Des moustiques génétiquement modifiés...  pour éradiquer le paludisme
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Mercredi dernier, l’agence nationale de biosécurité du Burkina Faso a officiellement autorisé une phase importante du programme Target Malaria : un lâcher de moustiques mâles génétiquement modifiés (GM) et stériles dans la nature. C’est la première expérimentation grandeur nature de ce projet à long terme qui vise à éradiquer le paludisme, première cause de mortalité du Burkina Faso... et une nouvelle étape de cette application des technologies CRISPR qui gagne du terrain.

Le paludisme, un fléau mondial

Le paludisme (également appelé malaria, notamment chez les anglophones) est l’un des plus grands fléaux que connaît le monde actuellement. En 2016, 445 000 personnes en sont mortes, dont 90% en région subsaharienne. 70% des victimes sont des enfants de moins de 5 ans.

Le paludisme est dû à la présence d’un parasite, le plasmodium, qui se multiplie dans le foie puis s’attaque aux cellules sanguines. En l’absence de traitement, la maladie peut entraîner la mort en une quinzaine de jours. Aujourd’hui, les principales armes contre ce fléau sont les moustiquaires, les insecticides et les médicaments dérivés de quinine.

Ces outils ont permis de le faire largement reculer – on estime qu’il a fait un million de morts par an précédemment –, mais la maladie est en phase de recrudescence dans le monde entier. Son principal vecteur, le moustique anophèle, est devenu résistant aux insecticides utilisés pour le combattre.

Il n’a disparu en Europe qu’au début du XXe siècle et de manière assez mystérieuse, on l’attribue principalement à la disparition des zones humides et à l’asséchement des marais.

Mais avec le réchauffement climatique et l’explosion des migrations, il est probable qu’il fasse sa réapparition prochainement, en suivant le même scénario que l’arrivée du virus Zika aux Etats-Unis. Ce qui pousse les scientifiques à se tourner vers un nouveau moyen de lutter contre cette épidémie : la mutation génétique du moustique anophèle.

Moustiques GM : une pratique de plus en plus courante

Si cette modification génétique des moustiques vous paraît relever de la science-fiction, sachez qu’on y travaille dans les laboratoires depuis les années 1950, que la recherche s’est intensifiée dans les années 2000 et que l’arrivée de la technologie CRISPR en 2012 lui a permis de prendre son envol.

Les moustiques GM gagnent du terrain dans le monde entier. De nombreuses expérimentations plus ou moins avancées sont en cours : dans les îles Caïmans, en Malaisie, au Brésil, en Floride...

Il existe deux techniques principales : la suppression de la population par stérilisation génétique et le remplacement de la population par modification génétique. Dans le premier cas, les larves des moustiques n’écloront jamais, dans le deuxième cas, il s’agit d’ôter aux moustiques leur capacité à véhiculer l’agent pathogène.
Le principe est toujours le même. Il faut lâcher dans la nature des moustiques qui portent le gène et vont le transmettre à leurs congénères sauvages.

La transmission du trait repose sur des techniques de forçage génétique qui permettent de rendre le trait dominant dans la transmission. Actuellement, la technique de la stérilisation est vue comme la plus efficace et la moins dangereuse. Elle permet finalement d’assurer le travail d’un insecticide en amont.

La principale entreprise derrière cette technologie est Oxitec – dont la société-mère Intrexon Corporation (US46122T1025-XON) est cotée en Bourse – qui a déposé la marque Friendly pour commercialiser sa technologie génétique (ce qui nous donnent en français dans le texte Moustiques sympathiquesTM ). Elle a rendu des résultats assez probants au Brésil. Le rêve d’Abdoulaye Diabaté, promoteur du projet Target Malaria, est de libérer des individus mâles génétiquement modifiés pour que leurs accouplements avec des femelles sauvages se révèlent stériles. Selon lui, la population pourrait plus ou moins disparaître dans les 2 ans sur le territoire burkinabé.

Une première en Afrique

Au Burkina Faso, la maladie est la première cause de mortalité. Près de 12 millions de personnes sont infectées, soit près de 60% de la population. Surtout, le nombre de personnes porteuses du parasite a connu une hausse de près de 3,5 millions de cas en seulement 4 ans.
Il n’est donc pas étonnant que le gouvernement burkinabé se tourne vers cette solution moderne de lutte contre le vecteur numéro un du paludisme, malgré les incertitudes qui l’entourent.

Le projet Target Malaria, financé par la fondation Bill et Melinda Gates, réunissant des chercheurs africains et européens, est encore dans une phase exploratoire et le nombre de moustiques disséminés prochainement ne dépassera pas 10 000. C’est qu’il faut d’abord convaincre les populations du bien-fondé de la technique.

L’ONG explique que le but de ce premier lâcher à petite échelle n’est pas de lutter contre la malaria et son vecteur mais de collecter des données scientifiques sur la longévité et la dispersion des moustiques lâchés. Ils ne sont normalement pas destinés à persister plus de quelques semaines dans l'environnement.

Car la grande crainte est que ces individus génétiquement modifiés ne déséquilibrent l’écologie locale et n’entraînent des catastrophes plus grandes que la maladie contre laquelle ils sont censés lutter.

L’ONG marche sur des œufs car nombre de voix s’élèvent déjà au Burkina Faso pour s’opposer au projet dénonçant des expériences d’apprentis-sorciers irresponsables. Une première manifestation a eu lieu à Ouagadougou en juin. Car le grand problème de ce genre d’opérations est qu’il n’existe pas de bouton "annuler". C’est un pas dans l’inconnu qui peut avoir des conséquences aussi désastreuses qu’imprévues. Nous ouvrons la boîte de Pandore et il n’y a pas de retour en arrière possible.

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