Stade Paul Biya : la vraie raison d’une grève
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Pour les ouvriers du chantier encore en cours, surfacturations, détournements et silence des autorités doivent appeler, dans l’urgence, la grande lessive.

Image pour image, difficile de ne pas retenir celles des ouvriers qui, autour d’une table à l’entrée du site du chantier de construction du Stade Paul Biya sis à Olembé (Yaoundé II), tiennent une sono. Après chaque gorgée, un homme s’affaire à recracher toute une série de chansons contestataires, ou en tout cas leurs basses. Clamés par ses camarades fringants, les refrains convoquent la colère, la frustration, le désarroi.

Leur vie au chantier ressemble à quoi ? On le leur demande. Ça part dans tous les sens, ils ne savent pas par où commencer. En chœur, ils évoquent une exaspération générale. « La justice sociale! C’est le tag inscrit dans nos cœurs, voici bientôt six mois!», martèle ce gaillard. Ce dernier explique: «nous travaillons sans salaire, alors que la mafia existe ! » Son débit est empli de passion et de rancœur. Du coup, il est vain de vouloir mettre quelque raison dans ses analyses.

Ce soir du 22 janvier 2019, tout cet essaim d’ouvriers affirme avoir repris le travail. Au passage, ils assimilent le huis clos du 18 janvier 2019 à un saupoudrage externe, destiné à sauver les apparences. Toutefois, ils croient que leurs opinions individuelles sur l’importance du chantier se sont muées en une vision du bien commun. « C’est le stade des Camerounais. C’est pour cela que nous avons repris », lance l’un d’eux. « Comme un divorce suivi d’un remariage », ajuste ironiquement une bruyante voix.

Scandales

Entre deux phrases, la langue reprend une actualité oubliée, selon eux. «Tous les jours ici, dit quelqu’un, on surfacture le sac de ciment, la benne de sable, la barre de fer ! » « On détourne de l’argent sans nous payer ! », ajoute une autre voix. Celle-ci cite des chiffres en milliards de francs CFA, et qu’importent les approximations. Comme une chanson populaire, cette accusation de détournement s’en va et revient en boucle. Dans cette ambiance, toute réclamation, qu’elle soit catégorielle ou pas, se dirige aussitôt vers les pouvoirs publics. «Nous avons observé cette grève pour que les autorités frappent ceux qui nous méprisent en se remplissant les poches», assume un homme au regard vif. Il semble avoir une remontée d’hormones. «Tant qu’on laissera faire, il y aura encore grève ! », assure-t-il.

Sur la situation, Arsène Rodrigue Nguekam pense que le mouvement de grève à Olembé s’est davantage construit comme une révolte ouvrière contre le laisser-faire. «Il a libéré une parole polymorphe et longtemps contenue concernant les présumées élucubrations financières qui ont inondé la toile», théorise le sociologue. Damien Ekouty, spécialiste des marchés publics, évolue sur la même trajectoire d’interprétation. Selon lui, «à proportion que les travailleurs d’Olembé réclament qu’on les considère avec dignité (affiliation à la CNPS, élaboration des bulletins de paie, paiement des indemnités de logement, le paiement des primes de risques, de rendement et de responsabilités, l’augmentation de la prime de ration et de meilleures conditions générales de travail), ils semblent demander que ceux qui incarnent le pouvoir agissent dignement en ouvrant une enquête sur ces soupçons de détournements».

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