Résistance du Mrc : Comprendre l’évolution du Plan national
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Radicales et/ou modérées, les positions adoptées au sein de cette formation politique contribuent progressivement à renforcer cet agenda.

Après deux jours d’âpres plaidoiries qui auront marqué les audiences publiques du contentieux postélectoral relatif à l’élection présidentielle du 07 octobre dernier, le recours du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) sera au final rejeté le 18 octobre dernier. Les réactions ne vont pas se faire attendre. « Je suis déçu. On est dans une histoire terrible où le Conseil constitutionnel vient de s’illustrer comme une chambre d’amis de M. Biya […]

Nous ne reconnaîtrons pas Paul Biya comme [notre] Président. [Notre] Président, c’est Maurice Kamto, et les Camerounais vont en être édifiés dans les prochaines années », va promettre le directeur de campagne du « tireur de penalty », Paul Eric Kingué. Dans une posture moins radicale, des avocats du parti vont également se prononcer. « Je peux dire avec certitude que ce qui s’est passé à Yaoundé en 2018 est sans précédent dans ce pays […] Pour nous, ce n’est qu’une étape et demain, on reviendra plus fort et encore meilleur », avait laissé entendre Me Emmanuel Simh, qui est par ailleurs l’un des vice-présidents du Mrc. Pour Me Sylvain Souop, « (…) le petit peuple a découvert qu’il est possible de pouvoir faire bouger les lignes avec les lois du Cameroun, avec le système camerounais. Il faut simplement être endurant et travailler pour que demain, il y ait un véritable changement ». Durs ou tendres, ces propos ont précédé l’entrée en scène, fin octobre dernier, de la phase I du Plan national de résistance (Pnr) du Mrc, peu avant la cérémonie de prestation de serment de Paul Biya, qui a eu lieu le 06 novembre dernier. Cet événement, Maurice Kamto et les siens avaient prévu de le perturber à travers une kyrielle d’actions aussi bien à l’étranger que sur le triangle national, notamment l’étalage des « fraudes sauvages » ayant prévalu lors du scrutin présidentiel.

« Brigade anti-sardinards »

Face aux menaces du Mrc d’initier des manifestations de rue, à Yaoundé, le ton monte. Le gouvernement, à travers le ministre de l’Administration territoriale, promet que les personnes qui tenteraient un mouvement insurrectionnel allaient subir toute la rigueur de la loi. Le 27 octobre à Douala, 45 manifestants sous la conduite de Me Michèle Ndoki tentent de braver l’interdiction de manifestation publique des autorités administratives. Ils sont arrêtés juste au début de la marche dite pacifique par les forces du maintien de l’ordre et conduits à la division régionale de police judiciaire du Littoral. Le procès ouvert à la suite de ce mouvement a connu un dénouement mardi 4 décembre, avec l’abandon de toutes les charges retenues contre les manifestants par le Tribunal première instance (Tpi) de Douala. A Yaoundé, le 06 novembre, jour de prestation de serment de Paul Biya en qualité de président de la République réélu, Maurice Kamto regroupe quelques militants, non pas à l’esplanade du stade Omnisports Ahmadou Ahidjo comme annoncé, mais au niveau du rond-point Nlongkak. Le portail de la diaspora camerounaise de Belgique. A peine prend-t-il la parole devant ceux-ci qu’une escouade de gendarmes et policiers débarque et les embarque. Le patron du Mrc sera conduit immédiatement à son domicile au quartier Santa Barbara où il est assigné à résidence sans aucune décision du juge pendant quelques jours.

Entre-temps, un duel « Tontinards (supporters de Maurice Kamto » contre « Sardinards (supporters de Paul Biya » monte en puissance. Sur les réseaux sociaux, les joutes verbales opposant les deux tendances s’enlisent. Le Mrc est accusé d’être derrière la fameuse Brigade anti-sardinards (Bas), un mouvement né au sein de la diaspora camerounaise, hostile aux artistes ayant pris part au concert organisé pour la victoire du porte-étendard du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), le 22 septembre à Yaoundé. L’opinion semblait y croire jusqu’au 20 novembre dernier, jour où le mandataire de Maurice Kamto à la dernière présidentielle et non moins trésorier national du parti, Alain Fogué Tedom, va apporter un démenti formel sur les ondes d’une radio basée à Douala. « Le Mrc n’a jamais été ni de loin, ni de près lié à cette affaire (Brigade anti-sardinards, Ndlr). Le Mrc n’est pas la Brigade dont vous parlez ». Et d’ajouter, indigné : « On ne doit pas rendre Monsieur Kamto responsable des initiatives qui ont été prises sans son consentement ».

Par cette clarification, le parti se désolidarise des rumeurs qui entachent sa réputation. Et annonce le 22 novembre dernier, la phase II du Pnr. Lors d’un point de presse organisé à cet effet par le porte-parole de Maurice Kamto, Olivier Bibou Nissack, la position du Mrc qui « n’a rien à voir avec une insurrection » va connaître des ajustements. Il est instauré un jour de commémoration dénommé « Non au hold-up électoral » et décidé que le parti déclare de manière « systématique toutes les manifestations prévues pour que désormais, le viol de la loi soit prouvé en plus du viol de la Constitution ». Ce sont les nouveaux ingrédients de la résistance.

Crise anglophone

Seulement, depuis son retour d’Addis-Abeba le 19 novembre dernier, cette dernière mesure (déclaration de manifestation) recommandée par le « tireur de penalty » qui ne veut perdre aucun « résistant » inutilement, semble ne pas avoir rencontré l’adhésion de tous ses supporters au sein de l’opinion. « Les gens ont une perception complètement erronée des positions de Maurice Kamto. Depuis le début, il a toujours eu des positions assez souples. Au départ, le Plan national de résistance ne demandait pas que les gens manifestent en désordre […] Ils ont pensé qu’il (Maurice Kamto, Ndlr) était un va-t-en-guerre. C’est ce que l’opinion n’arrive pas à cerner […] Je ne comprends pas pourquoi on le caricature comme quelqu’un qui a baissé d’un cran », explique Paul Eric Kingué, qui pense que Maurice Kamto agit aux antipodes de ses positions à lui. Lesquelles, dit-il, sont totalement extrémistes. L'information claire et nette. « Ce qui le différencie de moi dans cette affaire, c’est que moi, je voulais une radicalisation complète […] La plus grande chance que ce régime a eu, c’est que c’est Maurice Kamto qui était candidat et pas moi », ajoute le directeur de campagne du porte-étendard du Mrc. Plus modéré, Me Emmanuel Simh soutient que la décision de désormais déclarer toute manifestation du Mrc concernant le Pnr, ne devrait faire l’objet d’un quelconque débat. « Nous sommes des hommes qui ne peuvent certainement pas être d’accord sur tout, tout le temps. Mais, le Plan national de résistance dans sa phase II ne souffre d’aucun problème au sein du parti. Laissons-le simplement évoluer et vous verrez ce que nous ferons », assure-t-il. Toute aussi pondérée, Me Michèle Ndoki estime qu’avec la déclaration de manifestation - qui n’est pas une nouveauté au sein du parti -, il est question de mettre l’Etat face à ses responsabilités. Car, affirme-t-elle, « certains membres du gouvernement ont reproché au Mrc d’exercer son droit constitutionnel de manifestation en marge de la loi ».

De ce fait, « il s’agit désormais (avec cette mesure, Ndlr) de prendre la communauté nationale entière à témoin », soutient l’avocate pour qui actuellement, au sein du Mrc, il n’y a pas de « courant divergent et d’incompréhension », au vu des questions de l’heure telles la paix ou la situation sociopolitique dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Annoncées le 27 novembre dernier dans une vidéo du « Président élu », les observations de « demi-journées, journées villes et villages morts et gigantesques marches pacifiques » constituent de nouvelles « formes d’expression » de la résistance au hold-up électoral.

Destinées à se mettre en place graduellement, elles visent à contraindre le pouvoir à trouver « des mesures significatives nécessaires » pour résoudre la crise anglophone. Créé dans cette optique le 30 novembre dernier par décret présidentiel, le Comité national de désarmement, de démobilisation et de réintégration (Cnddr), des ex-combattants de Boko Haram et des groupes armés des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, semble être une main tendue du pouvoir aux groupes sécessionnistes actifs dans la partie anglophone. Il est à préciser que, dans sa phase II, le Pnr consiste à « observer une demi-journée sans activité » tous les lundis à partir de 13h. Le plan qui devait être mis en oeuvre dès le 03 décembre dernier n’est pas effectif.

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