PAUL BIYA, LA PROIE DU GRAND SILENCE
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À Yaoundé, l’heure est grave, chez les ministres et DGs surtout. Ils ont le ventre et la vessie pleins de bon poison, mais ils souffrent plus qu’un planteur de cacao de la traversée du fleuve Sanaga dont les champs viennent d’être ravagés par des feux de brousse impitoyables. Nos ministres sont pensifs, oublieux d’effroyables ostentations qui ont présidé à leur fortune insolente et à leur puissance sociale usurpée. C’est maintenant qu’ils réalisent que l’étymologie d’un mot doit être conforme à ses usages pratiques : ministre veut dire serviteur ! Ils le comprennent trop tard : la colère gronde dans les villages, la jeunesse des villes menace de prendre le contrôle de la rue, des révoltés d’un autre genre font le siège à leur bureau. Entre-temps, les policiers qui ont été appelés en renfort sont subitement devenus espiègles et perdent un temps précieux pour agir. Depuis des jours que ça dure, ils donnent l’impression de réfléchir ! Signe prémonitoire de ce qui arrive…. Les ministres qui étaient déjà épuisés à cause des intrigues, de la guerre de leadership dans leur communauté respective et de la culture de la méchanceté ne réussissent plus à se réunir entre eux. Tout le monde est nerveux. Ils ne comprenaient pas déjà la politique du Renouveau. Ils ne connaissaient que la force brute, l’intimidation, la corruption, le mensonge et le meurtre gratuit. Maintenant, ils ne se retrouvent plus dans la grammaire politico-stratégique décentralisée qu’impose Étoudi.

Et demain Paul Biya parlera, comme s’il n’avait rien vu, comme s’il n’entendait rien. C’est ça qui tue ses ministres : depuis des années, le Grand camarade jouait au muet, au sourd. Maintenant il fait l’aveugle. Il donnera sereinement, cyniquement, son Discours annuel à la nation, où il fera le bilan des années tourmentées que nous avons connues ; il sera plus rassurant par rapport à la situation au Nord-ouest et au Sud-ouest ; il fixera le cap des grandes opportunités aux plans économique et social avec des annonces de création d’emploi dans certains domaines. Au plan politique, en considérant le double scrutin législatif et municipal du 09 février prochain, il fera comprendre à ses concitoyens l’importance de la décentralisation et les responsabilités qui incombent désormais à la haute administration et aux citoyens, à Election Cameroon, pour que la fonction publique locale apporte la paix sociale et la prospérité à travers la sélection transparente des acteurs capables d’impulser cette nouvelle dynamique.

Mais la fonction présidentielle ne consiste pas à discourir. Elle consiste à faire, c’est-à-dire à promouvoir le bonheur des citoyens en combattant la misère, les inégalités et les abus de toutes sortes. Être Président, c’est se constituer un dispositif programmatique de rayonnement d’une nation. Un Chef d’État invente l’avenir qui convient à son peuple. Parler est le travail des prêtres, des imams, des journalistes, des philosophes, bref de tous ceux qui expirent le verbe fort. Ce sont eux les maçons et les pédagogues de la société ; ils manipulent la bêtise au quotidien et travaillent les consciences pour la génération d’un esprit républicain. Parler est aussi le devoir des ministres. Leur expression consiste en principe à l’édification d’un édifice social ou économique. Car en tant que membres du gouvernement, ils ont la double responsabilité d’expliquer les grandes lignes de la politique du Président et d’exécuter sa volonté et le dessein de l’autorité suprême dont ils doivent comprendre les logiques et les desiderata. Dans la présente tribune, nous allons tout d’abord examiner le Grand silence et les faux « silences présidentiels » (I) ; nous allons ensuite décrypter le message présidentiel aux cœurs endurcis et l’enjeu du discours de demain (II) ; enfin, nous évaluerons les discussions entre Paul Biya et l’avenir de notre pays (III).

I/ LE GRAND SILENCE ET LES FAUX « SILENCES PRÉSIDENTIELS »

Le contraire du silence ce n’est pas la parole : c’est le bruit ! Gordon Hempton, un bioacousticien américain a recensé cinquante zones complètement à l’abri des nuisances sonores imputées aux activités humaines. Le bioacousticien est celui qui étudie le silence et qui se spécialise dans l’analyse des sons ne contenant aucun bruit d’origine humaine. Ce spécialiste américain a fait le tour du monde trois fois en trente ans à la recherche des sons totalement naturels. Malheureusement, il a oublié de passer par le Cameroun, ce murmure permanent de la terre à l’humanité. En effet, malgré la gesticulation constante des clowns au pouvoir, ce pays s’est mué en un cimetière lugubre où les serviteurs et conseillers du Prince, au moindre bruissement de l’opinion publique, attendent chaque jour l’annonce de leur délivrance ; ils quêtent à la télévision (surtout à la CRTV) le cercueil présidentiel ! La situation est si confondante qu’un chercheur mal inspiré, certainement ébloui par les flashes des caméras, a cru que ce silence assourdissant était le fait du Président lui-même, alors que ce dernier n’en est qu’une victime collatérale. Les gens qui veulent manger le pays s’acharnent sur lui ! Car, il est évident que tout le vacarme auquel nous assistons actuellement dans notre espace public et à l’étranger est le témoignage le plus édifiant du Grand silence où est plongé notre peuple. D’où vient-il que l’on vienne nous embrouiller le cerveau avec les théories peu assurées de « silences présidentielles » ? Être inspiré n’est pas mauvais en soi.

C’est lorsqu’on est passionné de son erreur que ce n’est plus bien. Comment peut-on sensément dire qu’on théorise, qu’on schématise, qu’on modélise et qu’on cartographie une impossibilité, quelque chose qui n’est pas ? Et on dit qu’on fait œuvre de scientifique. Et on attrape un doctorat avec ça ! Le principe même d’une telle recherche centrée non sur les modalités positives de l’expression présidentielle mais plutôt sur ses infra-expressions me pose problème. Valoriser les silences présidentiels dans ces conditions n’est qu’une espièglerie de la science qui évolue avec des théories rigoureusement démontrées certes, mais aussi, malheureusement, avec des fantasmes canonisés. Si l’universitaire de campagne dont nous parlons avait flirté avec la dialectique, c’est-à-dire le processus d’approfondissement d’un itinéraire (discursif et pratique) critique, il aurait compris qu’il n’y a pas de place pour le silence dans la magistrature suprême. Paul Biya était très fort en philosophie, si je m’en tiens à ses résultats en Terminale. Il a approfondit la dialectique et l’a porté à un tel niveau d’affinement qu’il est parvenu à une monolectique inédite. Le portail des camerounais de Belgique (@camer.be). Par monolectique, j’entends l’entreprise réflexive, politique et stratégique qui consacre la capacité d’avaler les contradictions pour survivre aux intrigues criminogènes des courtisans maudits. À ce niveau de pouvoir, au-dessus des mots, il y a des gestes, des actes, comme un coup de tête, même le clignement des paupières est infiniment puissant. À ce niveau de la communication politique, on est condamné à ne plus rien dire, on doit prédire le temps d’avenir ; l’on se mue ainsi en un visionnaire. Et pour que le peuple ait la chance de bénéficier de ces hautes anticipations du futur, les ministres doivent suivre ; ils doivent être capables d’une vision et se constituer partisan d’une éthique rigoriste.

Ce n’est pas que Paul Biya ne veut pas parler. C’est que le chuchotement des temps exigeants actuels le contraint à ne point même articuler un mot de plus. Et la sagesse traditionnelle africaine n’a rien à voir avec cette rétention mimée de l’expression. C’est la dénégation ambiante du bon sens qu’il cherche à contenir. Il n’est pas aphone ; c’est le silence qui l’environne qui égare les observateurs et les chercheurs qui s’y aventurent ; c’est l’absence des gens vrais et compétents autour de lui et le vide qui en est le corollaire qui lui subtilisent ses expressions et projets politiques. Son langage se mue dès lors en un magma de volontés réprimées mimées par des volontés sacrilèges des demi-dieux démentiels qui l’entourent. Biya est l’assomption immarcescible d’un intérieur prolixe qui bute contre le bruit extérieur. Il s’est résolu en n’écouter que son tôlé intérieur. C’est l’homme le plus loquace qu’ait produit le Cameroun ! Mais l’épouvante de sa solitude lui cloue le bec. Cette déréliction qui le terrifiait au départ est devenue, au fil du temps amer, la rampe de lancement de ses ambitions combatives. Il n’a pas un problème avec sa parole, qui est constante ; il se fait du souci avec la santé de l’ouïe des récepteurs privilégiés que sont ses « fidèles » et ses « créatures ». Les mots de Paul ne lui appartiennent plus. Aussi se résout-il à attendre. Biya n’est donc pas un silence ; c’est une attente agissante. Les autres attendent béatement sa fin pendant qu’il s’efforce de faire vivre ses propres idées, de construire des opportunités à ses concitoyens. Au final, il se fait l’incarnation du travail patient de l’espérance, l’espérance d’un pays nouveau que tous les Camerounais veulent voir réalisé. Il est l’attente d’une promesse neuve. Paul est calfeutré à la cime de son exception, l’inaccessibilité onto-anthropologique qui le confine à demeurer sur place, à ne point essayer de se déplacer, à se situer ailleurs…

II/ LE MESSAGE AUX CŒURS ENDURCIS : L’ENJEU DU DISCOURS PRÉSIDENTIEL AUJOUD’HUI

L’enjeu actuel de toute initiative présidentielle, c’est de contribuer à la mue du pouvoir, c’est de consacrer la renaissance. Paul Biya doit se débarrasser de sa protection illusoire pour revêtir la curasse du peuple, l’unique rempart pour sauver un leader national en proie aux rapaces superpuissants et aux ennemis de l’intérieur. C’est pourquoi il n’a d’autre choix que de se séparer de la crapule, de ses semblables et de leurs sortilèges criminels, quelle que soit la face avenante et humanitaire qu’elle puisse prendre à ce moment fatidique où elle tremble de perdre ses avantages non prévus par la réglementation en vigueur. Lorsque la révolte gronde dans la population, les larmes des traîtres impénitents n’ont aucun effet sur un pouvoir en danger. Le défi actuel est la promotion d’une nouvelle classe politique constituée de citoyens dont les qualités personnelles et les compétences professionnelles sont établies. Malheureusement, plusieurs de ces cadres méritants ont été recalés dans le RDPC au cours des dernières investitures. L’un des cas les plus symboliques du caractère mafieux de ces présélections au sein du parti au pouvoir est le Mayo-Sava. Cavaye Yéguié Djibril a tout simplement écarté un jeune universitaire pondéré, compétent et dont le parcours politique et professionnelle ne souffre d’aucune ride éthique. Le Pr Gwoda Abder Abel, enseignant et responsable décanal à l’université de Maroua, qui était déterminé à porter son expertise à l’Assemblée nationale, a été arrêté net par le faux, l’usage du faux, l’imposture et trafic d’influence ! La bêtise a triomphé dans les présélections aux législatives dans cette circonscription, comme d’ailleurs dans plusieurs autres circonscriptions à travers l’étendue du territoire.

Mais ceux qui espèrent encore intimider, bafouer ainsi la démocratie lors du double scrutin municipal et législatif du 09 février prochain sous le prétexte qu’ils veulent servir le président de la république signeront leur arrêt de mort politique. Ils rencontreront le peuple sur leur chemin. Il faut également leur rappeler que les candidats qui s’opposeront à eux sont pour la plupart non influençables, incorruptibles, anti-intrigues et d’une sérénité de vipère. Qu’ils comprennent que c’est peine perdu : Paul Biya a définitivement défait les liens immondes du servage du pouvoir avec lesquels la crapule l’avait attaché. Au bourrage des urnes, au 100% en faveur du Grand camarade, rien ne sera plus toléré. Dans son esprit, le président a coupé le cordon mystico-ombilical avec la meute qui prévariquait et massacrait au nom de la préservation des acquis du Renouveau. Il s’est exorcisé. Ce qui lui reste à faire, c’est de s’incorporer les énergies les plus saines qui ont été écartées dans les rangs du RDPC et celles qui émergent dans les partis opposés à ses troupes, dont nous savons qu’il ne maîtrise pas véritablement les intentions et les agendas cachés. Et ceci concerne même les militants du MRC. Surtout, ce ne serait pas inédit dans l’histoire politique moderne qu’un Chef choisisse l’alternative dans l’opposition. En France, François Mitterrand, Président socialiste, avait encouragé Jacques Chirac, de la droite, à se préparer à prendre le pouvoir… Lorsque la nation est en péril, les considérations bassement partisanes ne comptent plus : il faut engager l’avenir !

III/ L’AVENIR QUI DISCUTE AVEC PAUL BIYA NOUS PARLE AUSSI…

Paul Biya est d’une constitution psychosomatique qui exclut tout commerce avec la crapule. Par la force des choses, il s’est donc compromis. Il a néanmoins compris, après coup, qu’en démocratie il est interdit de personnaliser le pouvoir. Jean-Godefroy Bidima soutient à cet égard que « la démocratie apparaît comme un "lieu du pouvoir vide" (Lefort), car il est interdit aux gouvernants de s’approprier, de s’incorporer au pouvoir ». Autrement dit, le pouvoir n’est pas entre les mains de celui qui est censé le détenir… Biya l’a si bien compris qu’il excelle dans la monolectique. La monolectique, cette dialectique retournée, a amené Paul Biya à se constituer le commissionnaire des dieux, le facteur de l’espérance et le postier de la rédemption. Il répugne au sentimentalisme sélectif sans manquer d’une lucidité déroutante : « Il me manque, pour commander, la voix du lion », confie-t-il en cœur avec Zarathoustra. C’est pourquoi il se contente de sourire au néant infecté qui s’active à l’engloutir. Paul, parle bas, chuchote, rumine ta grandeur et ta révolution dévoyées ! Le bégaiement est, dans ton cas, signe d’un immense talent, d’un grand génie. Il faut cette mortification pour résister aux bruits du silence criminel qui constitue ce régime immodéré et obèse qui est sorti de tes mains.

Comme tout homme, l’horloge du temps avance ; l’aiguille de la vie tourne. Bientôt tu t’éteindras pour ne plus jamais dormir, pour t’allumer à jamais dans la mémoire de l’Histoire. Aux côtés des dieux, tu montreras du doigt les auteurs de ton calvaire. Nous te le concédons : « Les paroles les plus silencieuses sont celles qui apportent la tempête. Les pensées portées sur les pattes de colombe mènent le monde » ! Celui qui s’exprime mal et agit bien tutoie les cieux ! Paul, perds donc la honte de manquer de voix ! À défaut de t’exprimer, persévère, sue !

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