ATERMOIEMENTS : Quand la Dgsn « saisit » la pension d’un policier à la retraite
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Privé de pension deux ans après la cessation d’activité à la délégation générale de la Sûreté nationale, un ancien fonctionnaire de police se plaint de sa saisie illégale. L’administration évoque sa brutale radiation de la corporation pour justifier les lenteurs de payement.

David Daco Toukam espérait jouir d’une retraite paisible après 36 années de service ininterrompu dans la police, en dépit d’une brutale fin de son contrat avec ce corps de métier en 2016. Il arborait fièrement le grade d’officier de police principal quand un arrêté présidentiel, émis le 25 octobre 2016, a mis un terme à sa collaboration avec la Délégation générale à la Sûreté nationale (Dgsn).

Celle-ci s’est séparée de lui après l’avoir jugé coupable d’une « compromission portant atteinte à la considération de la police », à la suite de faits ayant eu cours en 2009. L’agent de police a néanmoins été admis au bénéfice de la pension retraite. Deux années plus loin, M. Toukam n’a perçu aucun radis. Pour lui, la Dgsn a saisi ses fonds. De ce fait, il a traduit son ancien employeur devant le juge de l’urgence (référé) du Tribunal administratif de Yaoundé, où l’affaire a été jugée le 7 septembre 2018.

L’ex fonctionnaire de police voulait obtenir le paiement de sa pension. Il ne digère pas que 24 mois après son éviction de la corporation, le versement de sa pension et le remboursement des allocations familiales, prévus dans l’arrêté portant sa révocation du 25 octobre 2016, ne suivent pas. Il se dit être victime d’une saisie illégale de sa pension par la Dgsn. Le plaignant explique que dès l’émission de l’acte de révocation, son salaire avait été supprimé. Une suppression « légitime » qui, selon lui, devait faire place automatiquement au reversement de sa pension conformément aux dispositions de l’article 32 alinéa 1 du décret portant organisation du régime des pensions civiles du 26 août 1974. « Rien ne justifie le bulletin nul d’un ayant droit élu au bénéfice de la pension depuis 2016. Les pensions sont incessibles et insaisissables. La Dgsn se fonde sur l’arrêté de ma révocation pour bloquer mon salaire. C’est aussi sur la base du même arrêté qu’elle aurait dû autoriser le payement de ma pension », conclut-il.

Paiements validés

Mise au banc, la Dgsn a jugé le recours en référé de son ancien agent irrecevable. L’administration soutient que le payement de pension, objet du recours en référé, est aussi l’objet de la réclamation introduite devant le Tribunal administratif de Yaoundé, juge du fond en violation des dispositions de l’article 27 de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs du 29 décembre 2006, qui veulent que le recours en référé ne préjudicie pas à la demande principale du plaignant, procès encore pendant.

En second lieu, les émissaires de la Dgsn au procès brandissent une décision transmise au ministère des Finances (Minfi) depuis le 31 mai 2018 autorisant les payements querellés au profit de M. Toukam David Daco. Ils affirment qu’à la suite de la subite mise à la retraite de cet ancien agent et la Dgsn, des dispositions avaient été prises pour accélérer les procédures devant aboutir au payement de sa pension. C’est ainsi qu’il a été convoqué plusieurs fois pour présenter des documents nécessaires à la confection de son dossier.

Une fois prêt, ledit dossier a été transmis à la présidence de la République pour validation. « La Dgsn ne pouvait pas saisir une pension non existante. Nous n’avons pas qualité pour le faire. Si la situation avait été différente, il aurait eu le temps de produire toutes ses pièces afin que l’administration apprête tout le dossier au moment de son départ. Il s’agit ici d’une procédure disciplinaire et la sanction la plus grave est tombée. Pour liquider ses droits, il fallait des éléments. La rupture brutale du lien n’a pas permis de faire cela concomitamment. S’il était passé à la direction des ressources humaines où il allait présenter ses pièces, on lui aurait notifié cet arrêté. La Dgsn a fait son travail », a souligné un des porte-parole.

Récriminations

La surprise exprimée par le plaignant à la vue de l’acte n’a cependant pas éclipsé ses reproches. M. Toukam fait observer qu’il n’aurait pas dû poireauter autant pour bénéficier de la mise en exécution d’un « droit acquis ». « Rien ne peut empêcher la jouissance d’un acquis. J’ai passé deux années sans rien avec quatre enfants à charge. La violation de la loi ne crée pas le droit. Ils ont violé le décret. Que la relation de travail aille à son terme ou pas, il faut payer mensuellement et à terme échu. Quel fonctionnaire se retrouve avec un bulletin nul à la Sûreté nationale ? On donne au moins 50% de la pension en attendant de compléter le dossier. C’est parce qu’il s’agit de moi », s’est-il épanché.

Pour sa part, le parquet général estime que le juge de l’urgence est incompétent pour connaitre de l’affaire, au motif que le payement de la pension relève de la compétence du Minfi et non de la Dgsn. Celle-ci ne serait en rien concernée par l’objet de la requête, ses attributions étant, selon le ministère public, limitées au calcul des droits. Une opinion contestée par le retraité, qui rebondit en arguant que le « Minfi n’est que gardien de l’argent. La Dgsn ordonne de payer ou pas. Mes payements auraient dû prendre effet dès la suppression de mon salaire ». Peine perdue. Le juge de référé s’est déclaré incompétent.

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