La fermeture de la polyclinique Marie O : Une affaire piégée par l’idéologie et le corporatisme
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La polyclinique Marie O , dont le Docteur Roger Ngoula est le propriétaire , occupe désormais le champ de la discussion citoyenne comme un sujet clivant , pis encore, comme le symbole d’une médecine noyée dans <<les eaux glacées du calcul égoïstes>>Karl Marx.

Commençons très vite par les cinp W énoncés par Ernest Hemingway (who, what, where, when, Why) considérés aujourd’hui comme les bases fondatrices du journalisme. Ils constituent les règles primordiales que doit respecter un journaliste pour écrire un article.

La polyclinique Marie O installée à Douala plus précisément au quartier Mbali a été mise sous scellés par le préfet du Wouri Benjamin Mboutu sur instruction du ministre Manaouda Malachie le 14 Mai 2020. Le motif de la fermeture se trouvait sur un document apposé à l’entrée de l’établissement. Dans celui-ci on pouvait lire ceci : <<non-respect de la règlementation et atteinte à la morale publique>>. En clair ce qui est reproché à cette clinique semble relever davantage du rapport à la loi et à la morale. Certes on verra plus loin que le fond du dossier est beaucoup plus complexe que les motifs officiels de la fermeture.

Le rapport à la loi : Un arrêté rendu public en Avril dernier stipulait que les centres spéciaux de la prise en charge des patients du Covid-19 sont les lieux habilités à tester le coronavirus. Or les responsables de la clinique Marie O ont visiblement choisi de ne pas en tenir compte.

Le rapport à la morale : Il renvoie à la mise en indexe d’une dérive mercantile constatée dans les cliniques privées tentées par la facturation exorbitante.

On reproche notamment à la clinique Marie O une facture de 1 millions de francs CFA liée à la prise en charge d’un septuagénaire atteint du covid-19. On s’était plaint par ailleurs d’une autre facture de 6 millions de francs. Les révélations se sont amoncelées avec l’apparition d’une facture plus importante de 14 millions. Tout ceci dans la même clinique.

En réalité si on prend en compte toute la littérature qui a circulé entre minsante et les professionnels de la santé , notamment la fameuse circulaire du 29 Mai 2020 signée par Manaouda Malachie, on constatera que les motifs de la fermeture de la clinique Marie O vont bien au-delà du rapport à la loi et à la morale. Il existe aussi des considérations qui tiennent à la pratique médicale. Le recours au scanner pour détecter la contamination au Covid-19 a fait l’objet de controverses. Il a été reproché aux médecins du privé, de recourir de façon abusive à une pratique très coûteuse dans un contexte de pandémie. Par ailleurs le gouvernement de la république n’avait-il pas déclaré la gratuité totale des soins relevant du Covid 19 ? Pour mettre un terme au mercantilisme qui semblait accompagner le recours excessif au scanner , le ministre de la santé a tenu à préciser que le diagnostic de laboratoire par la Real time reverse polymérase chain reaction (RT-PCR) était l’examen de référence pour la confirmation du SARS-Cov-2 , agent causal de l’infection au COVID 19.

Sur le plan de la fiabilité, le dépistage au moyen du RT-PCR ne fait pas l’unanimité du fait du nombre parfois important de diagnostics erronés liés à ce test. Pour ceux qui s’opposent à la primauté du test RT-PCR, le scanner est le moyen de dépistage

le plus approprié. Dans une étude de plus de 1000 patients publiée dans la revue Radiology , la tomodensitométrie thoracique a surpassé les tests de laboratoire dans le diagnostic du coronavirus 2019 .Les chercheurs ont conclu que la tomodensitométrie devrait être utilisé comme principal outil de dépistage du Covid-19.

La récupération politique :

La politisation de l’affaire a commencé avec l’entrée en scène du député Jean Michel Nintcheu et son collègue jean Robert Waffo. Les cadres SDF semblent avoir ouvertement choisi leur camp. Ils ont pris fait et cause pour Roger Ngoula. L’argument central de leur plaidoyer est d’affirmer que la facture de 6.300.495 FCFA mentionnée dans les réseaux sociaux, émise par la polyclinique et portant le nom d'un de ses patients ne concerne pas un malade atteint de la covid-19.

La défense des cadres SDF repose sur des bases faibles. Même quand ce qu’ils disent serait vrai, la colère qui enflamme les réseaux sociaux ne s’essoufflerait pas aussi vite car l’interrogation éthique reste entière. Est-il normal de facturer à 6.300.495 FCFA une prise en charge médicale dans un pays pauvre comme le Cameroun ? On se serait attendu que des politiciens d’opposition qui prétendent défendre le petit peuple commencent tout d’abord par s’offusquer d’une facturation d’un tel montant. Sur cette affaire c’est le ministre Manaouda Malachie qui est visiblement du côté des pauvres et les cadres SDF du côté des capitalistes.

On constate aussi que Roger Ngoula et ceux qui le défendent ne se trouvent pas totalement sur la même ligne de défense. Les cadres SDF attribuent la facture de 6 millions à un malade qui d’après eux ne souffrirait pas du Covid-19. Roger Ngoula a quant à lui opté pour une ligne de défense un peu différente de celle de ses alliés de circonstances. Il dit dit "ne pas être à l'origine de la facture de 6.300.495 FCFA mentionnée dans les réseaux sociaux, émise par la polyclinique et portant le nom d'un de ses patients". Il poursuit en relevant qu'il "en dégage sa responsabilité"

Le Syndicat des médecins : Une bourgeoisie en rangs serrés

Le Syndicat national des médecins du cameroun (Synamec) a très vite réagi. Il a protesté contre cette décision qu’il considère comme arbitraire d’autant plus qu’aucune enquête n’a été menée et que Roger Ngoula n’a pas eu l’occasion d’être entendu par les institutions. Quel est dans cette attitude la part du corporatisme et la part de l’intérêt général ? Les médecins membres de ce syndicat appartiennent tous à des cliniques privées qui sont elles aussi coupables des mêmes pratiques qu’on reproche à la polyclinique Marie O. Ils ne vont donc pas couper une branche sur laquelle ils sont assis.

La fermeture la polyclinique Marie O a certainement été une décision extrême. Personne ne saurait se réjouir de la mise au chômage d’un nombre importants de personnes, pères et mères de famille. Nous espérons voir très prochainement la réouverture de cet établissement dont la vocation première est de sauver les vies. Le Dr Roger Ngoula qu’on dit proche du pouvoir est d’ailleurs très optimiste sur le développement futur de toute cette histoire et son dénouement inéluctable.

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