Le juge d’instruction du Tribunal militaire se débarrasse de la bande à Kamto
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En utilisant les mêmes thèses que celles développées par certains membres du gouvernement au sujet des manifestations publiques organisées par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun et ses alliés, le magistrat militaire a bouclé, apparemment dans la précipitation, l’enquête qui lui était confiée. Economie du rapport qui élargit certains lampistes et ouvre la voie à des contestations devant des juges civils.

C’était chaud à la prison centrale de Yaoundé Kondengui vendredi dernier. Trente-huit détenus, partisans du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le parti du Pr Maurice Kamto, bien que blanchi de tout soupçon « d’insurrection » et « d’actes terrorismes », devant le Tribunal militaire de Yaoundé où ils faisaient l’objet d’une information judiciaire pour participation aux « marches blanches » organisées par leur parti, ont refusé de quitter l’établissement pénitencier où ils étaient pourtant embastillés depuis au moins cinq mois. Les responsables de la prison ont dû faire appel aux éléments du Groupement spécial d’opération (GSO) de la police pour les déguerpir des lieux, par force. Ce qui a occasionné des échauffourées à la prison.

En fait, les détenus en question ne voulaient pas quitter la prison de Kondengui tant que leurs camarades du MRC également détenus ne sont pas libérés. Ces derniers ont été renvoyés en jugement la veille, à travers une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi datée du 11 juillet 2019 par le colonel Misse Njone Jacques Baudouin, juge d’instruction au Tribunal militaire de Yaoundé. Le document présente quelques curiosités au niveau des visas. Pr Maurice Kamto, le président du MRC, et 103 militants et sympathisants du MRC dont les plus emblématiques sont Pr Alain Fogue Tedom, Me Ndocki, Célestin Djamen, Paul Éric Kingue, Christian Penda Ekoka, Albert Dzongang, l’artiste Valsero, entre autres, doivent en effet s’expliquer sur les faits présumés d’insurrection, acte de terrorisme, hostilités contre la patrie, destruction, manifestation publique, attroupement, dégradations des biens publics, rébellion, outrage à la présidence de la République mis à leur charge. En plus de ces charges, Me Ndocki est accusée de tentative d’immigration clandestine.

Silence total

Les faits à l’origine de la procédure tirent leur source des manifestations publiques, baptisées « marches blanches » et organisées à travers le pays pour contester les résultats de l’élection présidentielle du 8 octobre 2018, mais aussi contre les scandales à l’origine du report de la Can 2019 alors prévue au Cameroun, sans oublier la gestion de la crise anglophone. Le juge d’instruction explique, dans les développements de son ordonnance, que le 26 janvier 2019, les mis en cause ont bravé l’interdiction des autorités, et ont envahi les rues des villes de Bangangté, Bafoussam, Bafang, Douala, Dschang et Yaoundé pour contester publiquement les résultats de la présidentielle. Les manifestants portaient des t-shirts et pancartes avec des « messages à caractères séditieux et incitatifs à la rébellion ». Les manifestations se sont étendues dans certains pays d’Europe précisément en Allemagne et en France où certaines personnes se réclamant du MRC ont saccagé et pillé les ambassades du Cameroun dans ces pays. Les investigations menées par les enquêteurs ont permis de découvrir, dit le magistrat militaire, que les manifestations du 26 janvier 2019 avaient été minutieusement planifiées au cours d’une réunion tenue à l’Hôtel Impérial de Bafoussam présidée par Pr Kamto et Pr Alain Fogue Tedom, entre autres.

Certains inculpés sont mis hors de cause par un non-lieu. Le juge d’instruction estime que c’est à tort qu’ils se retrouvent dans l’affaire, car la plupart d’entre eux ont été interpellés aux alentours du domicile de Albert Dzongang à Douala, d’autres participaient aux manifestations incriminées par mimétisme, d’autres n’étaient que de simples passants. « Les circonstances de leur arrestation laissent apparaître qu’ils étaient à tout le moins des suiveurs, des naïfs et des curieux. »

S’agissant du Pr Maurice Kamto et ses affidés, renvoyés en jugement, le juge d’instruction précise qu’ils se sont abstenus de faire des déclarations lors de l’information judiciaire, mais «se sont bornés à soulever l’exception d’incompétence ». Face au mutisme, il s’est appuyé sur leurs déclarations faites pendant l’enquête policière où les concernés n’ont pas nié avoir ignoré l’interdiction de la manifestation incriminée. Le portail des camerounais de Belgique. Par exemple, M. Kamto assume être le leader du MRC et reconnait être l’orateur de la vidéo postée sur la toile invitant « les adultes à laisser leurs enfants à la maison et descendre massivement dans la rue ». Le juge d’instruction trouve que le « mutisme n’est qu’un subterfuge pour se dérober à leur responsabilité pénale ».

Atanga Nji

Dans l’ensemble, le juge d’instruction donne l’impression d’emboucher la même trompète que certains membres du gouvernement qui se sont déjà exprimés par le passé sur les marches du MRC, notamment le ministre de l’Administration territoriale, M. Paul Atanga Nji, et le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, faisant cette fois un lien entre les événements organisés à Yaoundé et ceux qui se sont déroulés en France et en Allemagne, sur la seule base des données véhiculées sur les réseaux sociaux. Alors qu’il fait état à chaque fois d’une « investigation poussée », parlant de l’enquête policière, il ne dit nulle part s’il y a eu enquête en France et en Allemagne. Ainsi, on n’est pas étonné de lire ceci : « ces manifestants, bravant l’interdiction de l’autorité compétente, tenaient des pancartes sur lesquelles étaient inscrits des messages à caractère séditieux et incitatif à la rébellion […].

Certains pays de la diaspora ne sont pas restés en marge de ces manifestations interdites, notamment l’Allemagne, la France où l’on a noté le même jour, de violents agissements de certaines personnes qui réclamaient leur appartenance à cette formation politique ; que c’est ainsi que les représentations diplomatiques du Cameroun, basées dans les deux pays suscités, ont subi la foudre de ces hors-la-loi, qui ont saccagé et pillé ces locaux. » L’ordonnance de renvoi partiel se contredit parfois, donnant l’impression que son auteur n’a pas eu à se relire. A certains endroits, le juge d’instruction affirme que les inculpés ont reconnus «les faits d’insurrection, hostilité contre la patrie, rébellion, dégradation de biens publics, destructions, manifestations publiques, attroupements, outrage au président de la République, des complicités des mêmes faits mis à leurs charges, et tentative d’émigration clandestine reprochée exclusivement à Ndocki Michelle Sonia Martine» et, plus loin, il affirme le contraire, indiquant que les mis en cause ont nié lesdits faits. Ou encore qu’ils «se sont désolidarisés des actes de vandalisme perpétrés par des militants à l’étranger, bien que réunis sous la bannière de leur parti, le MRC ».

Les « erreurs de frappe » qui jonchent les visas au début de l’ordonnance non-lieu partiel laissent croire que le lieutenant-colonel magistrat Misse Njone a dû se prendre pour le commissaire du gouvernement à défaut de s’être simplement approprié les écritures de ce dernier dans son ordonnance de non-lieu partiel. Le juge d’instruction s’approprie en effet les deux réquisitoires introductifs d’instance, qui sont l’œuvre du parquet : « Vu notre réquisitoire introductif d’instance… », écrit-il. Le 13 juillet 2019, le collectif d’avocats qui défend M. Kamto et sa bande a rendu public un communiqué dans lequel ils reprochent au juge d’instruction « le mépris des règles de procédures ». La défense affirme que le juge instructeur aurait dû statuer sur sa compétence par une décision préalable avant de poser tout autre acte de procédure. Mais ce dernier a choisi de retenir sa compétence et de renvoyer leurs clients en jugement devant le tribunal militaire de Yaoundé par une même ordonnance contre laquelle des recours en contestation seront exercés.

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