Trafic routier : Pourquoi les chauffeurs d'autobus multiplient les accidents
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Certains conducteurs spécialisés dans le transport interurbain dorment à peine deux heures par jour, et souvent à l’intérieur de leur véhicule.

Il est 20h30 ce mardi 24 octobre 2017. La gare routière de Bépanda à Douala prend vie peu à peu. Les gens vont et viennent. Des débits de boissons qui pullulent ici diffusent de  la musique à profusion. Deux bus estampillés « Audy Frère » et « Feric », en provenance de l’Ouest du pays, viennent de stationner. Les chauffeurs sont assis sur leur siège à la cabine.
Ils ont posé les pieds sur le tableau de bord du véhicule. Ils dorment au milieu de tout ce vacarme. Ils sursautent de temps à autre, puis referment les yeux.

Au dernier banc des bus Coaster, les motorboys (convoyeurs) ont adossé leur tête sur le siège à l’avant. Ils somnolent. A en croire un chargeur, les bus de Feric et Audy Frère ont procédé à des embarquements dès 6h à la gare routière de Toumaka à Mbouda et ont quitté la localité en convoie, autour de 11h. «Ils  ont fait des ramassages de passagers en route. C’est pourquoi  ils arrivent si tard », explique notre homme.

Notre source, qui connait bien l’activité, indique que ces véhicules en provenance de l’Ouest arrivent à Douala généralement entre 20h et 21h30. Les chauffeurs se reposent à l’intérieur des bus, tandis que  les chargeurs de la gare routière sont à la quête de clients qui font des réservations et s’en vont. Ils reviendront plus tard pour l’embarquement. Pour un bus de 30 places chargé, les petits manœuvres bénéficient d’une rétribution de 7000 F. Cfa.

Les bus de Feric et Audy Frère quitteront la gare vers 23h, avec  les mêmes chauffeurs ayant effectué le premier voyage. Au terme d’une journée de travail, les conducteurs auront eu, en tout et pour tout, qu’à peine 2 heures de sommeil mouvementé. « Il y a certains chauffeurs qui arrivent ici à la gare routière. Ils ne se reposent pas et décident de charger eux-mêmes leurs voitures pour conserver les 7000 F. Cfa», confie un chargeur. Il note que d’autres chauffeurs de la gare routière prennent place dans des débits de boissons situés aux alentours. « Dubaï Center » est le bar le plus réputé dans le coin qui reçoit les conducteurs venus « prendre des forces » avant de reprendre la route.

Chambres pour conducteurs

Alain Claude Tanda, ce chauffeur rencontré à la gare routière de Bépanda décrit un peu le scénario de ses journées. Parti de Mbouda à bord de son bus Coaster « Famille  Bamboutos », il arrive généralement à Douala à 17h. Il achète un plat de nourriture dans un tournedos autour de 20h. Il réajuste ensuite le siège de son véhicule et s’endort. Lorsque nous  le rencontrons ce mardi 24 octobre 2017, il est 22h. Notre homme est déjà éveillé. Il discute avec des amis en tenant une bouteille de bière en main. Des chargeurs s’occupent de l’embarquement des passagers de son bus. Il quittera la gare routière à 23h30 pour effectuer son deuxième voyage de la journée. Comme les autres chauffeurs de la gare routière, il  aura droit à un jour de repos ensuite et reprendra le volant le jour suivant.

« Lorsque je sens  trop de fatigue, j’accorde un arrêt de 30 minutes aux passagers à Melong. Pendant qu’ils se ravitaillent, je somnole un peu », confie le père de six enfants, résidant à Mbouda. La situation semble un peu différente au niveau des agences dûment installées. A Trésor Voyages, Le Jour n’a aperçu aucun chauffeur dans le hall à 21h50. «Ils dorment dans les chambres aménagées là-haut. On va les réveiller à l’heure de l’embarquement», fait savoir un employé de l’agence.

A l’instar de Trésor Voyages à Bépanda Tonnerre, l’agence Le Polyglotte a également aménagé deux chambres pour ses conducteurs. Chacune des chambres est dotée d’un lit pliable et d’un ventilateur, apprend-on. Deux chauffeurs sont  affrétés par car. Chaque chauffeur effectue un aller-retour par jour. « Lorsqu’un chauffeur arrive avec le véhicule, il prend un  plat de nourriture chez la vendeuse d’à côté. Il se repose pendant 3 heures. Il reprend la route pour Mbouda vers 22h30. C’est un travail épuisant. Les chauffeurs ont besoin de repos. Quand on conduit, on a mal aux yeux, aux articulations. Ça joue sur les nerfs optiques et le cerveau. A la longue, on peut faire un Avc. Il est interdit aux chauffeurs de prendre de l’alcool », détaille un responsable de l’agence Le Polyglotte, visiblement pas très sobre lors de notre entretien vers 22h.

Autre site, autre réalité : quartier Akwa. Les agences installées ici effectuent des trajets sur l’axe routier Douala-Yaoundé. A Finexs Voyages et Princesse Voyages, des chambres sont réservées pour le repos des chauffeurs, apprend-on. «Il y a deux à trois chauffeurs par voiture. Chacun travaille pendant quatre jours et se repose les quatre prochains jours », explique un responsable de Finexs Voyages. A Princesse Voyages, on indique que chaque chauffeur a droit à 2h30 de repos avant un nouveau départ. «Il y a des chauffeurs qui n’aiment pas se coucher avant un prochain voyages. Ils soutiennent que s’ils dorment, ils ne seront plus en état de bien conduire. Ils préfèrent faire les cent pas ou faire un tour chez eux. Ce sont des professionnels.

Chacun connait son  corps», a confié un responsable d’agence. Des chauffeurs soutiennent cependant que les passagers sont aussi souvent à l’origine de  leur repos insuffisant et des accidents de la circulation qui en  découlent. «Je n’aime pas transporter des commerçants, parce qu’ils insultent le chauffeur. Ils sont pressés et demandent au chauffeur d’accélérer.  Ils ne lui permettent pas de marquer 5 minutes de pause pour se reposer. Lorsqu’un chauffeur est fatigué, il a les yeux grands ouverts, mais il est endormi. Or, lorsqu’il s’accorde 5 minutes de sommeil, c’est très réparateur », reconnait Alain Claude Tanda, chauffeur de bus depuis cinq ans.

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