Le maître des horloges et l’urgence des réformes
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Dans l’histoire politique du Cameroun, la session parlementaire de novembre-décembre 1990 est restée gravée dans les esprits.

Intervenant après les premières convulsions démocratiques liées au « vent d’Est », cette session baptisée « session des libertés » a consacré l’adoption d’une série de textes qui ont permis au pays de faire un saut qualitatif. Il s’agit de la loi portant création des partis politiques, la loi fixant le régime des réunions et des manifestations publiques, la loi portant liberté d’association ou encore celle relative à la communication sociale. En dépit des faiblesses décelées au fil du temps, qui appellent des amendements, ces textes continuent de structurer la vie démocratique au Cameroun.

Près de 30 ans après, le pays est plongé dans un profond malaise. La crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest dont le bilan à ce jour est effroyable a débouché sur l’organisation d’un grand dialogue national (Gdn), lequel a accouché d’un certain nombre de recommandations. En tout état de cause, on s’attend logiquement à ce que la session parlementaire de novembre-décembre 2019 soit la « session des réformes ».

Prend-on le chemin des réformes décisives et déterminantes souhaitées depuis l’ouverture de cette session ? On est fondé d’en douter. Hormis les textes « périphériques » portant sur des ratifications et le projet de loi de finances 2020, qui est naturellement attendu, le gouvernement a déjà soumis au crible des parlementaires deux principaux projets de loi : le premier vise à prévenir les dérives tribales et le second a trait à la promotion des langues officielles au Cameroun. Du menu fretin face au train de réformes attendu !

L’une de ces réformes porte sur le contenu à donner au statut spécial accordé aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La communauté nationale (particulièrement celle des régions en crise) et internationale est attentive à ce sujet. Ce statut spécial qui suppose des concessions sur le plan administratif et budgétaire devrait entraîner une modification constitutionnelle et impacter la loi de finances 2020. Or, le grand oral des ministres devant la commission des finances et du budget a commencé sans que l’inflexion escomptée ne soit lisible.

Nos frères et sœurs de l’autre rive du Moungo attendent également une meilleure lisibilité sur la dévolution du pouvoir suprême. Un courant d’opinion (majoritaire ?) est d’avis qu’il faille instaurer un ticket président-vice-président au sommet de l’Etat suivant le modèle américain. Lorsque le président est francophone, le vice-président est anglophone et inversement. Cela permettrait de faire jouer plus sereinement la convivialité entre les deux blocs coexistants et, partant, de mieux assurer la continuité de l’Etat unitaire. Le Gdn a également recommandé le retour à la République « unie » du Cameroun.

Si on y ajoute les suggestions faites lors du Gdn par le sultan des Bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya, à savoir l’élection présidentielle à deux tours, la révision du système électoral, la limitation du mandat présidentiel à deux fois cinq ans renouvelables…, une révision de la Constitution s’impose.

Tous les Camerounais épris de paix et de concorde nationale doivent admettre que le temps est désormais compté au chef de l’Etat. Contrairement à une certaine propagande officielle, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest vivent toujours sous la terreur de groupes armés. Aucune élection crédible ne peut s’y tenir en l’état actuel de la situation.

N’en déplaise aux souverainistes du dimanche, l’étau de la communauté internationale se fera plus pressant et étouffant si des réformes courageuses ne sont pas prises. Pour garder toutes les commandes entre ses mains, le président de la République doit avoir la majorité de son peuple avec lui. Il doit couper l’herbe sous les pieds des extrémistes tant de la partie anglophone que francophone. Ce n’est qu’au prix de réformes structurantes qu’il restera le maître du temps, le maître des horloges. Ce n’est qu’à cette condition qu’il passera à la postérité.

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