Le Choix Cornélien de Maurice Kamto
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La presse Camerounaise s’est massivement mobilisée en début de semaine au siège du MRC pour une communication dans laquelle le professeur Maurice Kamto annonçait qu’il ne participera pas aux élections. L’évènement faisait suite à une réunion du conseil national du parti. On retrouve dans le site du MRC la note qui annonce la convocation dudit conseil. On peut lire en substance :

<< Conformément à l’article 19 d) des statuts du mouvement pour la renaissance du Cameroun( MRC) le président dudit parti convoque un conseil national élargi à la présidence des femmes du MRC (FMRC) au président des jeunes du MRC (JMRC) et aux secrétaires des fédérations départementales pour Lundi 25 Novembre 2019…Y sont donc attendus :

Les membres du directoire, les membres du conseil national de médiation et d’arbitrage, les secrétaires de fédérations régionales, la présidente des femmes du

MRC, le président des jeunes du MRC, Les secrétaires des fédérations départementales.>>

Le Document est signé par le professeur Maurice Kamto. La décision a été prise au somment du parti, au sein d’un collège de cadres. Une décision vraiment si collégiale ? Il faut se méfier de l’effet gourou dans les partis politiques. J’ai vécu ce phénomène au sein d’un grand parti politique Belge,. Quand le responsable politique de notre localité aujourd’hui ministre (je préfère ne pas le citer) , devait prendre une décision, il demandait à l’assemblée : Qui est contre ? Personne n’osait lever la main pour formuler des réserves ou même protester. C’est ainsi que toutes les décisions passaient comme une lettre à la poste. Les décisions étaient bel et bien prises de façon collégiale et démocratique. Pourquoi les cadres et militants présents dans la salle avaient à ce point des comportements de béni-oui-oui? C’est parce qu’ils avaient peur du chef, C’est parce qu’ils étaient tenus par des privilèges déjà obtenus ou espérés.

Le refus d’aller aux élections a été décidé au sein du conseil national du MRC, c’est-à-dire l’élite du parti. Le Conseil national du parti a-t-il confisqué la parole de la base au moyen d’un mécanisme qui ressemble à la démocratie représentative ? Certains responsables du MRC se pavanent déjà dans les médias pour démontrer le contraire, rappelant avec obstination que c’est la base qui s’est prononcée.

C’est au sortir du conseil national que le président Kamto a décidé de rendre compte de la position de son parti par rapport aux prochaines élections municipales et législatives. L’annonce est accueillie par des applaudissements nourris.

Les raisons évoquées sont : La crise au NOSO et la non-révision du code électoral. Le Professeur de droit a dû faire l’expérience d’un Choix cornélien. Aller aux élections, c’est valider un jeu inéquitable donc l’issue est connue d’avance…« Avec le système actuel, les mêmes causes produiront inévitablement les mêmes effets à savoir : fraudes massives, vol des résultats et nouvelle crise post-électorale » Et le refus d’aller aux élections, serait lourd de conséquences. C’est pourtant cette deuxième alternative que le MRC privilégie. Le Pr Kamto reconnaît que la décision ne va pas plaire à tout le monde. Il a néanmoins décidé de la prendre car il estime qu’à ce niveau de responsabilité ce qui doit occuper l’esprit d’un leader qui aspire à un destin national , ce ne sont pas les ambitions carriéristes de ses lieutenants mais plutôt ce qui fait commun , ce qui donne sens à l’aventure collective.<<Les intérêts supérieurs de la nation doivent prévaloir sur les ambitions politiques individuelles>>.

Derrière une décision d’une telle gravité se trouvent certainement des postures stratégiques, des rationalités sous-jacentes. Nous allons les formuler sous forme d’hypothèses.

La première de ces hypothèses serait de penser que Conscient du fait qu’il lui était difficile de prendre le pouvoir par la voie électorale , Le Pr Kamto a fait le pari de jouer sur la fatigue du régime Biya en activant les leviers qui lui permettent d’abimer encore plus sa crédibilité au niveau international. Une crédibilité déjà mise à mal par la grise mine avec les Etats-Unis. L’option du boycott vise à réintroduire dans les colonnes de la presse mondiale la crise sociopolitique au Cameroun. Elle vise à indisposer le régime en créant une actualité sur la perte de sa légitimité. Elle déplace le curseur vers un axe insurrectionnel. Mathias Nguini wona, l’ex-dissident reconverti au conservatisme restitue si bien les enjeux dans des termes qui ne sont pas totalement dépourvus de justesse lorsqu’on les dépouille de certaines allusions équivoques :

« Le boycott vise à endormir le régime, son chef et les forces sociales qui le soutiennent afin de lancer de nouvelles mobilisations insurrectionnelles usant de la revendication d’un code électoral comme “alibi” et opérant de connivence avec les hooligans armés ambazoniens qui durciraient leurs actions guerrières et terroristes. Avant que les voyous sectaristes (…) s’invitent éventuellement dans la partie !!! »

Le champ d’analyse ouvert par cette posture stratégique, fait florès, alimenté par la théorie du complot. L’hypothèse d’un complot aux ramifications internationales est davantage privilégiée à celle d’un complot entre Kamto et les forces ambazoniennes théorisée Mathias Owona. Il se murmure dans les causeries de famille qu’un intellectuel de la stature de Maurice Kamto ne saurait prendre une telle décision sans être en coalition des officines étrangères.

24 heures après le discours de Kamto les médias du pays annonçaient déjà l’arrivée au Cameroun du président de la commission de l’Union africaine, des dirigeants de la francophonie et du Commonwealth venus avec comme mission , accompagner le Cameroun vers une sortie de crise. Leur arrivée au Cameroun à ce moment précis, est-il sans rapport avec les stratégies de Kamto ? L’histoire nous le dira.

On pourrait aussi voir dans le choix de boycotter les élections, un simple souci de cohérence. Aller à une compétition électorale, tout en contestant les règles du jeu dilue la gravité des critiques qu’on peut formuler. On pourrait bien au lendemain des élections demander au Pr Kamto :

Si le jeu était si injuste et inéquitable pourquoi vous y êtes allés ? On pourrait aussi insinuer qu’il a quand même gagné les élections dans certaines localités. Est-ce que les mêmes règles du jeu ne s’appliquaient pas à ces circonscriptions administratives ?

Il reste tout de même que le boycott des élections est lourd de conséquences pour le MRC et son président. Les militants du parti parient sur le report des élections.

Boycotter une élection en misant sur le report de celle-ci par l’adversaire relève du charlatanisme. Si Biya décidait de reporter les élections, il apparaîtrait comme un président qui recule quand Kamto hausse le ton. Ce qui pourrait ouvrir la porte à une succession de chantages. Un pareil spectacle alimenterait très vite la chronique sur les signes annonciateurs d’une fin de règne.

Les militants du MRC doivent bien s’accommoder pour l’instant à digérer les conséquences suivantes que leur propre champion n’a pas manquées de relever :

Le Mrc ne pourra pas présenter de candidat à une prochaine élection présidentielle, la loi électorale en vigueur exigeant que tout candidat à une telle élection soit présenté par une formation politique ayant au moins un élu, à défaut qu’il rassemble 300 signatures venant de personnalités dont on sait qu’elles sont pour l’essentiel inféodées au régime. De même le MRC ne pourra pas présenter des candidats aux élections sénatoriales faute de conseillers municipaux.

Le retrait du MRC de la compétition électorale est un coup dur pour les militants qui aspiraient au statut d’élu. Le mécontentement se fait le plus entendre chez les figures du Mercato ( Célestin Djamen et Sam Séverin Ango..). Ce sont plutôt les franches radicalisées du Parti qui semblent saluer l’option du boycott. Plusieurs membres de la BAS n’ont pas manqué d’envoyer des félicitations au président Kamto tout en menaçant au passage les leaders politiques qui iraient aux élections. Etrange conception du jeu démocratique. Au nom de quoi tous les leaders de l’opposition seraient tenus de suivre de façon moutonnière les options du professeur Kamto ?

Les militants de la BAS rêvent d’une opposition alignée derrière leur idole, le Pr Kamto. Si ce dernier doit justement se positionner comme un leader de l’opposition dont les consignes sont suivies, ce sera par la négociation et le dialogue, et non par la menace , l’intimidation , les agressions physiques… Non seulement ce type de méthodes nuisent au leadership de kamto, elles pourraient aussi à terme, menacer l’équilibre très fragile du pays.

Pour l’instant on voit mal comment Kamto parviendra à jouer un rôle de rassembleur dans le contexte actuel de chamaillerie avec toutes les autres formations de l’opposition. La brouille a commencé avec Cabral Libi, après c’était Eric Kingué…Aux dernières nouvelles on menace d’agresser Joshua Osih (dans les rue de Paris) s’il allait aux élections. Les nervis de la BAS deviennent fous.

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