Prison de New-Bell : Incarcérée pour avoir commenté le décès de ses enfants
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Stéphanie Djomo, une asthmatique âgée de 42 ans, a été écrouée pour propagation de fausses nouvelles et défaut de carte nationale d'identité, après avoir déclaré que ses jumelles sont mortes pendant la guerre dans le Sud-Ouest.

Stéphanie Djomo est une femme âgée de 42 ans, née en 1978. Elle a été interpellée dans la nuit du dimanche 08 novembre 2020, en violation des règles de procédure pénale en vigueur au Cameroun. D'après son conseil, maître Cheick Al Assad, les agents de la gendarmerie qui ont procédé à l'arrestation de la prévenue au domicile de son compagne au quartier Bonassama, à Bonabéri, dans le quatrième arrondissement de Douala, ne possédaient pas un mandat d'arrêt comme le prévoit la procédure. Placée en garde à vue à la brigade territoriale de Bonassama, elle est transférée par la suite au groupement de gendarmerie à Bonanjo. Toujours selon son avocat, Stéphanie Djomo n'a pas bénéficié d'une assistance juridique tout au long de son audition dans ces unités de détention.

Une autre violation flagrante de la loi camerounaise. Le dimanche 11 novembre, soit quatre jours après son interpellation, la jeune femme a été déférée à la prison centrale de Douala, sur ordre du juge d’instruction numéro deux du Tribunal militaire de Douala.

Asthmatique

Stephanie Djomo a été inculpée pour propagation de fausses nouvelles et défaut de carte nationale d'identité (CNI). Samedi 15 novembre, maître Cheick Al Assad a été informé de l'extraction de sa cliente pour le tribunal militaire, en exécution d’un mandat du commissaire du gouvernement. Le juriste s'est rapproché du juge d'instruction, qui lui a fait savoir qu'il n'était pas au courant du déferrement de la dame. Mais, à sa grande surprise, l'homme de loi se rend compte de la présence de sa cliente. « Après renseignements j'ai découvert que le commissaire du gouvernement s'est enfermé avec la cliente dans son bureau. J'ai vainement demandé à assister à la rencontre », a déclaré l'avocat désolé. Lundi, sa cliente a à nouveau été extraite, dit-il, « pour une destination inconnue ».

D'après des informations recueillies auprès de ses proches et confirmées par son conseil, Stéphanie Djomo souffre d'asthme avant même son arrestation, sa garde à vue et son incarcération. Le soir où elle a été écrouée à la prison de New-Bell, l'accusée a chopé une crise d'asthme. « Lorsqu'elle est arrivée en prison, dans la nuit, sa maladie s'est aggravée. Sa tension a chuté et elle a fait des crises d'asthme. Elle a été conduite à l'infirmerie. L'infirmier a constaté la gravité de son cas et a fait recours au médecin de la prison », affirme maître Cheikh Al Assad, qui a eu accès au carnet médical de sa cliente. L’avocat a demandé la mise en liberté sous caution de la patiente au regard de l'état de santé de cette dernière et des motifs retenus contre elle. « La propagation de fausses nouvelles et le défaut de CNI sont des délits dont les peines ne dépassent pas trois ans. En outre, la mise en cause a un domicile connu », a expliqué l'homme de loi pour justifier sa démarche.

Les faits

Le 03 novembre 2020, Stéphanie Djomo était l'invitée d'une émission dédiée aux femmes et diffusée sur une chaîne de télévision émettant depuis Douala. Elle avait déclaré que ses jumelles ont trouvé la mort pendant la guerre qui, depuis la fin de l'année 2016, oppose les forces armées camerounaises aux groupes réclamant la sécession de la partie anglophone du Cameroun. Au moment où décèdent les jumelles de cette mère de quatre enfants, elle vivait au quartier Fiango à Kumba, où huit élèves ont atrocement été assassinés le 24 octobre 2020 par des assaillants. Après la mort tragique de ses filles, Stéphanie Djomo avait bravé les écueils jusqu'aux rives ouest du fleuve Moungo, avant de trouver refuge au domicile du père de ses jumelles au quartier Bonassama. Au moment de son interpellation, elle y vivait dans un dénuement total. Selon des révélations faites par les filles aînées de l'accusée dans un reportage diffusé sur la même chaîne de télévision, leur maman avait tout perdu au cours des attaques ayant coûté la vie à ses jumelles. Ce qui justifie qu'elle ne soit même pas en mesure de se faire établir une nouvelle pièce d'identité.

La loi violée

Depuis sa sortie médiatique, Stéphanie Djomo est objet de vives critiques de la part de certains internautes, qui l'accusent de déclarations mensongères. Ses détracteurs lui reprochent d'être l'instrument d'un parti politique de l'opposition récemment accusé de tentative de déstabilisation du Cameroun. Les propos de la femme sont perçus en effet comme une atteinte à la sûreté de l'État. Le 12 novembre, au lendemain de son arrestation, le ministre de la Communication du Cameroun, René Emmanuel Sadi, a fait une déclaration. Dans celle-ci, il accuse la chaîne de télévision d'avoir servi de tribune pour la propagation de « déclarations mensongères ».

Le ministre viole ainsi le principe de la présomption d'innocence prévue par le nouveau code de procédure pénale de 2006. En son titre premier, cette loi stipule dans l'article 8 du livre 1 : « Toute personne suspectée d'avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui seront assurées. » La même loi fixe les conditions d'interpellation d'un suspect : « L’officier de police judiciaire chargé de l'exécution d'un mandat d'arrêt ne peut à cette fin s'introduire dans une résidence avant 06 heures et après 18 heures. »

Enfin, Stéphanie Djomo n'a commis aucun crime ni un quelconque autre flagrant délit. A ce titre elle peut bénéficier des conditions de la mise en liberté provisoire prévue par la même loi.

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