Libertés publiques : Le retour des sauvages
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L'année 2019 a consacré un recul que l'on voyait progressivement venir.

Pour sûr, ils ne l'ont pas raté. Il reste fier, mais il a mal. Il est mal. L'image de cet homme pratiquement nu et dont le corps présente des signes manifestes de torture fait rapidement le tour des réseaux sociaux. Il ne s'agit pas d'un voleur battu par la population en quête de vengeance, mais du vice-président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc). Mamadou Mota a été battu comme plâtre ce 22 juillet 2019. Sa faute ? Être l'un des leaders du principal parti de l'opposition.

«Monsieur le Président du Tribunal, la personne qui comparaît devant vous est un ingénieur agronome. Je puis vous dire que ma présence ici n'est autre qu'un acharnement politique. Mon crime est d'avoir été dans l'opposition et de critiquer le régime. Mais mon plus grand crime c'est surtout d'avoir fait des études. Vous voyez ce bras plâtré et cette tête cassée. Ce ne sont pas des bandits qui m'ont agressé, mais des gendarmes qui méthodiquement, froidement, avec une violence et une rage folles, m'ont causé ces blessures, et ce ne sont pas les seules», a déclaré Mota au tribunal.

Mamadou Mota a le bras fracturé suite aux tortures qui lui ont été infligées par la gendarmerie (…) et d’autres corps (…) Depuis quatre jours, il traîne son bras en écharpe sans le moindre plâtre, et a eu son unique et premier repas après quatre jours de détention », avait déclaré Olivier Bibou Nissack, le porte-parole du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), quand le parti a pu enfin avoir des nouvelles de son premier vice-président. Cette histoire, on pourrait la raconter comme le fameux procès de Joseph K. dans le roman de Franz Kafka. «On avait sûrement calomnié Joseph K., car, sans avoir rien fait de mal, il fut arrêté un matin». Pour Mamadou Mota c’était en pleine nuit. Il était couché dans son lit lorsque des hommes armés sont venus l’en sortir. En journée, il avait juste tenté de servir d’intermédiaire entre des détenus de la crise anglophone qui réclamaient d’être jugés et l’administration. Et il en a payé les frais. Au point d’être condamné à deux ans de prison. Le portail des camerounais de Belgique (@camer.be). «J´ai une pensée toute particulière pour Mamadou Yacouba Mota. Ce monsieur est héroïque, il a forcé mon respect. Je n´irai pas dans les détails, mais très peu de Camerounais peuvent endurer ce qu´il a enduré, avec autant de dignité et de courage. Et nous savons pourquoi on le cible particulièrement, nous savons pourquoi on broie Mota, pourquoi on veut le maintenir en prison, pourquoi on veut détruire sa famille. Mais qu´il sache que là où il est, nous nous battrons, et moi personnellement je me battrais jusqu´au bout pour sa liberté », a dit Maurice Kamto après sa sortie de prison.

Les actes violents de torture perpétrés à l’endroit du premier vice-président du Mrc sont juste l’une des manifestations du grotesque recul des libertés publiques au Cameroun. Il s’est accéléré au cours de cette année 2019 où toutes les manifestations programmées par l’opposition ont été interdites par le pouvoir. « Le 5 avril, le ministère de l’Administration territoriale a publié un communiqué de presse interdisant les manifestations entre le 6 et le 13 avril et accusant le MRC de déstabiliser le pays. Le ministre, Atanga Nji, a également accusé le MRC d’avoir joué la provocation en choisissant d’organiser des manifestations le 6 avril – date anniversaire de la tentative de coup d’État de 1984 qui avait voulu renverser le président Biya.

Cette mesure s’inscrit dans une tendance grandissante au Cameroun. Depuis fin 2016, le gouvernement a bloqué à plusieurs reprises des manifestations antigouvernementales pacifiques en ayant recours à la force, aux arrestations arbitraires et aux détentions de manifestants. En janvier 2017, le ministre de l’Administration territoriale a interdit les activités du Consortium de la société civile anglophone du Cameroun (CACSC), une éminente organisation de la société civile qui oeuvre dans les régions anglophones, où la situation est explosive », a notamment indiqué l’Ong Human Rights Watch.

L’affaire a même pris un tour complètement ridicule quand des enseignants ont été menacés pour avoir fait leur travail. Le 14 septembre 2019, Nathan Fongang Mesaak, professeur bilingue au lycée d’Avebe-Esse dans le Sud a été interpellé. Il avait évoqué la crise anglophone dans l’une de ses leçons. Dans le même temps, à Manjo, dans le département du Moungo, région du Littoral, le sous-préfet menaçait. « En exécution de la correspondance en date du 28 aout 2019 de Monsieur le préfet du département du Moungo recommandant aux enseignants le respect de l’Etat et de ses institutions j’ai l’honneur de vous faire connaître que tout enseignant surpris en flagrant délit de dénigrement de l'Etat et de ses institutions sera sévèrement puni conformément à la législation en vigueur » ; écrivait-il.

Pourtant, les libertés publiques au Cameroun ont été acquises à l’issue de rudes batailles au début des années 90. La Constitution du Cameroun de 1996, complétée et modifiée par la loi n°2008-1 du 14 avril 2008, en son préambule dispose que : « Le Peuple camerounais, (..) Affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme, la charte des Nations-Unies, la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées, notamment aux principes suivants : (...) Ce temps-là semble être révolu.

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