Législatives : quand les candidats se battent pour eux-mêmes
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L’appel au boycott des élections législatives et municipales de février 2020, lancé par le parti Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), n’est pas un fait nouveau au Cameroun, depuis l’avènement du multipartisme. Le 1er mars 1992, cela faisait deux ans que sous les coups de feu de la police camerounaise, mais poussé par l’ardeur populaire, le Social democratic front (Sdf) naissait à Bamenda le 26 mai 1990. Son porte étendard d’alors, qui reste le même aujourd’hui à savoir Ni John Fru Ndi, avait eu le courage de braver l’interdiction pour lever le poing mythique devenu le symbole de la révolution camerounaise. Power to the people, criait-il repris en chœur par une population euphorique. Fru Ndi était adulé par vieux et jeunes, et surtout par les étudiants de l’unique université de Yaoundé à l’époque, eux aussi en grève depuis deux ans pour revendiquer de meilleures conditions d’études. Les populations campaient à l’entrée des villes tout le long du trajet Bamenda Douala ou Bamenda Yaoundé quand il se déplaçait. Le vent du changement était en l’air. Les premières élections législatives et municipales étaient annoncées pour ce 1er mars 1992.

Boycott initial

Les militants de tout bord avaient affuté leurs armes, ou plutôt leurs dossiers, pour prendre d’assaut les mairies et l’Assemblée nationale. Mais contre toute attente, le Chairman décida que le parti n’ira pas à ces élections. Cette décision fit beaucoup de déçus, beaucoup de commentaire dans les chaumières, et de nombreux regrets de ceux qui avaient intégré ce parti montant dans l’intention ferme de briguer un poste électif. Le Code électoral, ou plus précisément les codes électoraux, puisque chaque élection avait son code à l’époque, étaient remis en cause. L’Union démocratique du Cameroun d’Adamou Ndam Njoya, créé le 26 avril 1991, et qui avait aussi une forte influence, avait également pris la même décision de ne pas participer aux élections locales. L’Udc et le Sdf étaient pourtant les partis qui cristallisaient toute l’attention de l’opinion.

Mais ils avaient choisi le boycott des élections comme voie de contestation, notamment de la loi à cette époque. L’union nationale pour la démocratie et le progrès Undp de Bello Bouba Maïgari, l’Union des Population du Cameroun de Dicka Akwa, le mouvement pour la défense de la République de Dakolé Daissala prirent part aux élections. Ils obtinrent 68, 18 et 6 députés respectivement, pour un total de 92. Le parti au pouvoir eu 88 députés, mais noua une alliance avec le Mdr pour avoir la majorité à l’Assemblée, mettant en minorité les deux partis de l’opposition restant, et gardant surtout le contrôle de la Chambre comme à l’époque du parti unique.

Retour à la maison…

Le Sdf et l’Udc rentrèrent dans la compétition lors de l’échéance suivante, 5 ans plus tard en 1997. Le Sdf gagna 43 sièges, l’Udc 5. La somme totale des députés de l’opposition était de 64, le Rdpc eu 109 sièges, et aurait même eu 116 si 7 sièges n’avaient pas été annulés par la Cour Suprême. Par la suite aucun parti politique d’envergure n’a plus jamais boycotté les élections, mais le Rdpc est resté maitre de l’Assemblée nationale, en se trouvant même un nouvel allié, en l’Undp. L’impact du boycott des élections législatives par les deux principaux partis en 1992 ne fut pas perceptible sur le champ, car d’autres partis participèrent à l’élection et donnèrent l’impression qu’il pourrait désormais avoir un contre-pouvoir à l’Assemblée nationale. Cela suffisait au parti au pouvoir qui voulait donner le gage à l’opinion nationale et internationale que la démocratie est désormais installée au Cameroun.

Mais si l’on peut se demander ce qu’un parti politique gagne en boycottant les élections législatives, l’on peut tout aussi poser la même de savoir ce qu’il gagne à être à l’Assemblée nationale. Ceux qui n’ont jamais boycotté les élections et ont toujours été présents à l’Hémycilcle n’ont pourtant jamais contribué à faire bouger les lignes de la démocratie, en dehors de celles de leurs conditions de vie à eux seuls. A chaque fois ils sont noyés dans une chambre parlementaire adipeuse, dominé par une majorité à la limite insolente du Rdpc, dans laquelle ils ne peuvent se mouvoir véritablement. Même avec les talons de chaussure lancés à la figure, l’abandon des chaises, les sorties des salles, les chansons en dessous de la chair, rien n’a souvent fait qu’une loi que le Rdpc veut faire passer soit bloqué, toutes les lois que le pouvoir Rdpc introduit passent plus qu’une lettre à la Campost.

…sans rien apporter à la maison

Avec le temps, les députés des partis de l’opposition se sont plutôt construit chacun une zone de confort, avec les avantages qui vont avec. Ils se sont accommodé des places plus ou moins douillets au sein de la chambre, pour au moins bénéficier des retombées de la lutte. Le Social Democratic Front s’est à chaque législature débrouillé pour avoir 15 députés au moins, qui devaient lui permettre de constituer un groupe parlementaire, ce qui assurerait au leader une place honorable, et au parti un ou plusieurs postes dans le bureau de l’Assemblée. En dehors donc des avantages individuelles, tous les partis qui participent aux élections législatives et gagnent des sièges, savent qu’ils ne peuvent rien apporter à la construction de la démocratie, ils savent qu’ils ne peuvent faire aucune proposition de loi qui prospère.

En s’appuyant sur les dispositions du règlement intérieur de la chambre basse du parlement, il est en principe possible qu’un parti politique, même avec un seul député, puissent faire inscrire une proposition de loi à l’ordre du jour d’une session, même si elle n’est pas votée. Le portail des camerounais de Belgique (Camer.be). Il suffit de l’introduire et attendre, à la troisième session elle doit être inscrite, mais même là, le pouvoir Rdpc piétine allègrement cette disposition, ce qui fait qu’en 27 ans de pluralisme parlementaire, zéro proposition de loi émanant d’un parti de l’opposition n’a jamais prospéré.

Le peuple et la démocratie sur la table du sacrifice

Alors dans ces conditions, pourquoi continuer à courir pour aller à l’Assemblée nationale ? Sinon pour accompagner le Rdpc et s’assurer des prébendes, se faire appeler honorable et rentrer dans le jeu des trafics d’influences ? Les batailles menées lors des investitures pour figurer sur une listes ne sont jamais motivées par une envie de servir la population, mais plutôt celle de se servir. Quand ils se battent ce n’est pas pour la population, ces pour eux-mêmes, c’est pour cela que d’autres peuvent se donner la mort quand ils ne sont pas investis, c’est pour cela que des militants deviennent rouges quand le parti renonce à aller aux élections.

Toutes ces attitudes ont transformé l’Assemblée nationale en un rassemblement d’individualités luttant chacun pour sa cause, au lieu d’être des individualités mis ensemble pour une même cause. C’est pour cela que parmi les députés d’un même parti on n’arrive pas souvent à s’accorder les points de vue. Mais pour une vision future, tous ceux qui prétendent parler au nom du peuple, qui sollicitent un mandat du peuple, devraient faire la leur cette citation de l’Anglais Winston Spencer Churchill qui disait : « le politicien devient un homme d’Etat quand il commence à penser à la prochaine génération, plutôt qu’aux prochaines élections »

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