Journée du 8 mars:Les africaines expatriées ou d'origine vivant à l'étranger se préparent activement
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FRANCE :: Journée du 8 mars:Les africaines expatriées ou d'origine vivant à l'étranger se préparent activement

Les femmes célèbrent le 8 mars, le coeur en exil. « Pour moi, c'est une journée internationale qui valorise la femme en général, et, en particulier la femme africaine.  Elle met en avant la lutte pour les droits des femmes, notamment pour la réduction des inégalités par rapports aux hommes.  Certains Etats ont bien compris le sens de cette célébration, en renforçant la parité genre au sein de l'administration ». Anne-Marie Koffi Kouadio est Avocate au barreau de Paris.

Cette ivoirienne qui a soutenu, en 2012, une thèse sur « La Côte d'Ivoire en crise face au droit international(institutionnel, normatif, onusien) : essai d'un bilan », à Paris 1, mesure la chance qu'elle a d'exercer dans l'hexagone sans éluder les difficultés rencontrées. «La profession n'est pas facile, comme bien d'autres secteurs d'activités d'ailleurs. Les difficultés principales sont la constitution de la clientèle, sa gestion, les charges et le racisme ». 

« Un statut de plus en plus valorisé »

Elle note, cependant, de réelles avancées dans la condition féminime.« Les conditions de la femme en Afrique et en Côte d'Ivoire se sont améliorées. La femme est vue autrement, même s' il reste beaucoup à faire », indique-t-elle, ajoutant :«En Afrique, on constate le brisement de nombreuses barrières, notamment des femmes occupant des postes de responsabilités, notamment des femmes Présidents de la République bien que peu, la parité homme-femme instituée par le Rwanda, des femmes chefs d'entreprise....La Côte d'Ivoire tente également d"instaurer la parité genre quand bien même le processus serait lent », souligne-t-elle encore avant de préciser. « Des pratiques telles que le mariage forcé, l'excision commencent à être abandonnées dans certaines communautés, à force de stigmatisation. Il faut souligner que la cherté de la vie expose certaines femmes à la  pauvreté qui trouvent le moyen de l'endiguer par la prostitution. La femme africaine a un bel avenir sur son continent qui regorge de nombreuses richesses. Malgré le temps passé à l'étranger, il faudra rentrer un jour au pays natal pour mettre ses compétences acquises à sa disposition, pourvu que ceux qui y sont veuillent bien offrir cette opportunité ». Pour Mireille Nteppé, une chef d'entreprise d'origine camerounaise et présidente d'associatons, il s'agit de valoriser la femme dans toute sa dimension.« Le 8 mars, c'est une journée pour célébrer la femme dans toutes ses dimensions, toutes les valeurs qu'elle véhicule. Elles sont très dynamiques en Afrique, c'est elles qui font bouger lignes. Elles ne font pas que de tenir le foyer, elles occupent toutes les sphères socioprofessionnelles, on les retrouve dans tous les secteurs d'activité », affirme-t-elle. Et d'insiste : « Notre statut a beaucoup changer, évoluer positivement, même si tout n'est pas encore parfait en matière notamment d'égalité au niveau des salaires. Je suis persuadée que notre statut continuera de s'améliorer. Tous le monde a conscience de cette nécessité. »
« Un arbre à plusieurs racines »

De son côté, Habiba Dehby, une marocaine qui vit en région parisenne, présidente de l'association Saberines dont le but est de « valoriser la femme et mettre son savoir faire au service des autres » voit en la célébration du 8 mars « Une journée pour mettre en exercergue le rôle de la femme dans la société. La femme, est comme un arbre à plusieurs racines. Femme au foyer, femme respondable d'une activité ou d'une entreprise, femme impliquée dans la vie politique, femme moteur du développement économique et du progrès social... ».

Elle entrevoit un futur radieux des femmes dans le monde. « Femme innovante, influente, beaucoup plus engagée, toujours entrepreneuse et symbole de la Paix », soutient-elle avant de dévoiler ses projets à venir. « Accompagner les femmes entrepreneuses au Maroc et créer une maison internationale pour lancer une coopération entre pays, dans le but de développer une économie durable et favoriser le vivre ensemble ».

Trois questions à...Hermine Rigaud

Maire adjointe de Chevilly-Larue, dans le Val-de-Marne(94) en Ile-de-France, chargée de l'action sociale et des solidarités, cette Camerounaise d'origine est une véritable femme de tête. Elle pose son regard sur la célébration de la journée de la femme, le 8 mars.

« Le combat pour la cause des femmes doit continuer »

La communauté internationale célèbre, le 8 mars, la journée internationale des femmes sur le thème: "Je suis de la génération égalité: levez-vous pour les droits des femmes". Quel sens donnez-vous à cette thématique, en temps que française d'origine camerounaise ?

Permettez-moi de préciser que je me situerai ici en tant que femme tout court, car je pense que le combat des femmes reste le mien quelque soit mes origines. Pour le thème de la célébration des droits des femmes cette année : "Je suis de la génération égalité: levez-vous pour les droits des femmes", je considère que c’est un bon éveil de cognition. Une sensibilisation. Ce jour est une occasion de faire un bilan sur la situation des femmes dans nos sociétés, en Occident comme en Afrique, ici en France comme là-bas au Cameroun. Cette thématique pousse à une prise de conscience continue, par la médiatisation, des échanges, des partages du savoir-faire, des bonnes pratiques, des rencontres, pour une meilleure prise en compte des problématiques et surtout, la réduction des inégalités. J’ai été très émue d’apprendre, cette semaine, que la camerounaise Rosa ABAA, leader d’ONGs, a préparé une forte délégation de femmes de plusieurs pays d’Afrique, qui serait dans l’avion en ce moment, pour allez plaider la cause des africaines aux Nations-Unis, à New York, pour la célébration du 25ème anniversaire de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes, Beijing 1995, sur le thème: « Lutte pour l'Égalité, le Développement et la Paix », du 9 au 20 Mars 2020. C’est une très bonne chose que cette délégation de femmes africaines aient obtenue un rendez-vous pour une rencontre et une sénace de travail avec Dr. Delois Blakely appelée communément « Queen Mother de Harlem », qui est une figure allégorique de la lutte pour les droits de la femme aux Etats-Unis.

Cette journée est officiellement reconnue par les Nations Unies, depuis 1977. Avez-vous le sentiment que les choses ont vraiment changé en matière d'égalité entre les hommes et les femmes?

Justement, c’est en 1977 que l’ONU a officialisé le 8 mars, comme journée internationale des droits des femmes. Une mesure qui trouve son origine dans les luttes des ouvrières, au début du XXème siècle, pour des meilleures conditions de travail. Il s’est agit depuis lors, de faire du 8 mars une journée de mobilisation, pour rappeler que l’égalité entre les femmes et les hommes ne va pas de soi, et qu’elle demeure une priorité. De nombreuses lois ont été votées ça et là, pour atteindre par exemple l’égalité professionnelle, mais elles sont encore insuffisamment suivies d’effets. Aujourd’hui les inégalités persistent encore, autant dans les sphères privées que publiques. Selon les statistiques, l’écart de salaire entre une femme et un homme, ici, en France par exemple, est à ce jour en moyenne de 25 %. En Afrique et surtout au Cameroun la discrimination serait plus flagrante encore tant au plan politique, professionnel que sociétale. Aucune femme n’est à la tête des 40 sociétés françaises cotées à la bourse. Les femmes sont surreprésentées dans les populations précaires. Environ 17 %  seulement d’entre-elles occupent des postes importants. La retraite des femmes est inférieure en moyenne à celle des hommes. Pourtant, les femmes ont toujours travaillé, et pas seulement sur le lieu de travail. Ce serait oublier les tâches ménagères. En ce qui concerne nos sœurs africaines, la sensibilisation et le combat doivent continuer sur tous les points.
Sur un rapport de Madame Brun Delphine, conseillère de « inter-agences GenCap » au Cameroun, publié en octobre 2019, j’ai appris avec beaucoup d’étonnement qu’au Cameroun, seulement 1% de femmes sont propriétaires d’une maison avec un droit foncier. Que là-bas elles sont 79,2% en situation de sous-emploi ; qu’elles représentent 51,5% de la population nationale à vivre sous le seuil de pauvreté ; que seules 16,8% de femmes camerounaises bénéficient d’un crédit pour un usage quelconque ; que 43,2% des femmes en union sont confrontées aux violences conjugales ; que les femmes consacrent en moyenne 8,2 heures de plus par semaine que les hommes aux travaux domestiques non rémunérés ; Et le taux de mortalité maternelle est de 782 pour 100 000 naissances vivantes… Personne ne peut rester insensible devant le choc de ces chiffres. Il faut faire quelque chose !

Vous êtes maire adjointe de Chevilly-Larue, dans le Val-de-Marne(94) en Ile-de-France, chargée de l'action sociale et des solidarités. Quel est le programme du 8 mars 2020 dans votre commune?

Chaque année, pour la journée du 8 mars, plusieurs actions sont prévues au niveau national, départemental et communal. En ce qui nous concerne au niveau de notre ville, Chevilly-Larue, nous avons un programme de la ville assez sobre, organisé par la municipalité. Et à côté, un autre programme de quartier que je gère avec des associations depuis pas mal d’années, est très apprécié des immigrés de la ville. Notamment les Camerounaises, les Sénégalaises, Maliennes, Marocaines, Ivoiriennes, Tunisiennes, Congolaises, Algériennes et autres... Nous aurons une soirée remplie, avec une exposition artisanale de la créatrice africaine Anteh Bake, une conférence débat autour du thème de cette édition, avec un focus sur les nouvelles lois sur la récupération de la pension alimentaire. La semaine d’après, il est prévu la projection d’un film réalisé avec la collaboration de jeunes filles et jeunes femmes des quartiers Sorbiers - Saussaie à Chevilly-Larue. Le film dont le tournage et le montage ne sont pas encore terminés, comprendra des témoignages de femmes, qui exercent des métiers traditionnellement considérés comme masculins, notamment la cheffe de la police municipale de Chevilly-Larue, une employée du service des espaces verts de Chevilly-Larue, une machiniste de la RATP(Réseau autonome des transports parisiens), une ingénieure conductrice de grands travaux de construction. Le film est réalisé par Caroline Kim, qui est journaliste documentaliste. La coïncidence ici est que, française d’origine, Caroline Morange, aujourd’hui Caroline Kim, connait un peu le Cameroun, pour y avoir séjourné à l’occasion de ses stages académiques, dont un effectué chez-vous au journal le Messager, en 1987.

L’année dernière déjà, nous avions invité une réalisatrice camerounaise, du nom de Tamar Tientcheu, pour la projection de son film « La Triade », suivi d'un débat. Un film qui traite fort opportunément des libertés, d’égalité et des débouchés de femmes.

Témoignage de Annie Tchoko, présidente de l'association « Les mamans solidaires », à Bruxelles, la capitale européenne.

Cette exilée du triangle national promeut la solidarité et l'entraide tant en Belgique qu'au Cameroun. Elle est au four et au moulin pour la célébration du 8 mars.

« La femme africaine doit être plus ambitieuse »

Elle ne manque pas d'énergie ni d'idées. Pourtant, elle a le blues. « Malgré le confort que présente notre pays d accueil, il nous est difficile d'oublier d'où on vient je reprends ces propos d Olivier Adam(écrivain français ndlr) dans les lisières(publié chez Flammarion en 2012 ndlr) : « grandissant ici , on était nulle part et de partout à la fois, on était pour toujours excentrés à l'extérieur et à l'intérieur dans le ciel, d'un bout à l'autre du monde, on demeurait sans racines, sans attaches ».

Il résume ce que nous vivons, la dure réalité de l'exil, vivre dans la solitude loin de sa famille, ses amis et sa culture, parce qu'on fuit la misère, le chômage, la dictature et la pauvreté », confesse Annie.

Une réalité qui va la pousser, avec d'autres femmes, à trouver une activité pour se mettre au service des autres. «Conscientes des défis à relever tant au Cameroun et ici, nous avons décidé en 2016, avec un groupe d' amies, de créer « Les mamans solidaires » , une association qui regroupe 15 femmes ».

Grande marche des femmes à Bruxelles

L'ambition et les missions de cette association. « Nous développons, entre les membres, les actions de solidarités via les épargnes. Nous organisons des activités pour l'épanouissement de nos membres et leurs enfants, venons en aide à un public précarisé en Belgique, par la préparation et la distribution des repas, soutenons également les communautés locales au Cameroun, par l'envoi des matériels dans les orphelinats et des centres d' accueil pour réfugiés », confie encore la présidente des « Mamans solidaires ».

Pour elle, la journée internationale de femme a un parfum particulier, bien au-delà d'un rendez-vous festif. « Le 08 Mars est la journée des droits de la femme et non la journée du pagne comme on nous a laissés croire au Cameroun pendant des années. C est une journée de revendications et de célébrations. On célèbre les avancées obtenues jusqu'à présent dans la valorisation de notre condition et on revendique ce que nous méritons, ce que nous sommes en droit d'obtenir ».

Dimanche, dans les rues de Bruxelles, « Les mamans solidaires », seront aux côtes des autres femmes à la grande marche de la femme, organisée par les associations féminines belges. « Les revendications tourneront autour de la dénonciation des massacres des femmes et enfants au NOSO et l'insécurite dans les régions du nord, du viol des enfants, des violences faites aux femmes, de la discrimination , du racisme. Et, à partir de 16heures, nous participerons à la grande Conférence des femmes camerounaises, sous le thème « Engagement politique des femmes au Cameroun », explique encore Madame Tchoko.

« L'émancipation des femmes se fait avec celle des hommes »

Elle aimerait voir ses soeurs africaines renverser la table, prendre plus souvent le lead. « Les femmes africaines traînent le pas. En Afrique, les femmes sont dépendantes financièrement des hommes mais en occident elles sont sentimentalement dépendantes. Elles ne suivent pas les mouvements féministes actuels. En Afrique, on est resté sur le défilé depuis des années, alors que cette pratique n'existe plus dans les pays avancés, où l'on privilégie la réflexion, la sensibilisation, prise de conscience des acquis et des luttes qui restent encore à mener », dit-elle, martelant : « la femme africaine est peu ambitieuse et absente dans les sphères de décisions et celles qui y sont défendent des intérêts personnels. La notion de citoyenneté n'a pas de sens pour nous. Il faut, enfin, aider les réseaux de femmes qui favorisent leur émancipation, que ce soit dans le domaine civique ou économique. L’émancipation des femmes ne peut se faire sans celle des hommes. L’histoire de la Tunisie, l’un des pays arabes les plus avancés quant au statut de la femme, montre que les grandes étapes de l'émancipation ont résulté de mouvements de femmes et d’hommes".

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