Le chief Mukété mécontent de la situation sécuritaire en zone anglophone et tourne le dos à Biya
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Les autorités de Yaoundé bloquent toutes les initiatives de dialogue et continuent à les qualifier de « terroristes ». Pendant ce temps, ils sont reçus à sa résidence en grande pompe par le doyen des sénateurs, Chief Nfon Mukete, chef suprême des Bafaw dans la Meme, région Sud-ouest. Dernièrement en pleine session plénière d’adoption du projet de loi fixant le nombre de conseillers régionaux au Cameroun, Chief Nfon Mukete avait clairement exprimé son courroux contre Paul Biya pour sa gestion de la crise anglophone. « Je m’en fous. Allez le dire à n’importe qui. Allez dire à Paul [Biya]. Citez-moi n’importe où.

Qu’est-ce que toutes ces absurdités ? Mon peuple meurt, il souffre et nous nous livrons à des jeux ici à Yaoundé. On devrait être prudent », s’était indigné le membre du comité central du RDPC. Pour Lui, le système a échoué. Chief Nfon Mukete soutenait alors que la fédération est l’unique solution. « Dix états fédérés pour que chaque région puisse gérer ses affaires. Pourquoi les gens ont peur de la fédération ? Je ne parle pas comme cela parce que le pays devrait être divisé. Non ! Je me suis battu ardemment pour la réunification de l’ex Southern Cameroon et l’ex République du Cameroun. Et je ne pourrais jamais détruire cet acquis », avait-il déclaré. Ce n’est pas la première fois que cet acteur majeur de la réunification dans les années 1960, considéré aujourd’hui comme l’un des gardiens de la mémoire du pays, se livre à un tel exposé. Un peu plus d’un an, Chief Nfon Mukete avait dans les colonnes de l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique déclaré que? l’extrême centralisation actuelle est une erreur pour le Cameroun.

Bien plus, il avait estimé que si l’on s’était abstenu d’emprisonner des leaders modérés qui n’avaient en définitive que des revendications sociales. Si l’on s’était abstenu aussi de brider la parole des protagonistes des deux camps, celui des modérés comme celui des sécessionnistes, on n’en serait pas là aujourd'hui. Il poursuit : « À peine 10 anglophones sur les 60 membres du gouvernement… Nul ne peut prétendre être à l’aise avec ça ! » Selon lui, on aurait pu trouver des solutions avant que les choses ne dérapent. Il cite en exemple la fameuse Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, présentée par les autorités comme la panacée à la crise, mais arrivée peut-être un peu tard et assimilée par ses détracteurs à un cautère sur une jambe de bois.

Centralisation du pouvoir actuel est une erreur

Il assure en avoir eu l’idée, quelques années plus tôt, et aurait aimé la soumettre au président Biya. Certains, parmi ceux à qui il en avait parlé, s’étaient dépêchés de commettre un rapport l’accusant de vouloir provoquer des divisions dans le pays. Cela lui avait valu d’être interrogé par le délégué général à la Sûreté nationale. Il avait également été empêché d’en débattre avec les chefs traditionnels des régions anglophones. Annoncée finalement à l’un des moments les plus délicats de la crise, fin 2017, l’idée de cette commission semble avoir perdu toute pertinence

Paul Biya omniprésent

Épousant les vues des anglophones les plus modérés, Mukete prône désormais l’instauration d’un fédéralisme à dix États « dès que l’on sera en mesure de le financer », ajoute-t-il pragmatique. « Il ne peut y avoir aucune ambiguïté : l’extrême centralisation actuelle est une erreur. » Ce serait, à l’en croire, une façon de donner aux uns et aux autres l’occasion de se prendre en charge, aux populations oubliées de l’Extrême-Nord autant qu’à celles du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. « Je suis persuadé, assure-t-il, que le président acceptera cette idée. »

Mukete affirme avoir ouï dire que le chef de l’État le considérait comme « un sage capable d’indiquer les chemins de sortie de crise ». Mais Paul Biya n’a jamais émis le souhait de l’entendre sur ce sujet alors même qu’en tant que paramount chief (chef suprême) des Bafaw, un groupe ethnique du Sud- Ouest, il jouit d’une vraie légitimité dans les régions anglophones. De tout cela, Mukete fait mine de ne pas prendre ombrage. N’a-t-il pas songé à écrire au président, lui qui répète qu’il lui doit « part de vérité » avant la fin de son mandat de sénateur, prévue en 2018 ? « Moi, lui écrire ? Mais qui me dit que cette lettre lui parviendrait ? Ahidjo était plus accessible. À chacun sa méthode. »

Président du conseil d’administration de la Cameroon Development Corporation (CDC, deuxième plus gros employeur du pays avec 22 000 salariés, véritable État dans l’État) entre 1960 et 1982, Mukete pouvait à l’époque rencontrer le premier président camerounais en passant un simple coup de fil à l’un de ses conseillers.

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