Au-dessus de la mêlée
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Combien étaient-ils mardi soir, frétillant d’impatience, scotchés à leur poste de télévision, leur plateforme numérique, ou leur récepteur radio, pour voir, écouter Paul Biya ? Plusieurs dizaines de milliers, voire des millions sans aucun doute, au Cameroun et ailleurs. Eternel paradoxe d’un homme d’Etat moins enclin à communiquer qu’à gérer, décider et agir, mais dont la moindre parole et même le moindre silence déclenchent une curiosité, une attention et un intérêt soutenus, presque compulsifs.

Phénomène médiatique, mais aussi politique, Paul Biya l’est assurément. Il l’est d’autant plus qu’il se plaît à cultiver lui-même sa différence, sur ce sujet de la prise de parole comme sur d’autres. Pourquoi en effet marcher sur les sentiers battus et s’aligner sur la «modélisation» des chefs d’Etat, qui doivent sans raison valable reproduire comme des automates, les mêmes réactions devant les mêmes événements, alors qu’ils dirigent des pays différents et des peuples aux destins singuliers? Le choix de ce 19 mai peut donc être lu comme l’art de savoir jouer de sa propre musique face aux adeptes du conformisme et du mimétisme intégral.

A y regarder de près, le chef de l’Etat ne pouvait pas mieux choisir que ce 19 mai, veille de la Fête nationale, chargée de symboles, pour délivrer cette parole tant attendue. La Fête nationale qui, soit dit en passant, ne commémore pas chez nous la date de l’indépendance politique, comme partout ailleurs en Afrique, mais plutôt l’unité, c’est-à-dire le choix raisonné des Camerounais de cheminer vers l’avenir comme un seul peuple, en réécrivant autrement le récit national, sur les cendres de l’arbitraire colonial. La Fête de l’Unité était bien le bon moment pour nos concitoyens de trouver dans la présence et la parole de leur leader, du réconfort et de l’apaisement, malgré la tristesse de l’absence de réjouissances publiques, la peur de la pandémie du Covid-19, et le blues qui a saisi chacun face à tant de bouleversements et de drames.

On peut penser que les impatients ont été comblés au-delà de leurs espérances. Au regard du contexte. Le monde vit en effet un temps inédit, avec la pandémie du Covid-19, dont les ravages humains, sociaux et économiques dépassent l’entendement. Aucune nation, quelles que soient ses avancées technologiques, infrastructurelles, médico-scientifiques, ne paraît à même d’en venir à bout sans une facture humaine et financière particulièrement élevée. Un moment de sidération et d’impuissance globales, sans équivalent dans l’histoire récente. Une période particulièrement anxiogène donc, alors que pèsent déjà lourdement sur notre mental la pression des violences des bandes armées et des groupes séparatistes dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, les exactions sporadiques de Boko-Haram et l’instabilité à la frontière centrafricaine.

Comme à son habitude, le président de la République s’est placé au-dessus de la mêlée, revêtant tour à tour son costume de père en devoir de protéger, rassurer, compatir, galvaniser et rassembler. Et celui de dirigeant lucide, qui se projette déjà, en outre, au-delà de la crise sanitaire et exhorte le gouvernement à plus d’inventivité et d’audace, pour sauvegarder l’économie et la stabilité du pays. A la vérité, Paul Biya aura été bien plus : «un absorbeur d’inquiétude et un diffuseur de confiance», selon les mots du général d’armée Pierre de Villiers, ancien chef d’état-major des armées françaises. Dans son ouvrage, Qu’est-ce qu’un chef, publié chez Fayard, le général Pierre de Villiers écrit: «Le monde d’après-guerre-froide a disparu. Les Etats-Unis ne sont plus l’hyperpuissance des années 90. L’ONU, l’OMC, le G20 sont des cadres. Il n’y a pas encore de vraie communauté internationale.

Résultat: un monde chaotique. Une mer très agitée. Dans ce contexte, la solution passe probablement par une idée simple: le chef qui rassure est celui qui est un artisan de paix. Pacifique (…), et pas pacifiste, car la faiblesse est génératrice de tous les maux.» En quelques phrases chocs, assénées la mine sereine, Paul Biya a rassuré les Camerounais de sa détermination à se battre pour eux, et absorbé leurs inquiétudes. Surtout, il s’est placé dans la position assumée de mendiant de la paix, en invitant tout le microcosme politique et tous les leaders sociaux à l’union sacrée contre un ennemi commun, le Covid-19. Au-delà des tentatives de récupération, Paul Biya met en garde contre un autre danger sur la route: l’indiscipline.

Ainsi n’a-t-il pas hésité à user de répétition, dans une attitude volontiers pédagogique pour fustiger la désinvolture et l’insouciance de certains compatriotes, susceptibles d’annihiler l’effort collectif. D’où l’appel présidentiel au sens des responsabilités, et celui à toutes les forces vives pour se jeter dans la bataille sans réserve aucune. Dans un second tableau, le chef de l’Etat est apparu sous les traits du leader pro-actif et déjà tourné vers l’avenir, en pleine crise. Ce faisant, il laisse entendre que cette crise sanitaire si prégnante se joue en deux rounds, comme dans un match de boxe. Et malheur au dirigeant qui n’anticipe pas dès le début du combat la seconde phase, et l’issue même du combat…

A écouter le président de la République, on réalise que les mesures d’assouplissement du confinement, si mal comprises, étaient déjà stratégiquement, la première réponse à la crise économique, qui se profile au second round… Parce que cette pandémie est pour les gouvernements de tous les pays un chemin à hauts risques entre deux précipices: l’hécatombe sanitaire, signe de morts illimitées, et l’écroulement économique, synonyme de cataclysme politique et social.

Un chef véritable se doit de préparer simultanément, dans une vision stratégique, les deux plans de riposte, avec un même leitmotiv : sauver l’Homme. Comme tout le monde peut le constater, c’est dans cette démarche que s’inscrit le président de la République. On comprend alors pourquoi le gouvernement est doublement interpellé, exhorté à redoubler d’ingéniosité d’une part, pour gérer avec parcimonie l’effort de guerre déjà consenti, et d’autre part pour atténuer autant que faire se peut, les conséquences économiques et sociales de la pandémie, en ayant à cœur de préparer le monde d’après Covid-19.

Un monde où les industries locales fabriqueront les principaux produits dont le pays a besoin, un monde où l’offre de soins sera plus importante, les hôpitaux plus modernes, le corps soignant plus considéré. Mais non, ce n’est plus un rêve! Parce que c’est la mission régalienne du gouvernement de la République de traduire dans les faits et les œuvres la vision présidentielle. Celle-ci est connue: faire du Cameroun un boulevard d’opportunités et de réalisations. A quelque chose, Covid est bon!

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