Les jeunes, acteurs du récit national
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On savait le président camerounais proche de la génération androïde, de ses préoccupations, de ses attentes, de ses peurs et de ses espoirs. C’est en partie pour mieux les toucher qu’il s’exprime si souvent sous la forme qu’ils plébiscitent : le tweet. Et c’est aussi pour leur exprimer sa fierté qu’il cite à maintes occasions la jeunesse sportive en exemple, n’hésitant pas à lui ouvrir les portes du Palais de l’Unité pour d’intenses effusions familiales et de grandioses marques de reconnaissance.

Dans les précédents discours à la jeunesse, le chef de l’Etat avait multiplié les paroles d’exhortation et d’encouragement à ses jeunes compatriotes. Nous sommes désormais habitués à ses expressions de tendresse paternelle à leur égard : « Je compte sur vous », « Vous pouvez compter sur moi », « Gardez confiance en l’avenir ». Bien sûr, ces paroles destinées à galvaniser les jeunes et à cultiver leur confiance dans la nation et son avenir, ne reposent pas sur la vacuité des mots, ni ne se réduisent à de viles promesses. Elles s’appuient toujours sur des actes et réalisations concrets de l’Etat en faveur des jeunes. Dans ses messages à la Jeunesse, Paul Biya se plaît ainsi à énumérer ses acquis, tout en reconnaissant humblement que le chantier demeure titanesque.

Pourtant, même si les observateurs s’habituent au fil des années à ce dialogue intimiste et puissamment mobilisateur entre Paul Biya et les jeunes, ils n’ont pas manqué de relever qu’il était monté d’un cran le 10 février dernier au soir. « J’ai besoin de vous ! », a martelé le chef de l’Etat aux jeunes, à la fin de son discours, comme si c’était là la parole qui devait rester, lorsque pris par l’insouciance si caractéristique de leur âge, les jeunes auraient détourné l’attention. A travers cet appel lancinant, le face-à-face cathodique entre l’homme d’Etat et les jeunes prend une dimension à la fois solennelle et confidentielle.

C’est une demande formulée les yeux dans les yeux, comme faisant abstraction des millions de téléspectateurs adultes présents. J’ai besoin de vous, explique le président, parce qu’« il reste beaucoup à faire », et que « nous le ferons ensemble ». Il y a aussi un je-ne-sais-quoi de mystique dans cet appel au rassemblement pressant, comme le chant du muezzin ou le son impétueux du clocher vous extirpant de la torpeur de l’aube. Pour comprendre les ressorts et la portée d’un tel appel à l’engagement et à l’énergie de la Jeunesse, il faut sans doute remettre en mémoire l’actualité récente et le contexte sociopolitique et économique.

D’une part, une belle coïncidence : en effet, deux jours avant la fête de la Jeunesse, les Camerounais étaient appelés aux urnes pour choisir leurs députés et conseillers municipaux. Ce double scrutin était perçu comme l’un des événements-phares du retour à la normalisation politique, après plusieurs reports dus à la situation sécuritaire délétère dans certaines régions. Mais ces élections étaient également redoutées par tous ceux qui, au Cameroun et à l’étranger, avaient choisi de souffler sur les braises des différentes crises, dans l’objectif clair de déstabiliser le pays. Ils avaient donc continué à semer la peur, le désespoir et le découragement parmi les populations, tout en prônant un boycott des élections. Alors que le scrutin s’est déroulé globalement dans le calme, avec une participation jugée honorable, Paul Biya prend prétexte du succès du processus électoral, survenant après le Grand dialogue national, le statut spécial du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les lois sur la décentralisation et le bilinguisme, pour dispenser une pre- mière leçon aux jeunes : on peut régler les problèmes autrement que par la violence.

De l’autre, un constat évident : le président de la République a la ferme volonté de renouveler le personnel politique, et de donner leur chance aux jeunes loups qui entendent investir le champ politique. Ses consignes à la veille des primaires au sein du parti au pouvoir, le RDPC, étaient on ne peut plus claires à cet égard, même si elles ont rencontré à certains endroits une forte résistance. La volonté de renouvellement et de rajeunissement ainsi actée profite en premier lieu aux jeunes, et Paul Biya présente cette situation comme une véritable opportunité pour les concernés, invités à faire carrière dans la gouvernance locale, afin de marquer de leur empreinte le nouveau virage de la décentralisation. On peut aussi penser que dans ce septennat qu’il juge décisif, puisque devant paver les voies de l’émergence, et consolider la démocratie, les jeunes Camerounais talentueux, ambitieux et travailleurs sont dans le viseur de Paul Biya.

Qu’y aurait-il d’anormal à mettre à contribution l’énorme potentiel des jeunes Camerounais dans tous les domaines ? Comme cela est perceptible, l’appel solennel du président aux jeunes revêt en outre un caractère de gravité lorsqu’il s’adresse aux déviants et aux marginaux. C’est le cas de ceux qui ont sombré dans l’esclavage des stupéfiants, et par voie de conséquence dans la violence aveugle, la déperdition scolaire, la dépendance ou la maladie. C’est également le cas de ceux qui se terrent dans les brousses du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, convertis au terrorisme par appât du gain, prisonniers des initiateurs d’un projet sécessionniste sans lendemain.

Sans se lasser et en projetant toujours la promesse du pardon, le chef de l’Etat interpelle leur conscience. Oui, le « J’ai besoin de vous » s’adresse aussi aux brebis perdues, dans l’espoir de rassembler tous les enfants du Cameroun, et pour administrer la leçon selon laquelle il faut toujours accorder une seconde chance aux égarés.

En tout état de cause, il n’est pas anodin que parmi les populations qui ont bravé les menaces des milices sécessionnistes pour aller voter dimanche dernier, parmi celles qui organisent des battues pour les chasser des villages, parmi celles qui déposent les armes, il y ait beaucoup de jeunes, fatigués de la guerre et désireux de vivre en paix dans leur communauté. Dans ce sens, l’appel du chef de l’Etat est aussi un philtre d’optimisme et d’espoir, une ode au courage et à l’engagement de ces jeunes, prêts à donner leur cœur, voire leur vie pour ce nouveau combat. Celui de l’unité, de la prospérité et de la Justice sociale. 60 ans après l’indépendance, que d’autres jeunes comme eux ont conquise par le sang, les larmes, et la sueur. Quel beau récit national !

En définitive, à la dynamique de la peur et du chaos, Paul Biya oppose une fois encore celle de la stabilité et de l’unité, qui seules permettront de construire plus solidement encore la prospérité et la démocratie, autour d’un nouveau pacte social et d’une croissance plus inclusive, où les jeunes auront leur place, toute leur place .

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