Yaoundé : La nuit avec les ingénieux de la contrefaçon
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Le pain au show de la qualité anti-normée

Dans la capitale, ces vingt dernières années ont vu fleurir les artisans-boulangers. Ils disent être des chantres du «Consommons camerounais», même en violation des standards requis en matière de fabrication de baguette.

«One day, Cameroon go tchop fine bread». En ajustant ce graffiti à la porte de sa boulangerie, Andrew Akoh se proclamait prophète d’une nouvelle ère dans les habitudes de consommation de pain au Cameroun. Ce jour, dans cette mansarde construite il y a une vingtaine d’années, il défend une doctrine, la sienne en tout cas : «le Camerounais doit manger le pain qui est fait avec les fours de chez nous». Ici à Obili (Yaoundé III), le natif de Ekondo-Titti (région du Sud-Ouest) en a fait une obsession, selon ses dires. Du haut des 51 ans qu’il confesse ce 23 mai 2019, Andrew Akoh jubile que son «Kumba bread» fasse figure de label sur un rayon respectable, dans la capitale voire au-delà. «J’ai formé des gars ici et ils ont déjà leurs fours partout», se vante-t-il.

«Art»

En «grand maître», il invite à la leçon de choses. Il est 20 heures. Sous la nuit saturée d’éclats de chants traditionnels, il pilote une équipe de huit bolides. On commence par l’élaboration d’une pâte mère, à base de farine de froment, à laquelle on ajoute un liquide. De ce produit jaunâtre, Andrew Akoh retient qu’il vient d’un pays voisin. «Je connaissais son nom, mais je l’ai oublié…Tu sais je suis un vieux boulanger», blague-t-il au milieu d’un gros nuage de fumée que dégage un immense foyer de bois et de vieux pneus. De temps à autre, l’on suffoque. Une heure après, sur une bâche verte, la pâte mère forme un bloc qui peut atteindre plusieurs centaines de kilos et que l’on piétine. Parfois, des grammes de cendre de cigarettes s’y engloutissent. Parfois aussi de grosses gouttes de sueur complètent le niveau d’eau qu’on y asperge. Cette eau-là, le cadet de l’équipe la tire d’un puits qui talonne l’usine.

Pétrie, la pâte repose ensuite plusieurs minutes. Puis elle est aérée et assouplie au cours du «braquage», durant lequel on ajoute du saccharose et une formule de levure gardée secrète. Une fois laminée, la pâte est déposée dans des moules pour une cuisson dont la durée est également tenue secrète.

Défiance

Parasitée par des superstitions, l’équipe n’offre aucune miette au visiteur. Andrew Akoh craint fortement que son savoir ne soit capté par le monde extérieur. À ce sujet, il introduit une certaine tension dans ses phrases. «L’Anor dit qu’il y a la norme. La norme pour faire quoi? Soyons sérieux!», avise-t-il. À la vérité, il s’agit d’une pensée qu’il inculque rigoureusement à ses collaborateurs. Celle-ci se traduit dans un style, un regard au scalpel qui a le courage, non pas de projeter ailleurs toutes les questions formulées, mais de défiance. «L’Anor, je m’en fous. Les impôts, je m’en fous. Moi, je suis Andrew Akoh», rugit-il. Il y a quelques semaines, le service d’hygiène de la mairie de Yaoundé III a effectué une descente ici, relate le maître des lieux. «Je les ai mis dehors», trahit-il. Selon lui, les pouvoirs publics tolèrent que l’industriel prenne de plus en plus de place dans les rayons; que des pains gonflés aux produits chimiques soient vendus; que la production artisanale du pain perde du terrain et que le consommateur meure.

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