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© rolandtsapi.com : Roland TSAPI
- 21 Feb 2020 09:33:00
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CAMEROUN :: Crise anglophone : l’indifférence complice des francophones :: CAMEROON
Depuis bientôt 4 ans aujourd’hui, le Cameroun fonctionne à double vitesse, ou plutôt il y a deux types de Camerounais clairement identifiés : des Camerounais entièrement à part, ceux-là qui n’ont pas droit à une vie normale faite des occupations quotidiennes. Ceux-là sont des habitants des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et de certaines localités de la région de l’Extrême Nord, qui sont devenus des réfugiés dans leur propre pays pour certains, ou des morts en sursis qui attendent le dernier jour sur place pour les autres.
Ceux-là sont pris entre deux feux, ils se couchent chaque jour la peur au ventre, ne sachant pas s’ils vont se réveiller le lendemain, ou s’ils ne vont pas devenir des victimes collatérales des forces armées, des séparatistes ou de Boko Haram, ils vivent chaque jour comme leur dernier jour, et voir le lendemain est pour eux un miracle. Les kidnappings, les viols, les tortures, le rançonnement, ils les connaissent, et sont même arrivés à ne plus se rendre compte qu’ils sont des otages d’une guerre dont ils ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants.
Et il y a des Camerounais à part entière, qui jouissent de la plénitude de la vie, ils peuvent aller et venir sans craindre d’être kidnappés par des séparatistes. Ceux-là dansent, chantent, fêtent, tandis qu’ailleurs, non loin de là, ce sont les atrocités qui se multiplient. Ils regardent ces atrocités à la télévision en buvant une bière, ils font des commentaires et discutent sur les nombres de morts de l’autre côté autour d’un poisson.
Après la fête de saint valentin le 14 février, ils pensent déjà à la prochaine occasion de festoyer, qui sera le 8 mars. Et pour cela les filles et les femmes font déjà la queue, se bousculent devant certains commerces pour acquérir le pagne de ce 8 mars. Le spectacle à Douala et Yaoundé est tel que les médias en font même les sujets de reportage. Ici on est insouciant, tout roule.
Insouciance
Mais comment dans un même pays, une partie de la population peut rester aussi indifférente vis-à-vis de la souffrance des autres ? Qu’est-ce qui peut expliquer une telle inaction et autant de manque de compassion ? C’est vrai que le pouvoir de Yaoundé est le premier à minimiser ces souffrances, puisqu’il peut organiser ses élections comme si de rien n’était, et même déclarer que ces populations pourtant terrées chez elles sont sorties en masse pour aller voter. Mais la population francophone est-elle autant dépourvue de conscience pour ne pas discerner le vrai du faux ?
Un enseignant qui suit de près cette situation en est arrivé à se poser la question de savoir si par son silence et son manque d’action, la population des régions d’expression française n’est-elle pas complice de ce qui se passe dans les deux autres régions ? Il ne s’attend pas à ce que l’on descende dans la rue pour manifester sa solidarité, il ne demande pas que des actions d’éclats soient menées, il se demande simplement pourquoi le corps enseignant par exemple, par solidarité envers leurs collègues des zones en crise et des élèves qui ne vont plus à l’école normalement, ne peut par marquer un jour d’arrêt chaque mois, ou poser juste un acte symbolique ?
Dans le même sillage des actes symboliques, le mouvement Stand Up for Cameroon ou Debout pour le Cameroun de Edith Kah Wallah, a initié depuis longtemps les vendredis en noirs, pour dire non à toutes les injustices que connaissent les Camerounais dans l’ensemble. L’idée consiste simplement à s’habiller en noir tous les vendredis, ce qui n’offense personne, l’ordre public des sous-préfets n’est en rien troublé. Mais en dehors de quelques organisations de la société civile qui ont repris l’idée, les populations dans l’ensemble sont restées indifférentes. Et ce n’est pas faute d’avoir de tenue noire, car il suffit de faire un tour à la levée de corps ou aux obsèques pour en voir de toutes les coupes. N’est- ce pas mesdames ?
Egoïsme
Dans un article publié en 1994, le philosophe français Jean Jacques Wunenburger, décrivait un type de société, qui s’avère être celle qui s’observe au Cameroun aujourd’hui : « l’indifférence est réputée gangrener notre société individualiste, elle est une expression majeure de l’égoïsme, voire de l’hostilité envers l’humanité. Sous ce terme devenu péjoratif, sont d’ailleurs souvent confondues deux attitudes à bien des égards différentes : la première, à caractère intellectuelle consiste surtout en une neutralité de jugement, par laquelle on reste sans opinion, on ne veut pas prendre parti, la seconde, à caractère affectif, fait qu’on se montre insensible, sans cœur aux drames et souffrances d’autrui, ce qui entraine l’inaction, qui peut devenir franchement inacceptable lorsqu’on ne porte pas assistance à une personne en danger par exemple. Dans un cas on se montre indifférent par rapport à la vérité, dans l’autre, indifférent à autrui. »
Individualiste, égoïste, hostile envers l’humanité, voilà ce qui décrit bien cette population qui regarde sans rien faire les souffrances des autres, même pas s’émouvoir un instant. Le drame de Ngarbuh est venu rappeler pourtant que le danger plane toujours au-dessus de tous, et il serait illusoire de penser que ça se passe ailleurs, que l’on est bien éloigné de cela.
Quand le feu brûle chez le voisin il est sage de l’aider à éteindre, car le vent peut emporter la flamme chez soi. Il est désormais urgent pour chaque Camerounais de se poser la question de savoir ce qu’il a fait de concret, ne serait-ce que pour marquer sa désapprobation par rapport cette guerre horrible, sinon il rentre dans la catégorie d’égoïste que décrivait le philosophe.
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