succession. Quelques mois plus tard, celle-ci était modifiée. La Constitution ne limite plus les mandats, mais l’âge du président remet au goût du jour la question de sa succession. Paul Biya avait été clairement choisi par son prédécesseur pour devenir président de la République du Cameroun. Et dans les esprits de beaucoup de Camerounais, la succession de Paul Biya devait se faire dans les mêmes conditions. Au fil des ans, des noms de potentiels dauphins ont été cités, sans que l’on puisse véritablement savoir s’il s’agissait de simples supputations ou si un projet dans ce sens existait véritablement. Aujourd’hui encore, des noms circulent. Et malgré les dénégations du pouvoir en place, malgré le dispositif constitutionnel, bon nombre de Camerounais restent convaincu de ce que Paul Biya se prépare un successeur.

Maurice Kamto, le président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), a donné une nouvelle actualité au sujet. D’abord le 19 mai, à la veille de la fête nationale du Cameroun. Parlant du long silence du chef de l’Etat depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19, il déclarait : «Ceux qui veulent diriger le Cameroun par le biais de la succession de gré à gré et leurs soutiens tentent d’expliquer qu’il est normal qu’un Président de la République disparaisse pendant des mois, abandonnant son peuple aux prises avec une pandémie qui sème la mort».

Une dizaine de jours plus tard, il est revenu sur le sujet dans une déclaration faite sur Facebook. «A maintes reprises, et récemment encore dans mon adresse du 19 mai 2020, j’ai attiré votre attention sur les manoeuvres visant à organiser la succession de gré à gré à la tête de notre pays. Je puis vous dire aujourd’hui que les choses se précisent. Les artisans du gré à gré sont plus que jamais à l’oeuvre. Par ce biais, ils veulent accélérer le cours de l’histoire à leurs fins, au mépris de toutes les règles démocratiques de dévolution du pouvoir et des souffrances du peuple camerounais, je voulais dire de vos souffrances», lançait-il à l’entame de son adresse.

Le président du Mrc précisait que lui et ses partisans s’opposeraient à un tel scénario de passation du pouvoir. «Nous nous dresserons contre toute manipulation, même constitutionnelle, tendant à l’accession à la fonction suprême par des moyens autres qu’électifs», disait-il notamment. Mais qu’est-ce qui a bien pu alerter Maurice Kamto, qui deux fois en moins de deux semaines a attiré l’attention sur la succession de gré à gré ?

C’est clair, le mécanisme constitutionnel actuel ne permet pas au président de la République de désigner un successeur. Mais les choses peuvent évoluer. Une rumeur persistante voudrait d’ailleurs qu’un projet de loi visant une modification de la Constitution soit bientôt déposé à l’Assemblée nationale. Seulement, ce n’est pas la première fois que court pareil bruit. Cependant les regards sont tournés vers l’Assemblée qui est entrée en session la semaine dernière. A la suite de Maurice Kamto, Me Yondo Black, avocat et ancien Bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun, a attiré l’attention sur un plan qui serait en cours pour une transition de gré à gré. «Non au gré à gré, oui à une transition démocratique», a-til lancé dans une vidéo publiée le 5 juin dernier.

Du côté du parti au pouvoir, Jacques Fame Ndongo, le ministre de l’Enseignement supérieur, a réagi aux alertes de Maurice Kamto. « Il a sorti ce canular du magma effervescent et incandescent de son imagination féconde et vagabonde. Ce subterfuge n’existe pas dans notre Constitution. Il ne peut donc être utilisé par qui que ce soit, a fortiori par le Président Paul BIYA, Camer.be. légaliste pur et dur. Le Chef de l’État est riche d’une solide formation juridique et humaniste, ainsi que d’une expérience administrative et politique inédite au Cameroun. Avec tous et pour tous, il a façonné, obstinément, un État de droit qui fonctionne à l’aune des lois connues de tous et applicables à tous. L’idée de violer la Constitution ne peut guère effleurer son esprit cartésien et républicain. L’allégation de M Kamto participe donc de la désinformation et du viol des consciences», a-t-il déclaré.

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