Ayuk Tabe et Compagnie : Déjà un an de détention
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Malgré l’arrestation au Nigeria du leader de l’Ambazonie et ses compagnons, le retour au calme continue de se faire attendre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Lorsque le 13 décembre 2018, le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh annonce que le chef de l’Etat, Paul Biya, a décidé « de l’arrêt des poursuites pendantes devant les tribunaux militaires contre un certain nombre de personnes » impliquées dans la crise qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis 2016, (289 détenus au total), des observateurs se prennent à envisager le pardon présidentiel pour les leaders de la République imaginaire de l’ Ambazonie, Ayuk Tabe et compagnie.

Cette hypothèse sera vite douchée par le ministre de la Défense. Cette décision présidentielle « ne concerne (…) pas les criminels, assassins et autres dangereux terroristes, ainsi que les commanditaires et planificateurs de la pernicieuse crise sécuritaire en cours dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest », tranchera Joseph Beti Assomo. C’est le 05 janvier 2018 à Abuja au Nigeria, selon les sécessionnistes, qu’ils avaient été arrêtés. Une information que les autorités camerounaises ne confirment ni infirment, dans un premier temps. Le 26 du même mois, les leaders séparatistes sont extradés au Cameroun. « Le gouvernement camerounais annonce à l’opinion publique nationale et internationale qu’un groupe de quarante-sept terroristes, au nombre desquels monsieur Ayuk Tabe, se trouve depuis quelques heures entre les mains de la justice camerounaise, devant laquelle ils répondront de leurs crimes », soulignait alors dans un communiqué du 29 janvier 2018, le ministre de la Communication d’alors, Issa Tchiroma Bakary. Ledit communiqué mentionne également le « caractère excellent de la coopération multiforme qu’entretiennent le Nigeria et le Cameroun, notamment au plan sécuritaire ». Après cet épisode, la question fuse de savoir si Ayuk Tabe et ses compagnons sont bel et bien vivants.

Le 15 avril 2018, le ministre de l’Administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji, s’exprime sur la question. Il est l’invité du programme télévisé « Actualité hebdo » sur la Cameroon Radio Television (CRTV). « (…) il y en a qui avaient 70 kilos ; aujourd’hui ils ont 85 kilos, 90 kilos. Donc, ils sont bien traités », relève le Minat. Il ajoute : « Et de toutes les façons, (…) on est au niveau des enquêtes préliminaires », assène-t-il. Sept mois après ces déclarations de Atanga Nji, le 1er novembre exactement, la presse tient enfin les preuves de vie de Ayuk Tabe et ses neuf compagnons. C’est à l’occasion de l’audience à la Cour d’appel du Centre. Une audience qui cadre avec la procédure de libération immédiate en faveur de ces détenus du Secrétariat d’Etat à la défense (Sed) en charge de la gendarmerie. Ladite requête avait, par ailleurs, été rejetée plus tôt au Tribunal de grande instance du Mfoundi. camer.be. Ce 1er novembre, le palais de justice de Yaoundé-Centre administratif vit une ambiance particulière. Membres des familles des détenus, journalistes, curieux, etc. y ont accouru. Plusieurs jours plus tard, cette demande est également rejetée par cette juridiction. Le 06 décembre 2018, c’est une nouvelle évolution. Place à la première audience publique des 10 coaccusés. Elle se tient au Tribunal militaire de Yaoundé. Quant aux charges retenues contre eux, il s’agit, entre autres, d’après Me Ndong Christopher Nveh, de « terrorisme, sécession, révolution, rébellion, bande armée et assassinat ». Les détenus attestent également avoir renoncé à la nationalité camerounaise. Ils détiennent la carte nationale d’identité de la République fantasmée de l’Ambazonie. L’audience d’hier n’a pas apporté une évolution décisive au procès.

Attaques

Sur le terrain, la crise se poursuit malgré cette arrestation. Le 11 février 2018, le sous-préfet de Batibo (Nord-Ouest), Namata Diteng est enlevé. « C’est dans le document comportant le Plan d’assistance humanitaire d’urgence [de 12,7 milliards Fcfa, ndlr] mis en place par le gouvernement (…) que j’ai appris qu’il avait été enlevé et assassiné. (…) Je me suis dit que ce sont de fausses nouvelles qu’on poste souvent sur les réseaux sociaux. Plus tard, un discours que donnait le Premier ministre [Philemon Yang, ndlr] (…) à propos de ce document m’a sortie de mon rêve ». Ce témoignage est de l’épouse du sous-préfet dans Mutations du 28 septembre 2018. Diverses autres autorités administratives sont également prises pour cibles. Le 22 avril 2018, le convoi du gouverneur de la région du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilai est attaqué dans le département du Lebialem. De plus, le 17 mars 2018, le président du Conseil d’administration du « GCE (General Certificate of Education) Board », Ivo Leke Tambo, est enlevé (avant d’être libéré plus tard) dans l’arrondissement d’Alou (Sud-Ouest). Par ailleurs, l’on peut relever l’enlèvement de 79 élèves (puis libérés) à la Presbyterian Secondary School de Nkwen à Bamenda, le 05 novembre 2018, avec trois membres de l’encadrement.

L’on se souvient également de la destruction de la chaussée au lieu-dit « Mile 8 » sur l’axe Bamenda – Bafoussam ; ce dans la nuit du 08 au 09 septembre dernier. « […] il s'agit d'une action d'éclat qui vise à produire un impact psychologique sur l’opinion en montrant la capacité d'un camp à frapper un coup à son ennemi », réagissait le géostratège Joseph Vincent Ntuda Ebode dans une interview publiée dans Mutations le 11 septembre 2018. Et l’une des dernières attaques porte sur l’incendie, à Ekondo-Titi (Sud-Ouest) de la résidence du nouveau chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute. Le portail de la diaspora camerounaise en Belgique. Un acte intervenu quelque temps avant sa promotion, le 04 janvier dernier. Par ailleurs, ce climat d’insécurité dans la partie anglophone a causé le déplacement de nombreuses populations. En début novembre 2018, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés soulignait que le nombre de réfugiés camerounais au Nigeria avait atteint 30 000. « On estime qu’environ 436 000 personnes pourraient être déplacées à l’intérieur du pays », relevait la même source, à la même date.

Actions

Du côté de gouvernement plusieurs actions ont été entreprises pour un retour à la normale. La création du ministère de la Décentralisation et du Développement local à la faveur du réaménagement du gouvernement du 02 mars 2018. Le patron de ce département ministériel est Georges Elanga Obam. De plus, l’une des plus récentes actions concerne la création du Comité national de désarmement, de démobilisation et réintégration (Cnddr). Une structure ayant à sa tête un coordonnateur national en la personne de l’ancien gouverneur Faï Yengo Francis. La communauté internationale appelle depuis longtemps, en vain, à un dialogue inclusif. Le chef des armées a laissé la porte ouverte à cette éventualité dans son message du 31 décembre dernier à la nation, même s’il a déclaré, dans le même discours, que ceux qui refuseront de déposer les armes seront neutralisés par l’armée. Après des renvois, l’initiative de dialogue portée par le cardinal Tumi devrait se tenir bientôt.

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