OPINIONS POLITIQUES : Pas de prison pour les opposants au Cameroun
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OPINIONS POLITIQUES : Pas de prison pour les opposants au Cameroun :: CAMEROON

Depuis le retour au multipartisme consacré par la promulgation des lois sur les libertés d’association de décembre 1990, les prisons camerounaises n’ont plus accueilli que des détenus de droit commun.

Dans la nuit du 12 au 13 février 2019, Maurice Kamto et 145 de ses partisans sont déférés à la prison centrale de Yaoundé. Ils sont inculpés de huit chefs d’accusation parmi lesquels « rébellion en groupe », « hostilité contre la patrie », « trouble à l’ordre public » et « incitation à l’insurrection ». Si tant est que Maurice Kamto est un opposant au régime de Paul Biya, force est de reconnaître qu’il n’est pas incarcéré pour ses convictions politiques. Tout comme, depuis l’avènement du multipartisme en 1990, aucun homme politique, mieux aucun opposant au pouvoir de Yaoundé n’a connu le goût amer des geôles. Pourtant, sous d’autres cieux, les agissements des uns et des autres auraient conduit un certain nombre d’entre eux dans les prisons.

Le cas du Social Democratic Front (SDF) est le plus illustratif de ce que l’on peut exercer ses libertés politiques au Cameroun sans aller en prison. En effet, c’est sur fond de contestation de l’autorité publique que ce parti décide d’entrer dans l’arène politique le 26 mai 1990 à Bamenda, chef-lieu de ce qui était encore la province du Nord-ouest. « Le multipartisme n’était encore qu’à ses balbutiements et il aura a fallu un sacré courage aux militants de ce parti, et surtout à son leader Ni John Fru Ndi, pour organiser cette manifestation dans un contexte où le régime en place semblait fermement opposé à toute ouverture politique, en témoigne les multiples marches de protestations organisées dans tout le pays contre le multipartisme », peut-on lire sur le blog dailyretrocmr.wordpress.com qui revient sur ces événements dans un article intitulé « 26 mai 1990 : début des activités du SDF à Bamenda ». L'info claire et nette. Qui poursuit : « Les menaces et intimidations des forces de l’ordre n’entamèrent en rien la détermination de Ni John Fru Ndi et de ses partisans qui avaient fini par marcher ce samedi 26 mai 1990 à Ntarikon Park, dans une ville de Bamenda assiégée par les forces de l’ordre. Des dizaines de milliers de personnes avaient alors défilé pacifiquement et les forces de l’ordre, comme à leur habitude, avaient réagi violemment. […] Le bilan de cette manifestation fut assez lourd : six personnes (dont quatre étudiants) seront tuées par les forces de l’ordre. »

Sur les cendres de cette manifestation, le SDF est reconnu près d’un an plus tard par décision n°0065/D/MINAT du 1er mars 1991. Ouvrant ainsi la voie à d’autres nouveaux partis politiques qui s’engouffrèrent dans la voie de la contestation permanente, la tolérance du pouvoir vis-à-vis du SDF ayant fait jurisprudence. Une tolérance dont n’avaient pas bénéficié Me Yondo Mandengue Black et de huit autres camerounais dont Anicet Ekane et Henriette Ekwe. Pour avoir voulu mettre sur pied une coordination nationale pour la démocratie et le multipartisme, ils sont accusés de subversion et arrêtés à Douala le… 19 février 1990. Depuis lors, plus rien. Lorsque l’opposition lance les premières « journées villes mortes » les 18 et 19 avril 1991, l’on craint que les organisateurs de cette grève générale qui touche sept provinces sur dix soient interpellés et mis en détention. Là encore, Yaoundé laisse faire et gère. Même quand Fru Ndi avait menacé de ne pas prendre part aux sénatoriales de 2013 en déclarant que « si le parti au pouvoir persiste dans cette voie, mes militants et moi-même n’hésiterons pas à aiguiser nos machettes et à descendre dans les rues pour le combattre », il n’a jamais été inquiété outre mesure.

Cette attitude tolérante de l’Etat n’exonère cependant pas Samuel Eboua, Jean-Jacques Ekindi, Gustave Essaka, Mboua Massock et Me Charles Tchoungang d’« une fessée nationale souveraine » reçue les 23 et 24 septembre 1991 à Douala. Juste quelques jours avant la visite du président Paul Biya au cours de laquelle il va déclarer « Me voici donc à Douala ». Depuis lors, l’on assiste tout au plus aux interdictions, par quelques sous-préfets de temps en temps désavoués par leur hiérarchie, de quelques manifestations publiques. Le motif retenu est généralement « trouble à l’ordre public ».

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