Comités de vigilance–Boko Haram : une guerre à mort
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La maîtrise du terrain leur permet d’affronter la puissance de feu de la secte avec machettes, flèches, etc.

«Dans cette guerre contre Boko Haram, l’armée est certes la colonne vertébrale, mais les comités de vigilance n’en sont pas moins importants dans la mesure où notre déploiement sur le terrain est un dispositif de zone. Nos installations sont situées à l’arrière, et les comités de vigilance nous servent de sentinelles avancées», admet un haut gradé de l’armée à Mora.

Les membres du comité de vigilance sont donc aux avant-postes, pour donner l’alerte le cas échéant, traquer et neutraliser l’ennemi. Quand ce n’est pas pour accomplir le sacrifice suprême en allant au-devant des terroristes armés ou des kamikazes qui ne demandent qu’à se faire exploser devant la moindre présence humaine. Ce fut le cas de Abba Ganama Viviet mort avec les kamikazes le dimanche 13 septembre 2015 à Kolofata…

Membres des comités de vigilance et terroristes de Boko Haram se livrent donc une guerre à mort. A Waza, dans la nuit du 1er décembre 2015, trois membres du comité de vigilance local ont perdu la vie après qu’un kamikaze qu’ils avaient réussi à interpeller ait fait exploser sa charge. Antar Boukar, Yaya Emat et Melle Modou s’ajoutent à cette longue liste des «héros» de la nation. Quand ils ne sont pas victimes des attentats, les membres des comités de vigilance doivent permanemment rester sur leurs gardes. La secte terroriste n’hésite pas à mener des assassinats ciblés. A la fin du mois d’octobre 2015, Abba Kolo, membre du comité de vigilance de Mbriché, bourgade située à quelques encablures de Mora, a été assassiné par des terroristes de Boko Haram.

«Ils sont arrivés aux alentours de 3h, l’ont sorti de sa case avant de le tuer. C’est une technique pour nous décourager, mais ils nous trouveront toujours sur leur route», informe un collègue du défunt. Quelques jours avant, c’était au tour du nommé Koktel, membre du comité de vigilance de Gouzoudou, dans l’arrondissement de Kolofata, de trouver la mort dans des affrontements avec des terroristes qui s’étaient infiltrés dans son village. La lutte semble sans merci comme en témoigne cet épisode qui s’est produit le vendredi 27 novembre dernier. Ce jour, le comité de vigilance de Mahoula a interpellé un membre de Boko Haram du nom de Malkao. Au cours de son transfèrement à la base BIR de Mora, il a mortellement blessé un des membres du comité de vigilance, Abakar, chargé de son escorte…

La liste des sacrifiés pour la défense de la patrie est longue. Depuis le déclenchement de la guerre en mai 2014, de nombreux observateurs estiment à au moins une cinquantaine, le nombre de membres des comités de vigilance à avoir payé de leur vie la défense de la nation. «Il n’existe pas une comptabilité centralisée au niveau de la région. C’est quand un membre d’un comité de vigilance décède dans des conditions héroïques que son nom résonne dans les couloirs de l’administration. Beaucoup meurent dans l’anonymat, eux aussi dans la défense de la patrie», explique Jacob, un employé d’une organisation humanitaire dans l’Extrême-Nord.

Le gouvernement essaye aujourd’hui, tant bien que mal, de stimuler ce dispositif de défense rendu indispensable par la multiplication des attentats dans la région de l’Extrême- Nord. Vifs, futés, les membres des comités de vigilance ont enrayé ces derniers mois, nombre d’initiatives meurtrières de la secte terroriste et permis l’interpellation des centaines de ses comnattants. Il reste cependant la question de leur traitement, dans un environnement d’insécurité et de pauvreté ambiantes. «C’est un travail à plein temps. Or les membres des comités de vigilance ont abandonné leurs travaux champêtres pour se consacrer à la défense de leur village. Cependant, il est urgent d’explorer un mécanisme permanent d’appui qui leur permette de subvenir à leurs besoins élémentairescamer.be. De même, il faut créer un modeste fonds pour ceux qui tombent au front, afin que leurs familles puissent faire ne fut ce que dignement le deuil», explique Moussa, un habitant de Mora. «Lorsque nous recevons des informations, la première chose que nous faisons est d’informer les autorités administratives et militaires. Nous voulons bien descendre sur le terrain, mais il nous manque le matériel roulant et le carburant pour nos motos», affirme Alifa Abba, président du comité de vigilance de Fotokol.

DOLÉANCES

Jusqu’ici, il faut le dire, le gouvernement opère par saupoudrage, jouant sur le patriotisme des membres des comités de vigilance et sur des symboles comme accrocher des médailles sur le cercueil de ces «héros». C’est dans ce cadre qu’il faut situer la récente visite de Midjiyawa Bakary, le 30 novembre 2015, aux comités de vigilance de Fotokol et de Dabanga. «Les résultats des actions des membres des comités de vigilance sont à ce jour probants. C’est fort de cela que le chef de l’Etat m’a dépêché pour présenter ses condoléances aux familles touchées et leur remettre le soutien financier et ainsi qu’aux blessés qui sont internés dans les hôpitaux. L’état d’esprit des populations est bon. Les comités de vigilance sont déterminés à en découdre avec la secte islamiste Boko Haram. Cette secte, depuis un certain temps, ne trouve pas l’occasion de se déployer, autre qu’à la lisière.

Nous saluons la bonne collaboration entre les populations et nos forces de défense», a indiqué le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord, Midjiyawa Bakari, lors de son étape de Fotokol. Ici, outre l’enveloppe de 9.500.000 Fcfa remis au comité de vigilance, il a également élevé Maloum Massao Issa, membre dudit comité décédé le 09 novembre 2015, chevalier de l'ordre de la valeur à titre posthume. A Dabanga, c’est la somme de 4.500.000 Fcfa qui a été allouée au comité de vigilance local. Quid des autres morts et des autres comités de vigilance ? Au-delà de cette question existentiellecamer.be, la faible puissance de feu des comités de vigilance fait débat. En plus des précieuses informations qu’ils mettent à la disposition des autorités, ils sont actuellement engagés en première ligne dans la défense des villages avec un arsenal rudimentaire constitué de flèches, de machettes et autres armes blanches. Face à la puissance de feu des terroristes de Boko Haram, autant dire que la parfaite connaissance du terrain est pour l’instant l’unique avantage qui leur permet d’engranger des résultats significatifs. Pour combien de temps encore ? Car Boko Haram, consciente de sa difficulté à décourager les comités de vigilance par des attaques ciblées, a tout simplement décidé de les infiltrer. Le comité de vigilance de Tchakarmari a ainsi arrêté, dans la journée du 29 novembre 2015, un de ses membres, Blama Maïdougou. Il est soupçonné d’être un agent infiltré de Boko Haram… «Le gouvernement tergiverse sur le rôle des comités de vigilance.

Il entend les contrôler pour qu’ils ne franchissent pas une ligne qui pourraient faire d’eux des milices incontrôlables. Donc, il ne leur remet que du matériel de première nécessité comme ce que distribue actuellement le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord et qui est constitué des détecteurs de métaux, des mégaphones, des jumelles, des sifflets, des bottes, des lampes torches, des armes blanches», explique un officier sur zone. Autre défi, et non des moindres, le rapport des comités de vigilance aux droits de l’homme. Son encadrement juridique est inexistant. Les victimes d’hier, devenus justiciers, n’hésitent pas, parfois, à rendre des justices expéditives sous le feu de l’action.

© L’Oeil du Sahel : RAOUL GUIVANDA

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