Les prisonniers du président - Sylvain Yemeli Wamba : “Que force revienne à la justice !”
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Le président de la jeunesse du MRC de Douala 4 (Bonabéri) a été arrêté au domicile d’Albert Dzongang à Douala le 28 janvier. Coupé de ses différentes responsabilités, il garde toutefois sa sérénité.

Dans la situation inconfortable dans laquelle il se trouve, Sylvain Bertrant Yemeli Wamba pense paradoxalement à Paul Biya qu’il n’hésite pas à citer. «J’espère, comme l’a dit M. Biya en février 2008 que le Cameroun est un Etat de droit et entend le demeurer et que force revienne à la justice ». Le paradoxe est d’autant plus prononcé que février 2008 reste l’une des périodes sombres de la répression du régime Biya face à des Camerounais qui réclamaient une meilleure situation. En 2008, Sylvain Yemeli Wamba est déjà actif en politique. Il est militant du principal parti politique de l’époque, le Social Democratic Front (Sdf) depuis 2004. L'info claire et nette. Et l’un des élus de ce parti d’ailleurs, l’honorable Jean Michel Nintcheu, organise pendant les premiers week-ends de cette année-là des marches pour protester contre la modification de la Constitution qui se profile à l’horizon. L’une de ces marches tourne mal. Il y a deux morts sur le carreau ce samedi-là à Douala. Le lundi suivant, des émeutes éclatent dans la ville de Douala et dans d’autres villes du Cameroun.

Plusieurs jeunes sont arrêtés et se retrouveront derrière les barreaux. Sylvain Bertrant Yemeli Wamba n’en faisait pas partie, mais il avait déjà, ancré en lui, le désir de voir les choses changer. Ce qui l’avait amené au Sdf quatre ans plus tôt. «Sensible à l’injustice et à la misère, conscient que l’amélioration de la vie des populations passe par un engagement actif à la recherche ou à la proposition de solutions concrètes : voilà le motif de mon engagement partisan actif au sein du Sdf à l’âge de 21 ans », rappelle-t-il aujourd’hui.

Social Democratic Front

Après quelques années au Sdf, Sylvain Bertrant Yemeli Wamba, va être séduit par l’arrivée du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) sur la scène politique nationale. Il rejoint le nouveau parti en 2013, tout juste un an après sa création. Il en évoque également les raisons : «En 2013, j’adhère au MRC, motivé d’abord par le charisme du leader de cette chapelle politique ; son statut de ministre ayant démissionné d’un gouvernement médiocre, mais pourtant convoité par les vautours de toutes sortes ; l’idéologie du parti ; le projet de société articulé autour de trois piliers ; le slogan (changement dans la paix) ; un programme politique conçu avec la collaboration de véritables patriotes, experts chacun dans un domaine qui concerne la vie nationale ».

L’évolution du nouveau militant sera assez rapide dans le MRC, notamment dans la circonscription de Douala 4 où il milite. Dans cet arrondissement, il va mettre sur pied deux unités du parti, à savoir celle de Sodiko Venise et celle de Sodiko Concorde. Des actions dont il n’est pas peu fier, surtout que ces unités ont été installées officiellement au stade Nkomba à Bonabéri par le président national du parti, Maurice Kamto, lors de son passage à Douala pendant la campagne électorale en prélude aux législatives et municipales de 2013. Pour ce qui est des postes de responsabilité occupés au sein du MRC, il sera de juin à décembre 2014 membre de la commission régionale des jeunes, chargé de l’implantation de cet organe annexe dans la Littoral I. Il est membre depuis 2015 de la commission mixte de révision des listes électorales et de distribution des cartes auprès de l’antenne communale Elecam de Douala 4 ; co-organisateur du 4e anniversaire du MRC le 30 septembre 2016. «Cet événement a été très déterminant pour la survie du parti dans le Littoral I, qui en ce moment-là était au bord de l’implosion ».

Actuellement président de la jeunesse du MRC de Douala 4 (Bonabéri), Sylvain Yemeli est également secrétaire départemental délégué chargé des questions électorales, administratives et de la vie locale. C’est fort de cette responsabilité qu’il occupe dans le MRC à Douala que le jeune homme n’est pas resté indifférent à l’alerte qu’il a reçue le 28 janvier 2019. Titulaire d’une licence professionnelle en comptabilité et finance, Sylvain Yemeli est associé au cabinet comptable, fiscal et juridique Hakim Consulting sis au quartier Akwa à Douala. Ce lundi-là donc, il est en plein exercice de son activité professionnelle. Une journée ordinaire, au terme de laquelle il devra retourner auprès de sa famille. Seulement, les choses ne se passeront pas comme prévu. Le site des camerounais de Belgique. La journée ordinaire va se transformer en cauchemar. «Pendant que je suis en clientèle au marché central de Douala, je reçois un appel, lequel m’informe de la présence du président Kamto au domicile de l’Honorable Dzongang. Quand à 18h je me porte sur les lieux, j’apprends son éventuelle arrestation. Curieux de vivre cet événement historiquement malheureux de la vie de notre pays, je fus embarqué comme bien d’autres, d’abord pour la police judiciaire de Douala Bonanjo, et ensuite conduit nuitamment, à tombeau ouvert au Sed, en transitant par le Gso à Yaoundé », relate-t-il.

La suite, c’est l’enchaînement de traitements inhumains et d’humiliation réservés à toutes les personnes arrêtées et déportées cette nuit-là à Yaoundé. C’est la découverte des conditions difficiles de vie dans les différents lieux de détention où ils seront trimbalés. «Enlevés et gardés à vue au Sed dans des conditions irrégulières et humainement indescriptibles, nous avons été placés sous mandat de dépôt à la prison centrale de Yaoundé où nous séjournons encore en attendant le dénouement judiciaire de cette affaire », explique Sylvain Yemeli. Le jeune cadre du MRC attend l’évolution judiciaire de la procédure engagée, mais à l’instar de ses autres camarades détenus à Yaoundé, il n’a pas perdu ses convictions. La difficulté du cadre de Kondengui l’a marqué, mais pas au point de le briser, avouet- il : «En attendant mon passage devant le juge d’habeas corpus, et éventuellement devant le commissaire du gouvernement, je reste très serein ». Et il insiste sur l’environnement dans lequel ils sont installés : « Toutefois, il y a lieu de déplorer les conditions de vie dans le milieu carcéral, caractérisé par la promiscuité, l’insécurité alimentée par les autres détenus en proie à la consommation de stupéfiants ».

Contrats résiliés

Mais la véritable source d’inquiétude du comptable qu’est Sylvain Yemeli se trouve hors de la prison. Ce sont ses clients qui ne peuvent plus bénéficier de ses prestations et qui par conséquent résilient les contrats avec le cabinet dans lequel il est associé. Et un grand nombre d’entre eux l’ont déjà fait. «La plupart des contrats d’assistance et de conseil étant faits intuitu personae, mon absence en période de renouvellement de leurs dossiers fiscaux est préjudiciable, la période légale d’établissement des états financiers annuels étant celle pendant laquelle je suis présentement écroué de manière rocambolesque à la prison centrale de Yaoundé ». Il déplore aussi le fait de ne pouvoir assumer en ce moment, du fait de son incarcération, certains engagements et responsabilités familiales.

Né le 04 novembre 1983 à Kumba dans le département de la Mémé, région du Sud-Ouest, Sylvain Yemeli a terminé ses études secondaires à Douala avant de poursuivre des études supérieures en comptabilité et finance. A côté de son activité dans un cabinet comptable et fiscal, il est membre de l’Association pour la défense des intérêts des contribuables (Adic). Marié et père de trois enfants dont il a été séparé depuis deux mois, il espère bientôt retrouver sa famille. Et justement, aujourd’hui, son principal espoir, en attendant de voir évoluer les choses dans le bon sens au Cameroun, est celui d’une justice libre et équitable.

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