Biya, Libii et Kamto : Convergences et désaccords de trois postures
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Le président de la République et ses deux principaux challengers, lors de la dernière élection présidentielle, ont pris la parole à la veille de la fête de l’unité nationale. Outre le choix des sujets, les approches ne sont pas toujours consensuelles.

Paul Biya est un habitué des coups médiatiques. En opérant une sortie, le 19 mai 2020, à la veille de la fête de l’unité nationale, le président de la République entend d’abord faire taire les rumeurs et les incertitudes autour de son incapacité physique à gouverner. Mais aussi son aptitude à manifester sa proximité avec les couches populaires. Dans le même temps, le président de la République veut donner les gages de la maîtrise qu’il a de la lutte contre la pandémie du Covid-19 dont le Cameroun subit les affres depuis la mi mars 2020. Le vainqueur proclamé de l’élection présidentielle du mois d’octobre 2018 promeut aussi l’image d’un homme d’Etat au devant de l’impératif d’unité nationale malgré les dissensions existantes dans l’espace social et politique.

C’est à priori la perception première que l’on a du discours que le président de la République a prononcé le 19 mai 2020. Une allocution dont l’essence repose sur la lutte contre la propagation du Coronavirus au Cameroun ainsi que la stratégie adoptée par le gouvernement pour faire face à la menace. Sous ce prisme, Paul Biya indique qu’il faut allier mesures de sauvegarde sanitaires et préservation du tissu économique.«Sans revenir sur le détail des 19 mesures édictées à la fin du mois dernier, je voudrais en préciser l’esprit. Il s’agissait essentiellement d’atténuer l’impact de la pandémie sur l’économie nationale et sur la vie des ménages les plus fragiles. En tirant les leçons encourageantes de notre stratégie de riposte contre le COVID-19, il a été possible de prendre des mesures d’assouplissement et de soutien au bénéfice des secteurs économiques concernés et des personnes les plus touchées par la pandémie. »

Lutte contre le Covid-19

De même, le président de la République appelle à une mutualisation des efforts dans l’optique de vaincre la pandémie. Une union sacrée de toutes les forces vives de la nation. Sur ce point, Paul Biya qui apprécie l’implication de tous les acteurs sociaux, culturels et politiques «encourage également tous les efforts visant à mettre au point un traitement endogène du Covid-19.» Un appel à la mise en berne des polémiques liées à certains apports ?En décidant de prendre la parole au même moment que le président de la République, le président national du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), Maurice Kamto a d’abord pris le risque de soumettre sa sortie à l’évaluation des courbes d’audimat très scrutées en ces circonstances. Le principal challenger de Paul Biya, lors de la dernière élection présidentielle, a aussi visiblement fait le pari que Paul Biya resterait muré dans le mutisme. Maurice Kamto a en effet assimilé les dissonances communicationnelle, observées ces derniers temps au sein du gouvernement, à une absence de leadership à la tête de l’Etat.

«Et la question revient, lancinante : Qui dirige le Cameroun aujourd’hui ? Où se cache Monsieur Paul Biya qui s’est pourtant octroyé la fonction de Président de la République, au mépris des urnes, à l’issue de l’élection présidentielle du 7 Octobre 2018?» Le seul point de convergence entre les deux principaux challengers de l’élection présidentielle d’octobre 2018 et le président du Pcrn, Cabral Libii apparait dans la reconnaissance de la menace sanitaire suscitée par la pandémie du Coronavirus. A l’unisson, Paul Biya, Cabral Libii et Maurice Kamto soutiennent que le combat nécessite l’implication de toutes les composantes sociales. Mais là s’arrête quelque peu la convergence.

Pour sa part, le leader du Mrc dénonce «des assauts barbares et répétés du régime en place, pour des raisons qu’il donnera un jour au peuple camerounais, je l’espère bien. Les actions de SCSI sont en effet criminalisées par le pouvoir qui empêche les populations de recevoir gratuitement des masques barrières et des solutions hydro alcooliques que ce pouvoir ne parviennent pourtant pas à leur offrir.» Deuxième force politique du Cameroun, à l’issue des élections municipales et législatives du 9 février 2020, le président du Pcrn, Cabral Libii met en relief les curiosités des mesures gouvernementales pour lutter contre la propagation du Coronavirus. Pour illustration, celle d’annuler les festivités alors que les lieux à forte concentration humaine sont autorisés par le gouvernement.

«Les motifs de restrictions des mouvements qui auraient pu justifier une annulation, n’ont plus la même validité aujourd’hui avec le changement de stratégie de la lutte contre la pandémie, non plus basée cette fois, sur le confinement partiel, mais sur l’appel à la responsabilité individuelle et collective.»

Unité nationale

Quoique le président de la République a pris la parole à la veille de la fête de l’unité nationale, Paul Biya ne s’est pas exprimé sur la question. La problématique, elle, constitue une trame importante dans les allocutions de ses deux principaux challengers. Pour le président national du Mrc, Maurice Kamto «La fête nationale se veut un moment de communion et de célébration.» Une posture partagée par le président national du Pcrn, Cabral Libii qui explique que «la menace du Coronavirus, ne peut en aucun cas nous faire oublier la crise du vivre-ensemble qui prévaut dans notre pays. (…) c’est lorsque l’unité d’un pays est menacée qu’il faut la marteler avec force ! Depuis quelques années, l’unité et l’intégrité de notre pays sont ébranlées jusqu’aux tréfonds de leurs fondations.» Pour illustration, Maurice Kamto invoque la crise sécuritaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest.

«Le Gouvernement en place continue d’imposer aux braves populations du Nord-Ouest et du Sud - Ouest cette guerre civile violente, barbare et inutile, qu’il a lui-même déclenchée à la suite des mouvements protestataires de novembre 2016, et dont le tribut est lourd et déplorable à plusieurs égards.» De même que le leader du Mrc soutient que l’espace politique est dominée par la haine ethnique et le «tribalisme d’Etat». «Cette situation est l’aboutissement d’un processus unitaire de cohésion sociale mal construite ou mal géré», indique Cabral Libii dans son allocution. Le président national du Pcrn fait remarquer à ce sujet que «Très peu de choses unissent désormais au quotidien les camerounais. Le sentiment national s’est effrité et le replis identitaire a fortement progressé.»

Pourtant, explique la même source, il existe une soif d’unité chez les camerounais.

Clientèles politiques

Pour autant, il ne faut pas se méprendre dans les postures des principaux discoureurs de cette commémoration de la fête de l’unité nationale. Quoique président de la République, Paul Biya ne peut se défaire de sa tunique de chef de file du Rdpc au pouvoir. Autant que son principal challenger, lors de la dernière élection présidentielle, Maurice Kamto ne désarme pas sa stratégie de contestation de la légitimité du président déclaré élu. Tout à côté, le président national du Pcrn, Cabral Libii n’a de cesse de conquérir les espaces négligés par ses rivaux. Dans ce jeu de conquête des clientèles politiques, les discours ne manquent pas souvent de colorations partisanes.

Vu sous se prisme, Paul Biya a beau jeu de dire « La plupart d’entre vous ont bien compris que devant le danger sournois que représente le COVID-19, il convenait de mettre de côté les querelles politiciennes et de présenter un front commun. Certains dirigeants politiques qui n’appartiennent pas à la majorité gouvernementale se sont exprimés dans ce sens. Je les en remercie.» De même que la même source entend faire savoir que «le gouvernement, sous mon impulsion, fait le maximum possible pour nous sortir de cette grave crise sanitaire.»

Posture identique chez le chef de file du Mrc. Maurice Kamto qui met en relief «l’incapacité» du gouvernement à résoudre la crise sécuritaire qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest ne boude pas l’occasion de réitérer sa posture depuis la sortie de l’élection d’octobre 2018. «Comme à son habitude, le régime illégitime, aveuglé par la haine et dépassé par la gestion du quotidien, continue d’instrumentaliser l’appareil étatique contre moi et les personnes proches de moi, y compris lorsqu’elles mènent des actions de salut national, comme dans le cas d’espèce.» Un acte de déraison et d’absurdité, martèle-t-il. Cabral Libii est certainement l’homme que personne n’a vu venir dans ce qui apparait comme une confrontation discursive prétextée par la célébration de la fête de l’unité nationale.

Son propos n’échappe pas à la quête de clientèles politiques. D’abord une pique savamment logée dans son propos : «Nous ne céderons pas aux tentatives futiles qu’agitent de fébriles vaniteux. Nous passerons outre les provocations incessantes des velléitaires.» Puis, «Tenez-vous prêts ! La feuille de route d’alternance qui sera bientôt mise en oeuvre par le Pcrn ne fera place ni à l’oisiveté, ni à la haine, ni à la distraction.» Ce qu’il faut démontrer ? «Je pense que le pire est à venir. Si rien n’est fait, plus rien ne restera du Cameroun d’ici quelques années. La prochaine déflagration risque être pire que la crise anglophone ! L’ordre gouvernant a prouvé son incompétence à bâtir un projet national solide. Au contraire, il nous dirige droit vers les abîmes.» Dixit le président du Pcrn.

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